L’INAMI introduit de nouveaux indicateurs pour encadrer la prescription des IPP

Deux nouveaux indicateurs visant à réguler la prescription des inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) ont été publiés lundi au Moniteur belge. Cette mesure, proposée par le Conseil national de la promotion de la qualité (CNPQ) de l’INAMI, s’inscrit dans une stratégie globale visant "à améliorer la qualité des soins tout en réduisant les coûts associés à une utilisation excessive et souvent injustifiée de ces médicaments." écrit l'Inami dans son communiqué.

Les IPP, utilisés pour traiter l’excès d’acidité gastrique, figurent parmi les médicaments les plus coûteux pour l’assurance soins de santé en Belgique. Leur prescription a fortement augmenté ces dernières années, souvent en dehors des indications recommandées. Afin de répondre à cette situation, le CNPQ a introduit deux indicateurs :

  1. La prévalence des patients sous IPP, qui fixe un seuil maximal de 25 % des patients ayant une prescription d’IPP par rapport à ceux ayant reçu une prescription pour une spécialité pharmaceutique.

  2. La durée moyenne de traitement par IPP, mesurée en dose journalière définie (DDD). Le seuil est fixé à un maximum de 90 DDD par patient ayant une prescription d’IPP.

Le Dr Gilbert Bejjani, président du CNPQ, explique : « Le CNPQ soutient les nouveaux indicateurs visant à réduire le volume excessif d’IPP prescrits et délivrés, et insiste sur le fait que les gains d’efficacité possibles obtenus par l’introduction des indicateurs soient utilisés de manière efficiente dans le secteur de la santé pour optimiser davantage la qualité des soins. Toutefois, le CNPQ ne souhaite pas assumer une fonction de contrôle à cet égard, mais souhaite agir en tant que liant en proposant cela. »

Il ajoute : « L’attention est également attirée sur le soutien actif des médecins généralistes par les gastro-entérologues pour aider à réduire la prescription d’IPP. Le CNPQ ne veut certainement pas stigmatiser une catégorie de soignants ou de médecins mais souhaite développer une nouvelle dynamique à l’avenir et apportera sa pleine coopération à l’introduction de nouveaux indicateurs qui visent principalement à réduire les volumes excessifs de prestations techniques souvent effectuées inutilement dans toutes les spécialités médicales. »

Le Pr Dr Hubert Piessevaux, chef de service en hépato-gastro-entérologie des Cliniques universitaires Saint-Luc, souligne l’importance de ces nouveaux repères : « Le reflux gastro-oesophagien, l’indication la plus courante pour l’utilisation à long terme des IPP, est une maladie chronique. Cependant, cela ne signifie pas qu’un traitement continu est toujours nécessaire. Nous devons promouvoir le concept de ‘dose minimale efficace’, qui peut parfois permettre des périodes sans médicament. »

De son côté, le Pr Dr Jan Tack, chef de service en gastro-entérologie et hépatologie de l’UZ Leuven, met l’accent sur l’utilisation rationnelle : « Des recherches récentes montrent qu’un grand nombre de patients pour lesquels l’utilisation chronique d’IPP n’est pas strictement indiquée peuvent interrompre cette utilisation tout en conservant le contrôle des symptômes. Il est crucial de connaître les indications précises de l’utilisation chronique, mais aussi les alternatives et les stratégies pour réduire cette consommation. »

Un problème de surprescription bien documenté

Les IPP sont couramment utilisés pour traiter le reflux gastro-œsophagien ou les ulcères gastriques. Toutefois, leur usage prolongé est souvent injustifié, ce qui entraîne des coûts élevés pour l’assurance soins de santé et des risques accrus d’effets indésirables. En 2023, les médecins généralistes étaient responsables de près de 95 % des prescriptions d’IPP, selon les données de l’INAMI.

Le Dr Bejjani rappelle que même si chaque indicateur peut avoir un impact budgétaire, leur objectif n’est en aucun cas économique : « Des économies seront réalisées dans certains cas, tandis que des dépenses supplémentaires en vue de soins mieux adaptés seront nécessaires dans d’autres cas. Si des ressources venaient toutefois à être libérées, elles seraient investies dans les soins de santé. »

La réduction des dépenses annuelles de l’assurance soins de santé est estimée à 52 millions d'euros au maximum grâce à ces deux nouveaux indicateurs. Les dépenses propres des patients pourraient diminuer de 15,6 millions d’euros, augmentant ainsi leur pouvoir d’achat.

Sensibiliser et travailler avec les médecins généralistes

Le Service d’évaluation et de contrôle médicaux (SECM) de l’INAMI enverra prochainement un courrier à tous les médecins concernés dans le but de les sensibiliser au respect de ces indicateurs.

Dans les six mois suivant la publication des indicateurs au Moniteur belge, le SECM enverra un feedback individuel à chaque médecin généraliste ayant prescrit un IPP à minimum 20 patients différents par année civile, au cours des 5 dernières années (c’est-à-dire avant la publication des indicateurs). Cela leur permettra de se situer par rapport aux indicateurs de bonne pratique et à leurs confrères, et si nécessaire d’ajuster leur comportement de prescription.

Le respect des indicateurs sera évalué annuellement, dès que seront disponibles les données d’une année civile complète après publication des indicateurs. Chaque prescripteur recevra donc annuellement son feedback individuel. En cas de dépassement simultané et répété des valeurs seuils des deux indicateurs, le SECM pourra demander au dispensateur de soins de se justifier. Dès lors, cela pourra se faire quand les données de 2025 et 2026 seront disponibles.

> Plus d’infos sur les indicateurs de déviation manifeste par rapport aux bonnes pratiques médicales

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