Soins hospitaliers pédiatriques à domicile : une déclaration de guerre (Dr D.Simon)

Après les pharmaciens et les infirmiers qui veulent jouer au docteur, voici l’hôpital qui débarque sur le terrain de la médecine générale. Un ami spécialiste m’avait averti que « le tournant ambulatoire de l’hôpital » faisait peser de lourdes menaces sur la médecine générale. Il disposait visiblement de plus d’information que moi sur un projet dont plusieurs volets constituent autant de déclarations de guerre à la médecine générale. 

L’infirmière de pratique avancée était déjà à mes yeux un cheval de Troie de l’hôpital sur le terrain.  Il est prévu de légiférer pour leur donner la compétence d’examiner le patient, de lui prescrire des examens complémentaires ainsi que des médicaments et des soins para-médicaux.  En un mot toutes les compétences du médecin généraliste. Est-ce le rêve des spécialistes, heureusement fort rares, qui souhaitent se passer complètement du médecin généraliste par la création d’un réseau complet de soins à l’extérieur de l’hôpital ? 

Telle que définie jusqu’ici , l’hospitalisation à domicile ne concernait que des soins spécifiques qui ne nécessitaient pas l’hospitalisation du patient tout en nécessitant l’expertise d’un médecin hospitalier : l’antibiothérapie intraveineuse et la chimiothérapie. Celles-ci serait financées par la fermeture de lits d’hôpitaux.  Jusque là rien de bien méchant. 

Mais là l’hôpital passe à la vitesse supérieure et montre que ses ambitions sur le terrain ne se limitent plus à externaliser des soins qui relèvent de ce qui impose encore aujourd’hui une hospitalisation.  Il n’est ni plus ni moins question d’étendre hors de l’hôpital la prise en main d'un bon tiers des compétences du médecin généraliste. 

Deux spécialités, la gynécologie et l’endocrinologie, dont certains membres ont intégralement confisqué la prise en charge du patient, gérant non seulement les problèmes de santé inhérents à leur expertise, privent de ce fait les femmes de la médecine générale et il en est de même des diabétiques en assurant la prise en charge des problèmes de santé sui ne sont pas liés au diabète. 

Morceau après morceau, la médecine générale perdrait jusque sur le terrain la spécificité de son expertise. Et c’est là que l’infirmier de pratique avancée trouverait toute sa justification. On imagine mal en effet que les médecins spécialistes, déjà inaccessibles aux patients en raison de la diminution de leur nombre, se rendent au domicile du patient.  Un infirmier qui peut examiner les patients, leur prescrire des examens complémentaires et des médicaments, ce qu’on définit dans la loi sur l’exercice des professions de soins de santé comme étant l’exercice illégal de la médecine est une pilule difficile à avaler.  

Tout se met en place juridiquement car le concept d'infirmier de pratique avancée figure déjà à L’article 46/1 de la Loi de 2015 sur les professions de santé.  Il est impératif que le législateur impose, lorsqu’une loi sera promulguée pour donner légalement naissance à cette profession, que cette loi rende obligatoire pour autoriser cette collaboration entre les médecins hospitaliers et ces médecins généralistes aux pieds nus l’accord préalable du médecin généraliste qui, jusqu’ici avait l’exclusivité d’exercer la médecine générale. 

Là je dis STOP !
Une telle déclaration de guerre nuirait définitivement à l’harmonie qui règne encore aujourd’hui entre les médecins généralistes et leurs collègues hospitaliers.  Gageons que cette réflexion du KCE aboutisse à la même conclusion. 

Lire aussi: Le KCE évalue si les soins hospitaliers pédiatriques pourraient être organisés à domicile

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Derniers commentaires

  • Marie KROLL

    02 octobre 2022

    Bonjour
    Je suis pour la valorisation de la médecine générale ! Arrêtons cette emprise des hôpitaux qui conformisme n’y et s approprié toute «  créativité » médicale, toute personnalisation de cette prise en charge globale que les patients recherchent et trouvent de moins en moins…augmentant le nombre de visite chez des soignants non compétant car peu formés à une médecine trop General globale et trop complexe pour eux…. Les erreurs viendront bien vite dans ce cas, laissant les « vrais » compétents à des tâches administratives inutiles pour le patient!
    Bonne journée!

  • Jean-Louis MARY

    30 septembre 2022

    Tout a fait d'accord avec David Simon, depuis une dizaine d'années on assiste au démantèlement de la première ligne.
    On prône la première ligne de soins, il y a soit disant un manque de généralistes et que fait on ?
    On laisse l'hispitalier gonfler ses structures et engloutir les soins de première ligne avec le soutien de l'INAMI.
    VDB démolit la première ligne et est allergique à la médecine libérale, tout doit passer par la pluridisciplinarité, on réinvente le fil à couper le beurrait, à moyen terme la première ligne n'existera plus.
    Elle sera confiée aux pharmaciens, sage femmes, infirmières de liaison, soignants "de soutien" et autres noms ronflants pour que tout patient soit pris en charge de façon cadenassée selon des schémas pré-définis élaborés dans les bureaux de l'INAMI par des fonctionnaires qui n'ont jamais vu un patient de leurs vies.
    On s'associe les pouvoirs hospitaliers toujours sur la balle quand il s'agit d'augmenter les chiffres d'affaires de leurs entreprises financières.
    Bientôt des gériatres dans les maisons de repos , des équipes volantes hospitalières pour les soins paiatifs ...l'imagination tentaculaire n'a aucune limite.
    Après, on s'étonne de voir les médecins de 25 ans ne pas être tentés par cette Médecine générale qui devient sans intérêt, vidée petit à petit de toutes ses compétences.

  • Jean-Claude HARIGA

    29 septembre 2022

    La nature à horreur du vide.
    La médecine générale contemporaine par désir gérer ou par paresse déserte la chambre des patients. On m’a rapporté une ville de Wallonie où , trois médecins ayant pris leur pension, le patients courent comme de poules sans tête, dans une commune bruxelloise, des patients âgés demandant une vaccination Covid à domicile se la voient refuser par leur MG…pourquoi s’offusque que les pharmaciens, les infirmières et infirmiers, les ostéopathes , les kinésithérapeutes, les podologues et les podiatres, les pédicures, les reflexothrapeutes…remplissent les vides?

  • Charles KARIGER

    29 septembre 2022

    M’enfin-in-in !
    Chers et honorés Consoeurs et Confrères, pourquoi gémissez-vous alors que ces évolutions sont profondément favorables aux généralistes.
    En effet, elles mettent clairement notre vraie valeur. Doublement d’ailleurs, voyez.
    Au préalable, comprenons bien que les « intervenants exotiques », « infirmiers machin-chose », pharmaciens, sages-hommes/femmes, « hospitaliers à domicile » ne seront ni choisis par les MG ni soumis à leur autorité. (Officiellement, les MG seront réputés « coordinateurs » d’équipes autonomes et indépendantes d’eux.)
    Leur premier rôle, très valorisant, en fait tout à fait essentiel, sera d’être chargés au quotidien de toutes les tâches administratives de « leurs » équipes et d’établir jour après jour les multiples rapports (pardon, REPORTING, soyons de notre temps) indispensables à la tarification et aux futures réunions d’évaluation, etc.
    Leur seconde mise en valeur exceptionnellement intéressante est d’être déontologiquement (puisque l’O.M. ne semble pas décidé à interdire aux MG de participer à ce pas de géant de l’Industrie des soins en Be), civilement et pénalement responsables des actes de « leurs » équipes.
    Enfin ! Nous devrions donc nous réjouir de ce qui vient. Tout baigne.

  • Philippe TASSART

    29 septembre 2022

    Surtout trop de médecins peu motivés ...

  • Philippe-Charles BUSARD

    29 septembre 2022

    Retour aux bases: pas assez de médecins disponibles? ... et pourquoi un numérus clausus, déjà ????