Une figure emblématique de la défense des MG s’en est allée

Michel Vrayenne, géant du syndicalisme médical, s’est éteint ce week-end à l’âge de 83 ans. Zoom sur le parcours d’un leader qui avait «le sens de la formule, de synthèse mais aussi assassine. Cela étant, il combattait pour les idées, et pas les gens», évoque son compagnon d’armes Marcel Bauval. On lui doit notamment, résume l’actuel vice-président du GBO, d’avoir fondé un mouvement représentatif des MG et d’avoir longuement ferraillé, jusque devant le Conseil d’Etat, pour décrocher la tenue d’élections qui, en 1998, vont rebattre les cartes de la représentation des médecins à l’Inami. 

Né en 1932, médecin en 57, Michel Vrayenne a exercé jusqu’en 2015, toujours comme MG, retrace le Dr Bauval. Très tôt, lui qui soigne en solo au cœur de Liège, contracte le virus de la défense professionnelle. «Les grèves de 1964 laissaient aux MG un goût amer: celui d’avoir été au front mais, aussi, au final, les dindons de la farce. En 1965, plusieurs mouvements de MG germent, dont le GBO, décidé à devenir un contrepoids aux Chambres syndicales. Pas facile, à l’époque. Adhérer, c’était être considéré comme un traître à l’unité du mouvement syndical médical. Et pourtant il fallait faire entendre, spécifiquement, la voix des généralistes.»

Polycopies nocturnes, puis Confédération

Michel Vrayenne se dévoue corps et âme à cette dynamique. En 1968, le GBO reçoit son agrément du Conseil d’Etat au titre d’organisation professionnelle; en 1969, le Dr Vrayenne en devient le premier secrétaire général, «abattant un travail phénoménal, dont la rédaction et la diffusion de ‘feuilles de liaison’ qu’il polycopiait – seul moyen à l’époque de diffuser de l’info qui contrebalance la propagande des Chambres syndicales. Michel y a passé les nuits, littéralement!»

Alors que les institutions, les organes de concertation…, prennent corps, le GBO, lui, prend de l’ampleur, poursuit son vice-président. «Toutefois, sa route était barrée, systématiquement, par le puissant chef de file de l’ABSyM, André Wynen, opposé à ce qu’une association de MG siège à l’Inami.» Le GBO se voit bientôt souffler par le ministère, s’il veut y prendre pied, de s’arrimer à une organisation de spécialistes.

«Michel opérera un rapprochement avec l’ASGB, l’Algemeen Syndicaat der Geneeskundigen, détenteur à cette époque de deux sièges en médico-mut, contre huit à l’ABSyM. Il y a trouvé du respect, des positions plus proches des nôtres et de la réceptivité à l’idée d’une coalition. C’est ainsi que naquit, en 1977, la Confédération des médecins belges. D’emblée, Michel fut proposé comme président.»

Cela ouvrit une ère d’échanges très fructueux avec Marcel De Brabanter [le médecin fondateur de l’ASGB, ndlr], ajoute le Dr Bauval, «avec lequel Michel tissa des liens d’amitié». Parallèlement, en interne au GBO, «il eut le flair de repérer parmi les militants de jeunes pousses prometteuses, comme Philippe Vandermeeren [qui coiffera plus tard, durant des années, la casquette de président, ndlr] dont il est devenu le mentor et qu’il a poussé à marcher sur ses traces, lui cédant son poste de secrétaire».

Des élections, un acquis historique

Michel Vrayenne n’a pas ménagé ses efforts dans le combat historique du GBO/VBO (l’aile flamande qui plus tard se séparera de la francophone pour fonder le SVH, Syndicaat van Vlaamse Huisartsen, ndlr] et de la Confédération: réussir à asseoir officiellement la représentation de la médecine générale dans les organes de concertation.

Marcel Bauval le rappelle: cette longue course d’obstacles – «semés par l’ABSyM» – s’est clôturée sur une double victoire: l’organisation des premières élections médicales, en 1998, durant le mandat aux Affaires sociales de la socialiste Magda De Galan, et le bon résultat du Cartel, «le premier du nom» (composé de la Confédération - soit ASGB + GBO - et du SVH), qui a bousculé le paysage de la défense professionnelle des médecins. Le Soir, à l’époque, avait titré: «Les urnes divisent spécialistes et généralistes», actant que «côté généralistes, c'est le Cartel qui rafle la mise avec quatre sièges sur six».

Arpenteur infatigable de l’Inami et du ministère

Le Dr Bauval applaudit l’énorme investissement de Michel Vrayenne, «piler de la médico-mut, mais aussi du ‘conseil de gestion’, l’ancêtre du comité de l’assurance. En 2001, il a dû – la mort dans l’âme – renoncer à ces mandats: il existait à l’époque à l’Inami une règle fixant une limite d’âge», se souvient notre interlocuteur, qui l’a remplacé au comité de l’assurance, de même qu’à la tête de la Confédération, dont le Dr Vrayenne avait pris sa retraite (*). «Ce qui ne l’empêchait pas de rester fort investi au GBO, dont il était devenu trésorier, partageant sa grande expertise des dossiers, prodiguant des conseils judicieux. C’est un homme qui avait le sens de la négociation. Il voyait vite les problèmes mais aussi, les solutions!»

«Un épicurien»

Marcel Bauval retient encore qu’il était «bon orateur, bon débatteur, doté d’un esprit de synthèse affûté et n’ayant pas peur de défendre des idées qui surprenaient». Un trait de sa personnalité, que n’auront relevé que ceux qui l’ont fréquenté de près, était, dit-il, une grande sensibilité, une perméabilité aux émotions. «Il était aussi un homme cultivé, de père musicien et mélomane lui-même, aimant les belles choses, aimant les bonnes choses. C’était un épicurien.»

 

La rédaction de Medi-Sphere exprime toute sa sympathie à la famille du défunt.

 

(*) Jean-Pierre Bayens est devenu brièvement président de la Confédération avant de céder la place au Dr Vandermeeren, tandis que Marcel Bauval a succédé au Dr De Brabanter comme secrétaire général, ce qu’il est toujours.

 

Les faits d’armes de Michel Vrayenne (pointés par le Dr Bauval)
  • avoir fondé un mouvement spécifique aux MG, sans pour autant le faire vivre en vase clos;

  • avoir opéré un rapprochement stratégique avec l’ASGB et ainsi assuré des échanges avec les spécialistes, à une époque où André Wynen se montrait particulièrement méprisant vis-à-vis des MG;

  • avoir décelé les capacités d’un Philippe Vandermeeren;

  • et, «sa principale conquête», avoir obtenu la tenue d’élections médicales qui ont consacré le poids, la valeur et la représentation de la médecine générale.

Michel Vrayenne était du reste un membre fondateur de la SSMG.

 

Quasi 60 ans de pratique «et 150 bébés mis au monde»

Cette précision émane de Cécile Vrayenne, fille du défunt syndicaliste, journaliste santé. «L’omnipraticien peut beaucoup», répétait le Dr Vrayenne, qui diffusait des credo fondateurs du GBO: le remboursement égal de toute consultation spontanée et l’échelonnement. «70% des plaintes peuvent être traitées par un MG seul», insistait-il. Outre son engagement syndical et sa pratique, Michel Vrayenne a trouvé le temps d’exercer la médecine du travail et de contrôle, d’enseigner la fiscalité aux futurs généralistes de l’ULg (dont il a co-présidé l’Association des médecins diplômés, l’AMLg) et de siéger à la Commission médicale provinciale de Liège.

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