Le Critical Medicines Act, présenté récemment par la Commission européenne, constitue une première étape vers une meilleure sécurité d’approvisionnement en médicaments en Europe. Mais sans financements massifs et coordination renforcée entre États membres, « la crise risque de durer vingt ans », prévient Hugues Malonne, administrateur général de l’AFMPS, dans une interview publiée mardi dans la newletter de Medaxes, l'association belge des entreprises pharmaceutiques des médicaments génériques, biosimilaires et hors brevets.
Alors que 7,6 % des médicaments autorisés à la vente sont indisponibles en Belgique cette semaine, la question de la production européenne revient avec insistance sur la table. « Il est illusoire de penser que l’on pourra produire en Europe les 276 substances critiques identifiées à ce stade. Il faut prioriser celles dont l’indisponibilité en temps de crise est inacceptable », insiste Hugues Malonne, administrateur général de l’AFMPS et également professeur de pharmacologie à l’ULB.
Pour y parvenir, l’Europe doit redevenir attractive pour les producteurs. « Les 80 millions prévus actuellement sont symboliques. Sans argent, on restera dans l’entre-deux. » Le patron de l’AFMPS évoque même un lien direct avec la défense : « Sans antibiotiques, anesthésiques ou médicaments d’urgence, aucune opération militaire n’est possible. Ces médicaments sont aussi stratégiques que les munitions. »
Il appelle aussi à revoir les mécanismes d’attribution des marchés publics. « Le modèle du moins-disant n’est pas viable. Il faut garantir des volumes à plusieurs producteurs pour éviter les situations de monopole et encourager la concurrence loyale. »
Les fabricants de génériques et de biosimilaires sont particulièrement exposés. « Ils travaillent avec des marges trop faibles. Une revalorisation modérée des prix est indispensable pour maintenir une production locale. »
Hugues Malonne insiste aussi sur la nécessité de renforcer la responsabilité sociétale des industriels. « Le jeu du zéro stock met tout le système en danger. Une obligation de service public pourrait exiger qu’un volume minimal soit immédiatement disponible à la demande des pays européens. »
Enfin, il juge que la logique nationale de constitution de stocks stratégiques n’est plus tenable. « Un système européen de gestion des réserves est indispensable. On ne peut pas accepter qu’un pays stocke massivement pendant qu’un autre affronte des pénuries. »
L’AFMPS plaide pour une coordination industrielle intelligente, des financements conséquents, et une régulation environnementale équilibrée. « Il faut agir maintenant. C’est une fenêtre unique. Sinon, l’Europe deviendra encore plus dépendante des autres continents. »
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