Le gouvernement fédéral et les gouvernements régionaux ont travaillé depuis plusieurs mois sur un nouveau Plan alcool. En filigranes, on aura donc compris que les premiers du genre ont été des plans qui ont tous échoués et qui ont été insuffisants. La problématique alcool reste à un niveau élevé en Belgique et le niveau des soins pour les personnes qui rencontrent un trouble lié à un usage d’alcool reste extrêmement faible.
Prise en charge pas adaptée
Les patients ont beaucoup de difficultés à trouver de l’aide. Les files d’attente sont kilométriques et la prise en charge est peu adaptée aux besoins des patient(e)s et de leur entourage.
Il est donc logique de penser que les soignants et la population étaient en attente d’un plan alcool ambitieux basé sur des données probantes pour se donner les moyens d’une efficacité qui se devait d’être redoutable au vu de l’enjeu énorme en termes de santé publique. En effet, la mortalité de l’alcool représente 3 millions de morts par année dans le monde ce qui équivaut à 6 morts chaque minute liés directement à la consommation de boissons alcoolisées.
De plus, notre pays caracole dans le groupe de tête de la zone Europe, qui elle-même est en tête des pays en termes de consommation d’alcool dans le monde.
Mieux aider les 20% de consommateurs en difficultés
Nous savons également que 80% de l’alcool vendu est consommé par 20% des consommateurs. On peut donc dire que la toute grande majorité de l’alcool vendu va vers un mésusage d’alcool par ceux qui le prennent.
Au vu de la mortalité et des 200 maladies qui sont concernées directement par la problématique alcool, c’est un enjeu majeur en terme de santé publique ainsi qu’un enjeu énorme en termes budgétaire.
On sait que l’alcool coûte plus cher aujourd’hui à la société que cela ne lui rapporte. Énormément d’hospitalisation sont liées de près, ou d’un peu plus loin, à la consommation d’alcool.
Un plan qui fera encore travailler plus les soignants
Ce plan n'aidera pas les soignants. La charge de travail des soignants de première ligne (pharmacien, infirmier, généraliste, assistants sociaux, psychologue) ou des médecins spécialistes (des urgentistes à la neurologie en passant par la cardiologie), est directement impactée par la consommation d’alcool de la population. Cette dernière n'en a sans doute pas toujours conscience.
A côté des objectifs de santé publique
Ce plan alcool n’apporte pas de réponses aux nombreuses questions. Les experts de la problématique ont été écoutés, interrogés....sans que cela se traduise finalement dans les textes. Des heures de travail ont eu lieu en intercabinet et au niveau politique pour aboutir à un examen raté. C'est l'échec. Et il coûte cher.
Les objectifs de santé publique basés sur des données probantes ne sont pas atteints. Je vais prendre trois exemples:
-La publicité : au lieu d’interrompre la publicité sur l'alcool, 5 minutes avant un programme enfant et 5 minutes après, alors qu'aujourd'hui, la grande majorité de la population ne regarde plus les programmes à la TV de manière linéaire mais plutôt sur différents écrans par émissions...On aurait pu imaginer une atteinte à la publicité beaucoup plus conséquente. Elle aurait pu concerner tous les publics et pas seulement les jeunes. Même s'il est exact de dire que les jeunes doivent être bien davantage protégés. Interdire la publicité c’était déjà limiter l’influence de celle-ci sur la consommation d’alcool.
Le prix : le coût de l’unité d’alcool, 10 gr d’éthanol, pouvait, aurait dû, être relevé. On sait aujourd’hui par des données scientifiques, mais aussi par des expériences dans d’autres pays, que cela fonctionne assez bien. La preuve par l’absurde : tout le monde connaît une marque de bière chez nous qui ne fait jamais de publicité et qui est tellement peu chère que tout le monde connaît son nom. Sa publicité, c’est donc bien son prix. Si l’unité d’alcool est plus chère, la consommation d’alcool global diminuera.
La limitation de son accessibilité : on peut espérer, mais je pense avec peu de succès que nous ne serons pas la risée du monde, avec la dernière bonne blague belge : limiter l’accès de l’alcool, dans les pompes à essence, uniquement au bord des autoroutes et uniquement la nuit comme s’il était évident que c’est là que le belge se fournit en boisson alcoolisée. C’est une très mauvaise farce pour un plan alcool digne de ce nom. Il était possible, autrement, de mieux limiter son accessibilité. De nombreuses preuves montrent l’impact rapide d’une telle mesure : les recommandations OMS faites pour les pays en parlent de manières très claires.
Étiquetage des bouteilles : Ce plan aurait dû prévoir un bon étiquetage des bouteilles pour que chaque utilisateur puisse voir clairement le nombre exact d’unités qu’il y a dans la bouteille ou dans la canette. A cela, il fallait ajouter un logo clair et assez grand, sur l’interdiction, ou le conseil de ne pas boire de l’alcool dans la grossesse. Enfin, il aurait été très intéressant d'inscrire sur les bouteilles et les canettes des données qualitatives sur cet aliment, la boisson alcoolisée, que l’on est en train d’ingérer. Cela existe sur de nombreux autres produits : pourquoi pas pour l'alcool ?
Toutes ces mesures ont été conseillées, mais elles n’ont pas été appliquées. A présent, les soignants vont devoir poursuivre la prise en charge des patients en souffrance sans avoir réellement des moyens nouveaux pour le faire.