Selon le professeur Michel Deneyer, vice-président du Conseil national de l’Ordre des médecins, la création d’un point de signalement pour les certificats médicaux jugés abusifs ne représente pas une avancée décisive : les employeurs connaissent déjà le chemin vers l’Ordre, où les plaintes se sont multipliées ces dernières années.
Au cours des cinq dernières années, l’Ordre des médecins a enregistré 1 411 plaintes visant des praticiens suspectés de délivrer des certificats de maladie avec trop de légèreté, essentiellement émanant d’employeurs. Entre 2020 et 2024, le nombre de signalements a progressé de 58 %. « Les employeurs savent parfaitement comment nous contacter. Le point de signalement proposé par le ministre Vandenbroucke ne modifiera pas fondamentalement la situation », estime le professeur Michel Deneyer, vice-président du Conseil national de l’Ordre.
Le projet de dispositif, qui permettrait aux employeurs de signaler les médecins jugés trop complaisants, suscite toujours le débat. Le ministre Vandenbroucke, s’exprimant dans plusieurs talk-shows ou à la Chambre, a rappelé que l’Ordre des médecins ne s’opposait pas à cette initiative. « Si l’Ordre valide ce mécanisme, quel obstacle pourrait-il rester ? », a-t-il déclaré.
« Il est exact que nous avons eu un échange succinct à ce sujet », confirme le professeur Deneyer auprès de Medi-Sphère. « Nous ne voyons pas d’objection à ce que ce point de signalement soit instauré. Qu’une plainte nous parvienne directement, comme aujourd’hui, ou via un circuit différent, cela ne change guère notre travail. »
Les employeurs en première ligne
Depuis toujours, les plaintes relatives aux certificats médicaux proviennent majoritairement des employeurs, rappelle le Pr Deneyer. « Ce sont eux qui sollicitent le plus souvent notre institution. Ils savent nous trouver, et de mieux en mieux. » Une tendance confirmée par les chiffres obtenus par Medi-Sphère : 241 plaintes avaient été déposées en 2020, contre 381 en 2024, soit une hausse de 58 %.
Pour autant, la majorité de ces signalements n’aboutissent pas à des sanctions : sur les 1 411 dossiers traités, seuls 116 ont donné lieu à une décision disciplinaire – soit 8,2 % du total. Dans la plupart des cas (1 247), les plaintes ont été jugées non fondées ou classées sans suite. Parmi les mesures disciplinaires prononcées figurent 44 avertissements, 33 réprimandes et 31 suspensions. Trois médecins ont été définitivement radiés de la profession.
Une remise en cause sociale des certificats médicaux
Cette progression s’inscrit dans un contexte de remise en question plus large de la place des certificats médicaux. En février 2022, une émission de la VRT (Factcheckers) révélait que plusieurs généralistes acceptaient de délivrer des attestations à des personnes ne présentant aucun symptôme. L’Ordre avait alors condamné fermement ces pratiques et annoncé un plan d’action, incluant des affiches pour les salles d’attente ainsi que du matériel pédagogique à destination des cercles de médecins et des universités.
Des cas isolés continuent cependant d’émerger. Le mois dernier, une enquête de la RTBF a mis au jour les pratiques douteuses d’un médecin de Saint-Gilles, accusé de rédiger des certificats sans consultation ni diagnostic préalable. Une affaire de plus qui ternit l’image de la profession.
Si l’essentiel des plaintes ne débouche pas sur des sanctions, ces chiffres démontrent que l’Ordre n’hésite pas à intervenir lorsque les limites déontologiques sont franchies, insiste le Pr Deneyer. En conjuguant prévention, encadrement disciplinaire et sensibilisation, l’institution espère préserver la confiance du public dans la valeur des certificats médicaux.
Lire aussi: Certificats de complaisance : entre pratiques frauduleuses et usurpation d’identité de médecins
Derniers commentaires
Freddy Piron
17 mai 2025Cher Monsieur le Ministre,
Je vous écris cette lettre avec un sourire, car, comme vous le savez, l'humour est la meilleure des thérapies (après, bien sûr, une bonne ordonnance, que je suis toujours ravi de rédiger !). Votre projet de point de signalement pour les certificats médicaux abusifs ? Une idée lumineuse ! Enfin, pour les employeurs, du moins. Pour nous, les médecins, c'est un peu comme si on nous demandait de surveiller les enfants dans un bac à sable... tout en étant accusés de leur fournir des pelles trop pointues.
Je suis donc ravi de constater que l'Ordre des Médecins, dont je suis l'un des membres (et donc, potentiellement, une cible), ne s'oppose pas à cette brillante initiative. Après tout, pourquoi se fatiguer à faire son travail, à savoir soigner les patients, quand on peut passer son temps à se justifier auprès d'employeurs qui préfèrent économiser sur les contrôles médicaux (70€ la visite à domicile, c'est vrai, ça pique !) et nous balancer des plaintes ? C'est tellement plus simple et moins cher !
Et parlons des plaintes ! 1411 en cinq ans, et seulement 116 sanctions ! C'est un peu comme gagner à la loterie : beaucoup de participants, peu de gagnants. Mais au moins, on a le droit de jouer, n'est-ce pas ? Et puis, il y a ces fameux "avertissements", ces "réprimandes" qui nous font sentir... importants. Et les suspensions ! Oh, les suspensions ! C'est le summum de la reconnaissance !
Je ne vous cache pas que je suis particulièrement touché par la possibilité d'être "gratis pro deo". C'est tellement gratifiant de travailler gratuitement, surtout quand on sait que l'employeur aurait pu, pour le même prix, faire appel à un confrère et obtenir un avis rapide. Mais bon, qui suis-je pour remettre en question la sagesse de la bureaucratie ?
Alors, oui, Monsieur le Ministre, je suis pour ce point de signalement. Que les employeurs se défoulent, que l'Ordre s'occupe de tout, et que nous, médecins, continuions à faire notre travail : soigner, écouter, et surtout, espérer que notre prochain patient ne soit pas un employeur déguisé.
Cordialement,
Un médecin, bientôt en burn-out (mais avec un certificat en règle, promis !)