« Vous serez des témoins, et seulement des témoins, de ce qui est pour vous inhabituel et inexplicable, mais qui est pour nous dans la nature des choses. Peut-être alors comprendrez-vous que ce que vous percevez n’est pas le monde, mais seulement un modèle du monde. Nous disposons du modèle, mais nous ne sommes pas le monde. »
En trois livres, le romancier Bernard Antoine a su imposer l’évidence d’une œuvre en cours ! Son premier roman, Pur et nu, avait reçu le Prix Saga Café et le Prix des bibliothèques de Bruxelles, puis, deux ans plus tard, Aquam nous plongeait dans des paysages tourmentés et les affres de la guerre. Enfin, celui-ci, Tous les dieux du monde, se présente comme un ouvrage majestueux, du genre de ceux que l’on ose peu aujourd’hui, tant il allie l’ambition de la profondeur de la réflexion à la qualité des informations.
L’auteur s’est saisi de la question de la prédation, qui traverse toute l’histoire des hommes — cette prédation qui peut nous mener à des conflits jusqu’à l’hallali. Bernard Antoine, né en 1956 à Namur, a fait des études de psychologie, de théâtre et est très actif dans le domaine de l’environnement. Depuis qu’il s’est officiellement engagé dans l’écriture romanesque, il impose dans le paysage de la littérature francophone et belge une marque faite d’ambition et d’engagement. Il existe évidemment de multiples façons de nommer un engagement… Celui de Bernard Antoine se consacre aux questions de l’environnement civilisationnel, climatique, et à ce que deviennent les hommes confrontés aux interrogations les plus aiguës : comment vivre ou survivre, et que faire avec la tribu des autres ou avec le corps de l’autre ?
Car si Bernard Antoine a écrit un roman qui embrasse les plus sombres et exigeantes questions — des civilisations, des dieux, de la face cachée des cultures et de leur processus de détérioration — nous sommes, par ailleurs, face à un thriller de haute qualité ! La littérature de Bernard Antoine est exigeante, mais comble également les lectrices et les lecteurs par la générosité de cette exigence. Il use d’une langue qui lui appartient entièrement et qu’on appelle tout simplement, et c’est assez rare aujourd’hui, le style.
L’auteur vient de signer l’un de ses livres les plus émouvants, à considérer probablement comme une borne importante de ce premier quart du XXIe siècle.
Bernard Antoine, Tous les dieux du monde, Murmure des soirs, 2025, 411 p., 24 €, ISBN : 978-2-9312-3529-4.
