Vandenbroucke le retour. " Il n’a pas changé, rassurez-vous " ( Dr J;de Toeuf )

L'accord de gouvernement, copieux et détaillé, ambitionne de bouleverser le modèle des soins de santé, tant sur le plan organisationnel, décisionnel que financier. Beaucoup d'ambitions, mais peu de détails sur la façon de concrétiser les projets. Voici quelques commentaires sur le volet des soins de santé.

Revient la double promesse, annoncée pour 2026, de changer le financement des hôpitaux par un forfait par pathologie et de publier la nouvelle nomenclature avec scission des montants des actes en deux parties : professionnelle (pure) et frais. C'est la copie conforme de la déclaration de 2020. En soi, c'est une réforme attendue avec intérêt par les médecins, mais la mise en application se fera sans aucun doute au détriment des honoraires dont la partie frais, débaptisée honoraires, sera directement versée aux hôpitaux qui, en prime, sont assurés de mesures compensatoires. En ambulatoire, les frais seront regroupés dans un forfait de pratique, aberration quand on connaît les différences de coût selon le lieu d'implantation des cabinets.

Co-gouvernance entre médecins et gestionnaires

Bonne nouvelle pour les médecins hospitaliers, un modèle de co-gouvernance entre médecins et gestionnaires, revendication constante de l'ABSyM, sera instauré.

Réformes structurelles des hôpitaux

Les hôpitaux connaîtront d'autres réformes : réduction de lits, conversion de lits aigus en chroniques, bascule maximale vers l'ambulatoire intra et extramuros, hospitalisation à domicile, réorganisation des activités entre les hôpitaux au sein de leur réseau locorégional (concept de Mme De Block qui est donc revigoré), centralisation des pathologies lourdes dans des hôpitaux, dans le réseau locorégional ou suprarégional, universitaires ou généraux. Ce sont des décisions attendues et jamais encore concrétisées. Nous espérons une conversion de plus petits sites hospitaliers en « focus hospitals » — dénomination qui deviendra probablement « outpatient clinic » — regroupant sur site les consultations et polycliniques, les séjours one day, les urgences légères, l'imagerie et le laboratoire, les cliniques de jour (pain clinic, gériatrie, pédiatrie, etc.), sans service de nuit ni de week-end. Mais rien ne garantit cette évolution.

Rémunération des médecins : prestation à l'acte et nouveaux modèles

Autre bonne nouvelle : le principe de base de la rétribution du médecin est la prestation à l'acte. Mais... on gardera les pratiques forfaitaires existantes et on développera le New Deal ou d'autres modèles de paiement. Donc ne nous réjouissons pas trop vite.

Redéfinition du rôle des médecins généralistes et des autres professions de santé

Le rôle centralisateur des médecins généralistes est confirmé, mais leur portefeuille d'activités sera réduit par des transferts, au nom du multidisciplinaire, à d'autres professions de santé : infirmières de soins généraux et de pratique avancée (prescriptions de médicaments et d'actes, adaptation de traitements, etc. pour ces dernières), sage-femmes dans les programmes périnataux que nous approuvons mais aussi en dehors, et, cerise sur le gâteau, les pharmaciens, qui non seulement pourront administrer de nombreux vaccins, mais deviendront de vrais officiers de santé au sens napoléonien du terme (NDLR) pouvant, sans formation médicale, dépister le diabète, le cancer de la peau (oui, vous avez bien lu) et les maladies cardiovasculaires ! L'accès libre aux kinés (ce qui est normal) pour des pathologies légères.

Les spécialistes extramuros devront participer aux gardes des hôpitaux, la question des compétences n'est aucunement abordée.

Tout ceci est bien joli et souvent de bon sens, mais comment va-t-on financer tout cela, étant donné qu'il n'y aura aucun budget complémentaire ? Vous avez compris : le budget des honoraires médicaux sera amputé préventivement comme nous l'avons vécu entre 2022 et 2024 avec les objectifs de soins de santé : transfert de plusieurs centaines de millions venant de la marge budgétaire dont nous n'avons par conséquent pu profiter de la part procentuelle qui nous était destinée.

Harmonisation des suppléments d'honoraires et élargissement du tiers payant

Les suppléments d'honoraires seront « harmonisés », lisez limités au niveau le plus bas. Or, leur ampleur sera déjà réduite puisqu'ils ne porteront plus que sur la partie professionnelle (pure) de l'honoraire. Quel acharnement ! Et le tiers payant sera encore élargi.

Cette avalanche de promesses ne nous étonne pas : les médecins sont des vaches à lait budgétaires, leurs honoraires des variables d'ajustement, leur indépendance professionnelle porteuse de toutes les dérives, et l'idéologie dominante reste inchangée.

Norme de croissance et budget des honoraires médicaux

Mais le pire est dans la norme de croissance. Normalement, au-delà de l'index, elle est supposée couvrir les innovations/nouveaux besoins, le vieillissement de la population, la croissance « naturelle » de la consommation. Le gouvernement y inclura deux nouveaux types de frais : ceux des objectifs « de soins » de santé décidés par un groupe restreint de « sages » économistes universitaires, et ceux induits par la prochaine convention collective de travail du secteur soins de santé.

Autant dire, après le passage de ces deux chantiers prioritaires, qu'il ne restera rien pour les honoraires. Pire, notre budget sera donc inévitablement dépassé puisque non adapté ou déjà réduit préventivement, et des réductions sensibles d'honoraires seront imposées selon les évolutions mensuelles (!) des dépenses. Les budgets jusqu'à aujourd'hui incluaient un trend de croissance naturelle en volume reflétant les besoins sanitaires d'une population croissante . Mais en 15 ans, la population est passée de 10,2 à 11,7 millions !!!  Et que selon le bureau du plan et la commission du vieillissement, la croissance du budget doit être de 3,2 % pour le seul coût du vieillissement. Auquel il faudrait ajouter les budgets des autres modèles inclus dans la norme.

Impossible de continuer à soigner convenablement dans ce contexte, où nous connaîtrons des réductions compensatoires des honoraires de quelques % par an ! Cauchemars et réveils douloureux assurés.

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