Le New Deal; un Big Deal? vraiment? (Dr Michel Creemers)

Le 17 juin 2022, le Ministre Vandenbroucke présentait ce qu’il appelle son « New Deal ». Par la suite, un énorme travail de recherche et de réflexion a été mené par le groupe qui portait le nom de Belche - Van den Bruel . Il en est sorti pas mal d’informations utiles mais nous ne pouvons pas nous défaire de l’impression que le principe d’un New Deal et la forme qu’il devait prendre étaient déjà fixés à l’avance. 

Un New Deal qui ne résout rien

L’idée centrale du New Deal est d’introduire un troisième modèle de financement qui soit un mix des honoraires par capitation, par forfait et à l’acte. Il y aurait surtout un glissement important de la rémunération à l’acte (consultations et visites) vers un paiement par dossier médical global. C’est très bien, nous n’y sommes pas opposés a priori mais quelqu’un peut-il nous dire quelle solution cela apporte aux nombreux problèmes auxquels le médecin de famille doit aujourd’hui faire face ? 

  • Le départ imminent à la retraite d’un grand nombre de médecins généralistes, dont la plupart travaillent en solo et prestent de très nombreuses heures. C’est annoncé depuis une dizaine d’années par le service de Recherche et Développement de l’Inami.

  • La surcharge administrative permanente en dépit de l’existence du groupe Kafka et de l’action « Crocodile bleu »

  • Le refus de nouveaux patients

  • L’aspiration des jeunes généralistes à un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée

  • La pénurie de généralistes dans certaines régions

Cela peut nous échapper mais nous ne voyons pas comment ce nouveau modèle apporte des solutions à tous ces problèmes 

Tout sauf un new deal

La nouveauté serait un glissement des honoraires à la prestation vers une capitation. Mais si on creuse un peu, on s’aperçoit qu’il n’est en rien question de quelque chose de nouveau. Est-ce que ce financement par capitation n’est pas tout simplement la valorisation du DMG pour laquelle on plaide depuis des années ? Etait-il/est-il besoin pour cela d’un nouveau système ? 

Un autre élément important est la prime de pratique intégrée. Fort bien mais pouvons-nous faire remarquer que ces notions ont été introduites déjà depuis des années par l’ASGB/Cartel et qu’elles nous sont vendues aujourd’hui comme « la prochaine innovation » ? 

Un deal plutôt risqué   

Le type de pratique selon le New Deal comporte aussi, pensons-nous, un certain nombre de pièges auxquels on n’a que trop peu réfléchi jusqu’à présent. 

Par exemple la diminution de la rémunération à la prestation. Ce n’est absolument pas mis en place de manière équitable. Les revenus d’une pratique moyenne ne vont d’ailleurs pas être modifiés de cette manière. Y a-t-il dès lors un incitant à adopter le New Deal ? Un changement des moyens pourrait, en plus de cela, conduire à un recul du nombre de contacts pourtant nécessaires. Allons-nous vraiment faire des visites pour 24 euros ? Est-ce que cela répond à l’amélioration des soins, un des piliers du quintuple AIM ? 

Ou encore le préjugé que la qualité va se renforcer dans le modèle du New deal. Pouvons-nous le supposer, rien que sur cette base ? Et surtout comment va-t-on mesurer ce gain de qualité ? A ce stade on n’en sait encore rien.  Et puis comment, en fin de compte, les besoins en soins seront-ils évalués ? 

Last but not least, l’introduction du troisième mode de financement devra apporter des éclaircissements sur une question à un million : que faut-il comprendre par ‘médecin équivalent-temps plein’ ?   

Le deal du Cartel

Il n’est pas dans l’ADN de l’ASGB/Cartel de se contenter de démolir. Peut-être le deal actuel peut-il encore évoluer vers un véritable New Deal mais il y a encore beaucoup de travail de peaufinage à fournir. N’attendons pas que les problèmes surviennent avant de les prendre à bras-le-corps. Nous avançons dès à présent sur ces questions quelques propositions pratiques. 

Il faut veiller à ce que ce ne soient pas seulement les pratiques qui s’inscrivent dans le New Deal qui reçoivent un soutien efficace leur permettant de déléguer des tâches. Cette délégation de tâches sera à court et à long terme LE moyen de rendre le travail du généraliste à nouveau attractif. Un budget de 16,5 millions est déjà prévu pour l’aide à la pratique. Eh bien, ajoutons-y les 23 millions du New deal et laissons-les disponibles pour cette aide à la pratique au bénéfice de tous les cabinets. Cela suffit évidemment à financer dans chaque pratique (full time) une infirmière mais ce n’est toutefois qu’un premier pas qui ouvre la voie. C’est, selon l’ASGB/Cartel, la clé pour s’attaquer à la pénurie de généralistes et au refus de nouveaux patients.  

Faisons en sorte que l’encadrement et la rémunération de la téléconsultation soient réalistes et intéressants, que ce soit par téléphone ou par vidéo. Il est incompréhensible que dans le New Deal, la consultation téléphonique ne soit nullement honorée. Avec cela, on recule de trois ans dans le temps… Et la visite à domicile doit elle aussi être valorisée de manière substantielle, de sorte que les généralistes veuillent s’y remettre. Qui voudra aujourd’hui faire une visite à domicile pour 24,30 euros ? Si le plombier doit mettre une demi-heure pour venir, on paie 10 fois autant…

Et pour pratiquer la délégation de tâches, il faut de l’espace. L’aide financière pour installer des infirmières et éventuellement des paramédicaux dans un cabinet ne doit pas se limiter (à terme) à leur salaire. Prévoir de l’espace et du matériel engendre aussi des coûts. Un financement existe déjà en ce sens pour les pratiques de groupe : pourquoi ne l’élargirait-on pas ? Certes, ce n‘est pas une matière fédérale mais lors de la mise en place du groupe de réflexion sur le New Deal, le ministre a promis de dépasser les frontières du partage des compétences si cela s’avérait nécessaire. Tenons-nous-y donc.    

En résumé, il est surprenant que le New Deal soit conçu sur base d’un seul type de pratique : celui qui comprend 4 à 5 médecins et bien entendu tout autant de cabinets. Nous n’avons rien contre ce type de fonctionnement, bien au contraire, ils méritent tout le soutien possible. Mais, il n’y a pas qu’eux et selon nous, TOUS LES CABINETS MERITENT UN SOUTIEN EQUIVALENT. Qu’un médecin y travaille seul, qu’ils soient deux, trois ou plus, qu’ils soient conventionnés ou pas, le « deal » doit être tel que tous soient soutenus financièrement dans la même mesure, de sorte que chaque cabinet puisse continuer à fonctionner.

Vous souhaitez commenter cet article ?

L'accès à la totalité des fonctionnalités est réservé aux professionnels de la santé.

Si vous êtes un professionnel de la santé vous devez vous connecter ou vous inscrire gratuitement sur notre site pour accéder à la totalité de notre contenu.
Si vous êtes journaliste ou si vous souhaitez nous informer écrivez-nous à redaction@rmnet.be.

Derniers commentaires

  • Igne PARMENTIER

    23 mai 2023

    Mr VDB ,
    vous n'aimez vraiment pas les médecins . Pourquoi?
    Igne Parmentier

  • Paul JONCKHEERE

    23 mai 2023

    Etre paye par dossier medical n’est pa justecar les specalistes boycotent le dosssier medical car veulent un contact direct avec leurs malades sans regard du generaliste.Pour eviter les listes d’attente de l’angleterre seul la consultation et visite est capable d’endiguer cette attente mais pas au prix ridicule de 20 euros alors q’un depanneur Iphone demande 60 euros la consultation.

  • Philippe TASSART

    22 mai 2023

    Avec le New Deal, VDB veut asservir les médecins. Mon grand père généraliste disait déjà à son époque que la médecine serait étatisée et a dégoûté mon père de suivre sa voie. La liberté est en péril dans toute les dictatures et malheureusement, VDV a de plus en plus des airs poutiniens. Ses débuts en politique en disent long sur lui qui était déjà plus rouge que rouge.
    Chers Confrères, nous avons l'occasion ici de montrer notre solidarité pour défendre notre pays, la Médecine. Devant ces tentatives d'envahissement de notre terrain d'activité, devant cette volonté d'asservissement financier, de privation de liberté, jusqu'où êtes-vous prêts à aller ?

  • Charles KARIGER

    22 mai 2023

    Et si ce « machin » n’était qu’un vilain tour de prestidigitation destiné à faire disparaître « LE Docteur » (F-M)?
    À supprimer cette personne individuelle disposant d’une autorité morale (bien indispensable à l’exercice des professions médicales) et financière et d’une liberté diagnostique et thérapeutique ?
    À mener à son remplacement par des « bureaux de soin » dociles aux choix des ministères et commissions et dispensant une sorte de « médecine-MacDo » ? (Dans un MacDo du Limbourg et un autre de Patagonie, les MachinBurgers doivent avoir le même goût, le même poids, etc.)
    Il y a plus de vingt ans déjà que l’INAMI a entrepris de stigmatiser ceux qu’il a désignés du nom d’ « outliers », les horribles déviants. Les planificateurs continuent leur combat. Contre l’Art de guérir en fait.