Faut-il que les patients paient plus pour les soins de santé ? ( Dr G. Bejjani )

En cette période de discussion sur le budget de la santé, il y a énormément d’inquiétude concernant les économies à réaliser. Le dérapage budgétaire de l’État a repris durant les années Covid et, depuis lors, la dette ne cesse de se creuser. Celle-ci doit rester sous contrôle en raison des exigences européennes et de la croissance faiblarde du PIB. Et si nous misions sur l’efficience et la responsabilisation ?

Le gouvernement Arizona avait annoncé 23 milliards d’économies sur la législature. La question logique qui suit est : où faire cet effort, si ce n’est pas par de nouvelles taxations ? Quel budget va-t-on réduire ?
Rappelons que, si les soignants se plaignent des économies à réaliser, d’autres secteurs sont également sous-financés ou en souffrance : pensons à la justice ou à l’enseignement. Et, parmi tous les budgets, celui de la santé est indexé quasi automatiquement.
De plus, il y a cette notion de norme de croissance dans le budget de la santé, censée accompagner la croissance « naturelle » des besoins. Une norme de 2 à 3 % représente quasiment un milliard d’euros d’augmentation chaque année pendant la législature. Est-ce possible dans le contexte actuel ?
La part du secteur de la santé dans le PIB est passée de 8 % à presque 11 %* entre 2000 et 2020. Si cette croissance a été possible, c’est parce que ce budget provient de la croissance du PIB (entre 1 et 2 % par an*), sinon d’autres secteurs auraient dû être réduits ou le déficit creusé.

La confiscation d’une augmentation
La norme de croissance représente de l’argent complémentaire pour investir dans la santé. C’est « en plus » de l’index. Et là, le gouvernement nous dit, en quelque sorte, que « le milliard que vous avez reçu en plus des autres secteurs, on le reprend pour économiser 907 millions d’euros ». En réalité, ce n’est pas vraiment une économie, mais la confiscation d’une augmentation.
Soulignons que le budget des médecins n’a été dépassé que de 31 millions d’euros en 2025 et que d’autres secteurs, notamment le pharmaceutique, ont dépassé leur budget. Si la croissance globale est confisquée, alors tout ce qui n’est pas encore dépensé est « gelé » (pour à peu près la moitié de l’effort demandé) et les dépassements doivent être remboursés (pour l’autre moitié). C’est ce qui est demandé schématiquement.
Le seul hic, c’est qu’on fait payer le corps médical en lui réclamant 150 millions pour réduire l’effort des dépassements des autres secteurs.
Dans ce climat, il faut néanmoins rester raisonnable. À titre personnel, je ne suis pas choqué par une non-progression du budget de la santé. Il y a des économies colossales à faire, et tous les secteurs sont concernés. Que ceux qui dépassent remboursent, et chaque secteur commencera à imaginer comment faire plus avec moins. L’efficience, c’est la seule recette. Sinon, il reste la taxation !

Responsabilisation du patient
Une piste avancée par le corps médical est d’augmenter les tickets modérateurs de quelques euros, ce qui pourrait représenter une somme de quelques centaines de millions d’euros. Et, dans ce débat sur la hausse du ticket modérateur, de plus en plus de gens déclarent qu’on peut en exclure les BIM, mais ce n’est pas le fond du problème. Le débat est plus large et plus complexe.
Le ticket modérateur peut être une forme de participation, de responsabilisation du patient, pour pénaliser par exemple celui qui pratique le « shopping médical », mais il peut aussi être réduit pour soutenir des initiatives à haute valeur ajoutée en santé publique. Le souci est que cela restera perçu comme une taxation indirecte ! Et à qui sera attribuée cette somme ? Plus probablement aux caisses de l’État qu’à celles des médecins.
Il est aussi utile de rappeler qu’en Belgique, la part « poche » des citoyens pour payer les soins de santé est relativement élevée (20 à 25 % des coûts selon les sources). Nous sommes déjà, comme pour tout, lourdement imposés.
Et on nous annonce encore d’autres économies pour les années à venir. L’efficience restera le seul moyen de supporter ces économies. Arrêtons de gémir : la norme de croissance est un luxe que nous n’aurons plus à l’avenir.

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