Le Dr Philippe Boxho, médecin légiste liégeois, a présenté lundi à minuit à Charleroi son nouveau livre « La mort en face ». Ce troisième ouvrage, déjà promis à un grand succès, sera traduit en 30 langues. Entretien avec un médecin légiste ...
Pour un Liégeois, n’y avait-il pas trop de Carolos autour de lui ? Hier, à la Librairie Molière à Charleroi, anciens ministres, médecins et des dizaines de personnes se bousculaient dès 20 h pour discuter ou voir le nouveau phénomène des librairies. À minuit, des dizaines de personnes attendaient pour une séance exceptionnelle de dédicaces à l'extérieur de la librairie.
Médecin légiste depuis 30 ans, le Dr Philippe Boxho, professeur de médecine légale, directeur de l’Institut de médecine légale de l’Université de Liège, membre de l’Académie royale de médecine de Belgique, membre du Conseil national de l’Ordre des Médecins, président du conseil d’administration du CHU de Liège, sort son troisième ouvrage : « La mort en face », après « Les morts ont la parole » et « Entretien avec un cadavre ». « J’ai toujours eu un optimisme béat. Je suis à jour dans mon travail quotidien et c'est le plus important », reconnaît-il.
Faire connaître le travail des médecins légistes
D’où vient le succès ? « Je n’en sais rien. Il y a des pistes. La médecine légale est un sujet méconnu du grand public. Il n’y a qu’une série française, Balthazar, qui est très proche de la réalité sur le plan médico-légal. Le reste, notamment les séries américaines, est très loin de la réalité. Pour ma part, je voulais que l’on connaisse la vraie médecine légale, celle de terrain, avec de vrais médecins. »
Un message au futur gouvernement
La question de la pénurie reste réelle aujourd'hui dans le secteur : « Nous avons encore des jeunes médecins qui se présentent. Nous sommes 12 médecins légistes dans le royaume et 12 en formation. 24 pour un pays comme le nôtre, ce n’est pas assez. Dans les années 2000, nous étions 40. »
Que devrait faire le nouveau gouvernement pour ce secteur ? « Lorsque le futur gouvernement a commencé les réunions de travail, il y a eu des contacts, mais plus rien depuis. Pourtant, il faut investir davantage de moyens dans la recherche scientifique pour la médecine légale, ainsi que pour le travail quotidien des médecins et des équipes concernées. »
Être médecin et non prêtre
Vu la pénurie, on pourrait se demander : Devoir faire des études de médecine n’est-il pas un frein pour devenir médecin légiste ? « On pose la même question pour les psychiatres, pour les chirurgiens… pourtant, c’est fondamental. Pour bien comprendre comment quelqu’un meurt, il faut bien comprendre la maladie, il faut donc avoir fait des études de médecine. »
Il reconnaît qu’il s’agit d’un métier qui peut être difficile émotionnellement : « Les bébés, les jeunes enfants, les adolescents ou les jeunes adultes, je reconnais que je ne me sens pas bien quand je dois faire l’autopsie. La rencontre avec les parents est aussi un moment difficile pour expliquer les faits. Pour rappel, je dois toujours expliquer que la seule cause de décès possible est celle que je démontre. »
Je ne suis pas un écrivain
Lui qui a vendu plus de 200 000 livres à ce jour reste toujours aussi calme : « Tout est parti d’un podcast de la RTBF qui a été vu plus de 10 millions de fois où je raconte trois histoires qui sont dans les livres. » Toutefois, il l'avoue, il ne sait pas écrire : « Je ne suis pas un littéraire. Je raconte des histoires comme je les dis. Je ne suis pas un écrivain. C’est peut-être cela qui fait aussi le succès. »
Il le dit sans détour : « Je rigole de la mort, mais pas du mort. Je ne rigole pas des gens. Je rigole de la façon de mourir. Un homme qui se donne 14 coups de feu pour mourir… c’est le record mondial ! »
Il touche un public relativement jeune : « Mes histoires sont vraies sur le plan médico-légal. Cela plaît. J’ai changé les prénoms en mettant ceux de mes amis, de mes chiens, de ma femme… »
6 millions de vues
L’émission de Guillaume Pley en France a fait exploser les ventes : « Elle a plus de 6 millions de vues. » Alors qu’au début, il voulait être prêtre, il est finalement devenu un médecin légiste qui fait parler les morts et dont l'éditeur Kennes, Les 3 As, va mettre en place 300 000 exemplaires à partir de mercredi. Son livre sera traduit dans plus de 30 langues (USA, GB, Italie, Espagne, Asie, Scandinavie…). Selon son éditeur, c'est de loin le plus gros succès d'un Belge ces 10 dernières années. Il a vendu autant de livres cette année qu’Amélie Nothomb ou Éric-Emmanuel Schmitt. Une série télévisée serait même en préparation…
En attendant, lundi à minuit, il s’est lancé dans une séance de dédicaces nocturne à Charleroi… Minuit, l’heure où les morts parlent le plus…