Après avoir réagi une première fois à l’article de décembre 2024, dans lequel le Dr Luc Herry (ABSyM) formule des opinions que je considère comme discutables au regard de mon expérience en soins de première ligne, je souhaite aujourd'hui répondre à son article du 13 mars 2025 (1), qui repose à nouveau sur des avis émis par le même intervenant.
Au préalable, je tiens à rappeler qu’il y a environ 18 mois, j’ai pris contact avec l’ABSyM et son vice-président, le Dr Bejjani, afin de proposer une collaboration pour ajuster leur vision des maisons médicales à la réalité du terrain. J’ai été entendu avec intérêt et j'attendais une suite positive et constructive. J’ai donc été d’autant plus surpris de lire ces deux articles, qui me paraissent peu documentés et éloignés de la réalité du terrain.
Ma réaction ne sera pas une "analyse qualitative du soin donné" selon le système de financement, car la qualité d’un soin repose avant tout sur le professionnalisme du prestataire, indépendamment du modèle financier. Je propose plutôt un regard sur l’intérêt du système forfaitaire pour l’accessibilité et l’offre de soins, à l’avantage du patient, qui reste au centre de cette réflexion.
La médecine au forfait : une approche innovante pour une santé accessible et de qualité
Dans un contexte où l’accès aux soins devient une préoccupation croissante, la médecine au forfait s’impose comme une solution moderne et efficace. Ce modèle repose sur un financement basé sur une rémunération forfaitaire, plutôt que sur le volume d’actes réalisés. Il permet ainsi une approche plus globale et préventive de la santé. Le forfait garantit également une prise en charge de tous les patients (AMU, CPAS, patients démunis) sans discrimination.
Pourquoi la médecine au forfait s’impose-t-elle comme une alternative viable ?
Un accès garanti aux soins
Les patients ne paient pas directement les consultations, supprimant ainsi les barrières financières et sociales, ce qui favorise un suivi régulier tant curatif que préventif.
Une approche globale et pluridisciplinaire
La médecine au forfait permet aux professionnels de santé de consacrer plus de temps à chaque patient, favorisant une prise en charge en équipe (médecins, infirmiers, kinésithérapeutes, psychologues…).
Une absence de pression financière
Le forfait supprime la pression liée au nombre d’actes et encourage une approche proactive de la santé.
Une gestion des dépenses de santé optimisée
Les études commandées par la ministre De Block (2018) et le KCE (2008) montrent que, bien que contesté, le système forfaitaire n’a jamais été démontré comme coûteux par rapport à la facturation à l’acte.
Pourquoi certains médecins hésitent-ils à adopter ce modèle ?
Certains praticiens, habitués à la facturation à l’acte, redoutent une perte d’indépendance ou une réduction de revenus. D’autres craignent une limitation dans la prise en charge des cas complexes. Pourtant, la prise en charge globale et pluridisciplinaire permise par le forfait répond à ces inquiétudes.
Je renvoie ici à la lecture des pages 142, 143 et 144 du rapport du KCE, qui montrent une prise en charge des patients diabétiques supérieure dans le modèle forfaitaire.
Le forfait et la téléconsultation : un cadre mieux contrôlé
Nous avons tous pris connaissance des abus de la téléconsultation, avec certains praticiens facturant entre 5 000 et 11 000 consultations téléphoniques. Le forfait ne permet pas cette facturation, protégeant ainsi le système de soins de débordements évitables liés exclusivement à la pratique à l'acte.
Comment convaincre un médecin sceptique ?
Plus de temps pour les patients
Le forfait libère les soignants de la pression administrative et permet un véritable suivi de qualité.
Une meilleure qualité de vie professionnelle
Le travail en équipe réduit la charge des urgences et favorise l'équilibre vie professionnelle-vie privée.
Une stabilité financière
Contrairement à la facturation à l’acte, le forfait garantit une rémunération stable.
Un modèle en expansion
Le nombre de maisons médicales est passé de 130 en 2012 à 248 en 2023. Ce n’est pas un hasard, mais un changement de paradigme auquel il vaudrait mieux s’habituer.
Conclusion : un modèle d’avenir
Les maisons médicales et la médecine au forfait ne sont pas seulement une réponse aux défis actuels ; elles représentent l’avenir du système de soins. Elles favorisent la prévention, garantissent l’accès aux soins et améliorent la qualité de vie des soignants.
Le forfait n’est pas une "médecine d’État" mais une option financée par l’INAMI, au même titre que la pratique à l’acte. La liberté de choix demeure pour les praticiens. L’avenir exigera un rééquilibrage de l’offre et de la demande en soins, indépendamment du mode de facturation. Il faudra certainement plus de médecins pour répondre à la demande croissante, mais cela concerne tous les modèles. Chaque système devra trouver sa place.