« L’or obscur des chemins est composé, à la manière des Mu'allaqât anciens, d’éclats aphoristiques, métaphoriques, philosophiques choisis par le poète dans l’ensemble de son œuvre. Le terme arabe Mu'allaqât signifie littéralement « Suspendues ».(…) »

« L’or obscur des chemins », quel beau titre de brigandage… d’Éric Brogniet, qui nous offre ici son dernier livre en date. Son recueil se situe en dehors, ou plutôt à côté, du chemin des œuvres que le poète nous avait livrées jusqu’à présent : des aphorismes, des réflexions métaphoriques saisies sur le fil de la pensée, des fusées de l’esprit, des crépitements stylistiques qui laissent deviner les foyers sous-jacents.

Faire court, chez Éric Brogniet, c’est manifestement choisir le chemin le plus détourné, le plus apparemment éloigné du but à atteindre, c’est-à-dire ciseler, l’air de rien, ses formules fugaces du monde. Faire bref, c’est couper court à la faveur facile et aux fadaises de l’écrit libéré. Et le poète Brogniet est un poète qui résiste avec pertinence, avec un subtil talent, au factice sous le phare d’un contemporain délayé dans le « moi » domestique.

Sur le bord du chemin poussent des évidences souvent masquées par les rodomontades des discours ; ce sont de discrets adventices que le poète cueille apparemment négligemment, mais, en fait, c’est d’un regard aigu qu’il tente de dégager de ce qui bruisse le son le plus pur. Cette poignée d’aphorismes, d’escarbilles philosophiques et poétiques constitue une sorte d’herbier offert à la lecture de celles et ceux qui aiment picorer ça et là, feuilleter et soudain s’arrêter devant ce qui apparaît comme une évidence sous la plume du poète…