L’affaire des Pfas laisse beaucoup de questions sans réponse. Cela va du niveau technique jusqu’à l’éthique, en passant par les problèmes de remboursement. Le Dr John Pauluis, responsable de la cellule environnement de la SSMG, nous livre ses réflexions au nom de la cellule qu’il préside.
Lors de la conférence de présentation des résultats concernant les prélèvements pour le biomonitoring dans la région de Chièvres, nous avons appris qu’un enfant avait des taux de Pfas trois fois supérieurs à celui de sa maman. Suite à cela, nous avons écrit au ministre de la Santé Coppieters pour demander quelles étaient les voies d’exposition qui justifiaient cette différence. Nous avons également demandé d’analyser les taux de Pfas dans le lait maternel des femmes ayant été exposées.
Notre réflexion a été suivie d’une nouvelle série d’analyses sur sang frais des parents. Les taux sanguins étaient cette fois plus élevés chez les parents. Cette situation nous a été rapportée par le ministre Coppieters, en charge de la Santé en Fédération Wallonie-Bruxelles. Il nous avait expliqué qu’en raison d’un problème technique, les résultats lors du premier prélèvement étaient anormalement bas. L’hémolyse des globules rouges au fond des tubes lors de la congélation des échantillons était responsable de cette situation. Il fallait donc recommencer les dosages dans de bonnes conditions.
Les implications éthiques et techniques
Cela ne va pas sans poser des problèmes éthiques et techniques. La source des taux élevés chez l’enfant ne pouvait être que l’allaitement maternel ou une exposition placentaire. Nous avions depuis longtemps attiré l’attention sur cette question face à toute pollution et c’est confirmé par de nombreux articles scientifiques.
On sait que les Pfas passent dans le lait maternel et par le placenta. Des situations similaires pour d’autres molécules ont déjà eu lieu par le passé : qu’il suffise de penser à l’affaire des dioxines il y a trente ou quarante ans. Nous avons donc rédigé un rapport scientifique à l’attention du ministre Coppieters. Une de nos conclusions était qu’il fallait faire le dosage des polluants dans le lait maternel aussi précocement que possible après l’accouchement.
L’obligation d’informer les patients
Sur le plan éthique, le principe de précaution et l’obligation de communiquer le risque (voir article 7 de la loi concernant les droits des patients) s’appliquent. On doit même lui expliquer l’évolution possible de sa situation. Mais comment répondre à cette exigence si la gravité, qui dépend de la charge d’exposition, n’est pas correctement définie ? Et pourtant, les patients (parents) qui estimeraient n’avoir pas été bien informé(e)s pourraient se retourner contre les autorités… et leur médecin !
Le coût des mesures préventives
Il y a aussi la question de la prise en charge des frais occasionnés par les dosages qui doivent être effectués pour des raisons qui n’ont rien à voir avec la responsabilité des patients. Certes, cela imposerait à la société civile une charge financière. Mais ne faudrait-il pas inverser les réflexions et changer les priorités ? En réalité, qu’est-ce qui est le plus lourd ? Payer des mesures de précaution (entre autres les dosages biologiques) ou courir le risque de voir se développer de nombreux handicaps à vie ? La réponse nous paraît évidente…
Repenser les discours sur le lait maternel
Une dernière réflexion s’impose : faut-il systématiquement affirmer que le lait maternel est le meilleur aliment du nourrisson ? Ce serait vrai s’il n’existait aucune pollution ou contamination… Il faut balancer les risques entre avantages et désavantages (dans certains cas) de l’allaitement maternel.
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