Médecin généraliste, le Dr Thierry Van der Schueren s’est impliqué de longues années dans le combat pour la pratique de la médecine générale, notamment au sein de la SSMG (il en a été le secrétaire général). Aujourd’hui, il a rejoint le centre de santé de Livinhac-le-Haut et Saint-Santin en France.
Après avoir quitté la province de Namur et la région de Mettet (où il a travaillé jusqu’au dernier jour) le Dr Thierry Van der Schueren est arrivé en France le 2 janvier et a débuté ses consultations le 10 janvier. Aujourd’hui, le centre «Ma région» a dépassé les 1.500 consultations. Le Dr Van der Schueren est arrivé dans une région où il n’y avait plus de généraliste depuis plusieurs années: «Je travaille sur deux communes et je suis confronté à de nombreuses affections longues durée.»
Cette région a été un choix de cœur pour lui. «Nous y étions déjà venus en vacances dans notre maison secondaire près de Cajarc, et je prévoyais d’y prendre ma retraite. Toutefois lors d’une formation à Paris au congrès de médecine générale en 2023, j’ai pu parler avec une personne qui y tenait un stand de la région Occitanie et qui m’a sensibilisé à la pénurie de généralistes dans cette zone. J’ai pris le temps de visiter différents centres, et nous nous y sommes bien sentis avec mon épouse.»
Le modèle économique est le suivant: la région rémunère les salariés, dont le Dr Van der Schueren, et prend en charge les équipements médicaux. La communauté des communes, propriétaire du centre médical de Livinhac, a aménagé les locaux et les exonère de loyers durant une période.
Ce déménagement est un choix réfléchi après 29 ans de pratique en Belgique. (...) J’ai quitté la Belgique pour travailler autrement et pour retrouver d’abord du temps pour moi. En Belgique, nous étions 7 médecins et ici, je retrouve une structure qui me convient mieux finalement. J’y accomplis aussi des gardes.»
Quatre mois après son installation, son activité quotidienne lui permet de comparer les différences de pratique, de systèmes de soins de santé et d’habitude de soins. Parmi elles, inévitablement, revient la question de la garde. «En Belgique, l’organisation spécifique de la garde était devenue insupportable (...) où le généraliste est réveillé pour des petits conseils non urgents. D’une part, on ne dormait pas et, par ailleurs, on devait redémarrer le lendemain à 8h pour soigner tous les autres patients de notre patientèle.»
En France, la situation est très différente: «Ici, j’ai 11 heures de repos après ma garde. Je n’ai plus de garde de nuit profonde. (...) Il y a une régulation médicale. Tous les appels sont filtrés par cette régulation au sein de laquelle il y a un médecin régulateur qui peut prendre l’appel et qui trie les patients.» (...) «Quand ce médecin régulateur dérange le médecin de garde, il donne déjà à celui-ci toute une série d’informations précises. Nous ne devons donc nous déplacer que pour des patients pour lesquels il y a un vrai problème de santé. Par la suite, après notre visite, nous pouvons compter sur l’aide de cette régulation pour le suivi pour une hospitalisation, l’envoi d’une ambulance, le transfert du patient ou des soins à domicile, de la gestion administrative… On se sent donc vraiment soutenu. Le médecin régulateur connaît aussi la disponibilité des hôpitaux à ce moment-là.»
Une telle démarche pourrait-elle être appliquée en Belgique? «Elle résout la nuisance des appels intempestifs des citoyens (...) par la régulation qui peut leur dire que ce problème ne nécessite pas le médecin de garde. (...) : il s’agit de profils de médecins généralistes ou de médecins urgentistes.»
Pour le Dr Van der Schueren, il est temps que les choses évoluent en Belgique: (...) «En nuit profonde, il y a très peu d’appels justifiés.»
Cette pratique rejoint certains projets qui voient le jour en Belgique. «Ce type d’approche pourrait être une solution pour la Belgique, notamment parce que je vois que de nombreux jeunes médecins sont intéressés par cette approche de médecins salariés. (...) Cette solution intéresse aussi des médecins de plus de 50 ans qui veulent aussi faire de la médecine, mais sans charge administrative.»
Au quotidien, dans ce système, sa pratique s’est élargie: «Je ne fais pas du tout de la bobologie, mais traite plutôt des affections longue durée (...) Je fais aussi de la médecine interne et de la pédiatrie parce qu’en France, entre 0 et 18 ans, une vingtaine de visites sont demandées pour les enfants. Nous pourrions aussi penser à ce type de démarche en Belgique pour améliorer le suivi des enfants. Nous avons peu de pédiatres en France; le médecin de famille s’occupe des enfants beaucoup plus qu’en Belgique. S’il y a une anomalie, il oriente l’enfant vers un centre adapté.»
Face aux distances et aux déserts médicaux, le Dr Thierry Van der Schueren peut compter sur un autre allié de taille: la télé-expertise. «Je l’utilise abondamment. (...) Je peux leur envoyer des photos ou des protocoles. (...) chacun est payé en fonction de son travail: (...) 10 euros pour moi (...) 20 euros pour le spécialiste (...) Chacun est rémunéré pour le temps qu’il consacre, (...) Cela me permet d’envoyer régulièrement des photos chez les dermatologues pour avoir un avis spécialisé (...) des questions thérapeutiques sur un diabète déséquilibré avec une insuffisance rénale à un endocrinologue.»
Cette télé-expertise est facile à utiliser. «Tout est intégré dans nos logiciels. Il suffit de poser sa question à partir du dossier du patient, choisir le spécialiste que l’on veut interroger et envoyer. Quand la réponse est reçue, la facturation est réalisée d’un clic pour les deux médecins.» Malgré la distance, la relation avec les spécialistes reste de qualité: «Le patient doit souvent changer de département pour trouver un ophtalmologue ou un pédiatre. Ici, les radiologues privés peuvent avoir chez eux un scanner ou une résonance magnétique, cela oblige tout le monde à être un peu plus performant.»
> Lire l'intégralité de l'entretien ( MS 756 )
Derniers commentaires
Charles KARIGER
05 septembre 2024Holà ! Halte !
Tout cela vise à améliorer les choses, tant pour les soignants que pour les soignés. Vade retro, Satanas !
Rien de cela n’est compatible avec nos principes les plus sacrés : la stigmatisation des « malades de longue durée », les « économies », la réduction des prescriptions, les interdictions d’installation « pirates », le mot n’est pas trop fort, d’IRM, TDM etc.
Heureusement, cet infâme « outlier » ne pollue plus le sol sacré de notre noble Be. Ouf ! Que les dieux en soient remerciés, St VDB en premier lieu.