Face à la surcharge, le Dr Belche plaide pour une intégration des infirmiers dans les cabinets de médecine générale

Face à la pénurie de médecins généralistes, à l’augmentation des maladies chroniques et à une charge de travail croissante, la médecine générale est mise sous tension. Dans ce contexte, le Collège de médecine générale a consacré un webinaire à l’intégration d’un nouveau profil : l’infirmier de pratique de médecine générale (IPMG).

Le Pr Jean-Luc Belche, professeur à l’Université de Liège et médecin généraliste, insiste : « Dans de nombreux pays, l’intensification de la collaboration médecin-infirmier est une des solutions privilégiées pour permettre à la médecine générale de répondre à ces nouveaux défis. En Belgique, surtout du côté francophone, l’intégration de professionnel infirmier au sein des pratiques de médecine générale reste encore peu fréquente. »

Le webinaire portait sur le certificat interuniversitaire qui vise à offrir une formation spécifique à des infirmiers appelés à travailler en cabinet. « Cette formation est très différente de l’infirmière de pratique avancée. Le cadre légal qui vient d’être négocié pour les infirmiers de pratiques avancées permet d’autres choses dans leur pratique. »

Un soutien déjà expérimenté en Flandre

Aujourd’hui, sur le terrain, ces infirmiers pourraient déjà jouer un rôle important. « Actuellement, on observe dans les suites du New Deal, mais aussi dans les suites de ce qui se passe en Flandre depuis presque 10 ans maintenant, que des professionnels infirmiers, sans dérogation au cadre légal actuel, peuvent poser plus d’actes. Avec cette formation d'infirmiers de pratique de médecine générale, les médecins généralistes flamands, même quand ils sont à l'acte, avaient décidé déjà depuis un petit temps d'engager ce type de professionnels infirmiers. Cela permet aux médecins généralistes flamands de compter sur eux (elles) pour faire du suivi individuel complémentaire de leur patient. »

Pas besoin d’un statut avancé pour ces missions : « Ce n’est pas nécessaire parce que le cadre légal actuel permet déjà énormément d’actes concrets sur le terrain. Pour des patients chroniques (BPCO, insuffisants cardiaques, pour des suivis à domicile de patients...), il y a un potentiel d'infirmiers complètement inexploité que cette formation-là met en avant. Les médecins généralistes peuvent être ouverts à une intégration d'un professionnel infirmier pour des tâches définies. »

Des freins persistants côté francophone

Le New Deal permet un financement à la pratique, mais peu de généralistes francophones y ont recours. « Les médecins généralistes francophones n'utilisent pas encore beaucoup ce genre d'infirmiers (infirmière de pratique de médecin générale). Les infirmiers pourraient sortir du carcan d'actes techniques basiques dans lesquels ils sont cantonnés pour finalement offrir d'autres soins encadrés. »

Certains praticiens craignent une concurrence. « Ils pensent encore trop souvent que les infirmiers vont leur prendre des actes simples qu'ils aiment bien faire (des vaccinations par exemple...). Mais les généralistes doivent quand même avoir une vue globale de santé publique dans ce débat : les chiffres des taux de vaccination actuels en Belgique sont clairs : 50 % des patients de plus de 65 ans sont vaccinés pour de la grippe... donc il en reste 50 % qui ne sont pas vaccinés. Le travail des médecins n’est donc pas menacé. »

Et l’expérience le confirme : « Les infirmiers peuvent s’investir dans les soins plus complexes avec un suivi planifié et conjoint médecin-infirmier. Plusieurs médecins généralistes sur le terrain s’en félicitent. L’un d’eux explique même qu’il était débordé, et prêt à arrêter, et que, depuis qu’il a embauché une infirmière, il termine à 18h tous les jours, et a retrouvé une qualité de vie. »

Une collaboration bénéfique pour tous

« Ils sont complémentaires. Cette tendance de fausse compétition est encore trop présente. Sur le terrain, en plus, on a l'impression que cela répond à de nombreux problèmes actuels. » Et le Pr Belche insiste : « Aujourd'hui encore des médecins font, le matin, leur tournée de prise de sang. Ils ont évidemment le droit. Mais dans un moment comme celui-ci, où l’on manque de médecin, pourquoi se passer pendant toutes ces heures de leur capacité de diagnostic. Les patients, tous les jours, manquent d’accès à un médecin, libérons du temps de médecin pour les patients. »

Il comprend néanmoins certaines résistances : « Quand je dis cela, je comprends aussi les médecins qui parfois dans une journée, où ils rencontrent des cas très complexes, sont heureux d’avoir un ou deux patients plus “simples” à traiter. » Mais la présence d’un infirmier ne remet pas cela en cause.

Un levier pour réactiver les vocations

Les freins logistiques sont surmontables : « Des solutions existent et l’infirmière peut même avoir un cabinet à quelques mètres du cabinet du médecin. »

Et cette évolution pourrait aussi inciter certains soignants à revenir : « Aujourd’hui, la réalité, c’est qu’il y a quand même un pourcentage non négligeable d'infirmiers dormants qui ont décidé de quitter la profession suite aux conditions de travail difficiles en maison de repos, à l'hôpital... Cette nouvelle opportunité pour eux et elles pourrait redonner du sens et possède une valorisation plus forte. Si les médecins commencent à les embaucher (3 fois 4 heures semaine par exemple), il va y avoir un appel d’air. »

Le Dr Belche conclut : « Si on sauve la première ligne, on sauve l'hôpital. Le jour où la première ligne craque, parce qu'on n'a pas pensé au soutien nécessaire, l'hôpital craquera aussi. »

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