« L’incapacité de travail appelle à une politique publique basée sur l’évidence… et pas sur les positionnements idéologiques », réagissent les Mutualités Libres suite à la déclaration de Solidaris de rejetter la proposition des Mutualités Libres sur le retour au travail des malades de longue durée. Nous publions ci-dessous la réaction de l’organisme assureur dirigé par Xavier Brenez dans son intégralité.
Cela fait déjà plusieurs années que les Mutualités Libres s’inquiètent de l’évolution de l’incapacité de travail, et particulièrement celle de longue durée (+ de 12 mois, nommée « invalidité »). En novembre dernier encore, les Mutualités Libres ont organisé un symposium centré sur la durabilité du système de l’incapacité de travail, en réunissant des experts belges et étrangers pour faire le point sur la situation et proposer des recommandations basées sur l’évidence scientifique, et non pas sur des positionnements idéologiques.
500.000 personnes en incapacité de travail
C’est effectivement une des forces des Mutualités Libres, à savoir leur indépendance politique. Cela leur permet de penser, en même temps, à la défense des titulaires et à l’équilibre de la sécurité sociale : autrement dit, à la défense des titulaires d’aujourd’hui et à la défense des titulaires de demain.
Rappelons rapidement le contexte : on compte plus de 500.000 personnes en incapacité de travail de longue durée, près de 600.000 annoncées aux alentours de 2030. C’est une incapacité de travail « de masse », équivalant à près de 10% de la population active. C’est aussi un système qui craque, avec une pénurie de médecins-conseils (moins de 200 ETP dédiés à l’incapacité de travail pour toute la Belgique en 2022 ; il est donc illusoire d’envisager 1.000 médecins-conseils sachant que la pénurie est généralisée). Ce sont des dépenses qui dépassent allègrement les 10 milliards euros en coûts directs, à quoi il faut rajouter près de 15 milliards supplémentaires en coûts indirects pour l’Etat. Tout cela a aussi un coût sociétal plus global, car l’incapacité de travail de masse empêche la Belgique d’atteindre les 80% de taux d’emploi, pourtant nécessaires pour répondre aux défis futurs, dont celui du vieillissement.
5 recommandations
Les recommandations des Mutualités Libres, consignées dans leur mémorandum, soulignent que la résolution de cette crise de l’incapacité de travail passe par l’implication et la responsabilisation de tous les acteurs concernés :
• les employeurs doivent favoriser toujours plus un environnement de travail sain et se montrer flexibles pour faciliter le retour à l’emploi ;
• les médecins du travail et conseillers en prévention doivent pouvoir mieux soutenir ces employeurs dans la prévention, le maintien et le retour à l’emploi ;
• les autorités doivent soutenir les actions efficaces de prévention et de promotion de la santé, hors du milieu du travail ;
• les médecins généralistes et spécialistes doivent appliquer les bonnes pratiques en matière de prescription d’incapacité de travail de leurs patients ;
• et les médecins-conseils et leurs équipes doivent aider les patients et titulaires à considérer leur capacité restante, et, le cas échéant, le retour à l’emploi.
Car c’est aussi un fait scientifique, mesuré trimestriellement par l’Institut Belge de Statistiques (StatBel) : les personnes en incapacité de travail de longue durée sont (bien) moins satisfaites de leurs conditions de vie, que les travailleurs, les pensionnés, les personnes à domicile et les demandeurs d’emploi. La raison serait-elle uniquement la maladie ? Non, car il s’agit aussi d’une insatisfaction relationnelle et financière : à la maladie s’ajoute la difficulté de devoir vivre en incapacité de travail, avec moins de relations sociales et moins de ressources financières.
Certaines personnes en incapacité de travail vivent en effet sous le seuil de risque de pauvreté, alors même qu’elles rencontrent des dépenses de santé qui peuvent n’être que partiellement remboursées. Les Mutualités Libres revendiquent donc que chaque personne en incapacité puisse jouir de revenus indemnitaires plus élevés que le seuil de risque de pauvreté et que la protection financière des personnes vulnérables soient renforcées.
Mais les Mutualités Libres soulignent aussi l’existence, à nouveau objectivée, de pièges à l’emploi, lorsque les revenus d’indemnités s’avèrent trop proches du salaire minimum. Lorsque le retour à l’emploi induit des dépenses comme celles de transport ou de crèche, et que le salaire n’est que faiblement plus élevé que le revenu indemnitaire, il est évident que le titulaire est moins soutenu dans ce retour à l’emploi.
Les Mutualités Libres revendiquent donc que le différentiel entre salaire minimum et revenu indemnitaire soit suffisant pour inciter un retour à l’emploi . Est-ce à dire que les Mutualités Libres revendiquent la réduction d’indemnités ? Bien sûr que non, les Mutualités Libres protègent leurs titulaires. Est-ce à dire que les Mutualités Libres revendiquent l’augmentation du salaire net minimum ? Bien sûr que oui, les Mutualités Libres sont persuadées par l’efficacité d’un incitant positif.
Réforme fiscale
Rappelons encore un élément : l’augmentation du salaire net minimum pourrait être réalisée par une réforme fiscale qui n’a pas eu lieu dans le courant de cette législature. Malheureusement, comme l’ont souligné de nombreux observateurs, elle n’a pas vu le jour pour des raisons de positionnements politiques. Permettez donc aux Mutualités Libres de préférer la « good policy » à la « bad politics ».
L’incapacité de travail est une politique publique au carrefour de la santé, du social, de l’emploi et de l’économie et demande une approche globale au-delà de mesures isolées et ponctuelles.
Lire aussi : Solidaris rejette la proposition des Mutualités Libres sur le retour au travail des malades de longue durée
Derniers commentaires
Francois Planchon
03 mai 2024Il faudrait trouver un moyen pour favoriser des cultures d'entreprises orientées vers la bienveillance....
Si un collègue craque, il faudra assumer sont travail, et/ou former un remplaçant, tout en continuant à assumer son travail. Personne n'est gagnant !
Toute hiérarchie doit donc placer des balises claires, mais incluant des mécanises d'entraide, et les valoriser.
C'est à l'opposé de la compétition...
A long et moyen terme, l'entreprise y gagne car quand le personnel a le sentiment qu'on ne le laisse pas tomber en cas de pépin de santé ou de difficulté personnelle, il s'investira plus, sera moins stressé : la qualité s'en ressens toujours... et il y a moins d'énergie dépensée à "se défendre".
Les études devraient donc cette philosophie de vie, ainsi que les formations et séminaires internes aux entreprises. Pour réflexion.
Nathalie PANEPINTO
01 février 2024Et qui pense aux travailleurs qui restent sur le lieu du travail, travailleurs dont le nombre se réduit de plus en plus et qui tentent d'assumer les tâches de ceux qui ne sont pas présent ? En période préélectorale, ils y a beaucoup de promesses, par contre, peu de choses sont évoqués de manière sérieuse au sujet de la manière de financer ces promesses. Personne n'est dupe.