Loi-cadre: des élus plaident pour un équilibre entre régulation et liberté médicale

À la suite de l’enquête publiée par Medi-Sphère et Le Spécialiste, plusieurs parlementaires, tant de la majorité que de l’opposition, se sont exprimés sur le projet de loi-cadre du ministre Frank Vandenbroucke. Tout en partageant les objectifs de réforme, ils appellent à préserver la concertation, à garantir la liberté de conventionnement et à éviter une rupture durable avec le corps médical.

Pour le Dr Jean-François Gatelier, député fédéral pour Les Engagés : « En tant que médecin et député, je comprends pleinement les craintes et la colère qui montent dans le corps médical. L’enquête est sans appel : huit médecins sur dix rejettent l’avant-projet de loi, et la majorité envisage une grève. Nous plaidons pour une réforme équilibrée, qui donne un cap politique sans dévoyer la démocratie sanitaire. L’accord de gouvernement donne une orientation qui devra se matérialiser. Oui à des règles claires, non à la suppression de toute souplesse comme le conventionnement partiel. Oui à la responsabilisation, non au retrait du numéro INAMI sans garanties procédurales solides. Réformer, c’est dialoguer. Si ce projet reste figé, il fracturera durablement la relation entre l’État et les médecins. Nous percevons toutefois une volonté de dialogue pour trouver un juste équilibre. »

La fin de la médecine libérale ?

Au MR, pour le Dr Yannis Bakhouche, la question se pose : « Est-ce la fin de la médecine libérale ? »
« Depuis l’arrivée du ministre, ce qui m’inquiète profondément, c’est cette méfiance persistante à l’égard des prestataires de soins. Un véritable point de fracture s’est creusé entre le terrain et les décideurs. La question des suppléments d’honoraires mérite d’être abordée sérieusement. Dans certains hôpitaux, ils peuvent atteindre jusqu’à 300 %, avec des écarts notables entre institutions francophones et néerlandophones. Une interdiction totale me semble excessive et contre-productive, mais une régulation via un plafonnement, des critères clairs et une transparence accrue sur les factures pourrait être envisagée.
À mon sens, cette réflexion ne devrait toutefois intervenir qu’une fois la réforme du financement hospitalier actée. Il est indispensable de garantir l’autonomie et la liberté de pratique des médecins. »

Pour lui, « le système actuel de conventionnement doit être maintenu, voire amélioré. Mais surtout, la liberté d’y adhérer ou non doit rester garantie. Il en va de l’indépendance professionnelle des praticiens. »

Dialoguer avec les médecins

Au PS, la députée fédérale Ludivine Dedonder, présidente de la commission Santé à la Chambre, veut une réforme concertée pour des soins accessibles à tous, dans un cadre clair et juste :
« Nous partageons les objectifs du ministre Vandenbroucke, à savoir des factures de soins abordables et claires, mais nous soulignons un problème de méthode. Il est selon nous nécessaire de mieux encadrer et de limiter les suppléments d’honoraires. Le système actuel, avec des médecins partiellement conventionnés, est par ailleurs difficile à comprendre. »

Mais pour changer les choses, il faut aussi écouter l’ensemble des acteurs.
« Si l’on impose une réforme sans dialogue, cela risque de crisper une grande partie du secteur, avec des médecins qui sortiraient du système. Ce serait un échec, et ce sont les patients qui en paieraient le prix. Cette réforme doit aller de pair avec une réflexion plus large sur la manière dont les hôpitaux sont financés et sur la valorisation des actes médicaux. »

« Ne pas s’attaquer aux soignants »

« Notre système de santé doit évoluer : l’accès aux soins reste inégal, les dépenses doivent être mieux encadrées et plus transparentes, et certains suppléments d’honoraires sont inacceptables », explique Samuel Cogolati, coprésident d’Ecolo.
« Mais réformer la santé, ce n’est pas gouverner contre les soignants. Ce n’est pas affaiblir les mutuelles, les syndicats, ni imposer des mesures qui mettent les acteurs de terrain dos au mur. Quand huit médecins sur dix menacent de faire grève, ce n’est pas un simple désaccord. C’est le signe d’un malaise profond. Chez Ecolo, nous défendons un système de soins co-construit, ancré dans les réalités locales, piloté avec les professionnels et les patients. Contrairement au ministre Vandenbroucke, nous pensons que supprimer le conventionnement partiel, dans un contexte de pénurie, c’est aggraver les difficultés d’accès aux soins. Prendre soin du système, c’est d’abord prendre soin de celles et ceux qui le font vivre. »

Une médecine libérale et sociale

Enfin, François De Smet, député fédéral DéFI, veut un système de soins qui prenne en compte les besoins des patients tout en étant soutenable financièrement.
« L’avant-projet de loi s’attaque de manière frontale, sans véritable concertation, à la profession de médecin et risque de s’avérer contre-productif. DéFI défend une vision libérale mais sociale de la médecine et considère que la concertation sociale avec les organisations syndicales de médecins est une plus-value. DéFI dénonce par ailleurs le fait que ces mesures ne figurent pas dans l’accord gouvernemental ARIZONA et portent atteinte au statut même du médecin, qui demeure une profession libérale à respecter, dans un contexte de pénurie toujours bien présente. Un déconventionnement massif de médecins serait une catastrophe pour l’accessibilité aux soins. Le retrait possible du numéro INAMI par le ministre vis-à-vis du médecin est assurément une mesure autoritaire. »

> Découvrez l'intégralité des chiffres de l'étude

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Derniers commentaires

  • Jean Paul Daxhelet

    16 juin 2025

    Madame Dedonder, si vous le souhaitez, contactez-moi et je vous expliquerai l'intérêt pour le patient, la sécurité sociale et le médecin du conventionnement partiel.