Alors que les autorités investissent dans des projets venus des hôpitaux, les généralistes alertent : leurs besoins concrets restent ignorés. Ils demandent une réorientation des priorités vers la première ligne, trop souvent reléguée au second plan.
Lors d’une récente journée d’échange de la Plateforme de Première Ligne Wallonne (PPLW), un projet pilote d’hospitalisation à domicile (HAD) a été présenté. Porté par dix hôpitaux, ce programme vise à renforcer la continuité des soins après une hospitalisation pour pathologie chronique. Kathaline Gillis, consultante au pôle de santé intégré, et Gauthier Coupé, gestionnaire projet et qualité, ont exposé les grandes lignes de l’initiative intitulée « Patient at home : Assurer la continuité des soins au domicile du patient ».
Mais du côté des médecins généralistes, l’enthousiasme est loin d’être généralisé. Dans la salle, plusieurs ont exprimé leur opinion face à des projets hospitaliers qui, selon eux, peinent à s’ancrer dans les réalités du terrain. Le Dr Guy Delrée, président de la FAGW (Fédération des associations de généralistes wallons), a tenu à rétablir certaines vérités.
Une initiative hospitalière, pas une priorité de terrain
« Ces projets viennent de la deuxième ligne, ou éventuellement d'une politique fédérale souvent « flamande » de la santé. Quand un tel projet est lancé, ils veulent juste la bénédiction de la première ligne pour continuer à fonctionner sans vraiment avoir notre avis de terrain », a-t-il dénoncé. Pour les généralistes, trop souvent sollicités comme simples cautions, l'HAD n’est pas une demande issue de la première ligne.
Le Dr Delrée le souligne avec force : « Les autorités devraient se concentrer sur des projets qui répondent vraiment aux besoins des prestataires. Je ne dis pas que l’HAD n’est pas importante, mais cette problématique est une niche des soins de santé aujourd’hui. Les autorités devraient se concentrer sur la bonne utilisation des budgets. Je vais vous donner un exemple : je travaille quand même beaucoup avec mon épouse et je n'ai jamais eu un patient avec une hospitalisation à domicile. »
Une première ligne détournée de ses missions
Le sentiment d’être instrumentalisé au service de politiques hospitalières semble largement partagé. « Il faut que la 1re ligne se rende compte qu'elle est trop utilisée comme faire-valoir de politiques qui ne sont pas des politiques de 1re ligne, mais des politiques pour les hôpitaux (réduction de lits, réduction de durée d'hospitalisation...). Les hôpitaux ont besoin que les patients en sortent plus vite et ils essayent de trouver des solutions. »
Mais ces solutions ne correspondent pas aux besoins concrets des généralistes, qui réclament depuis des années des soutiens structurés sur des problématiques beaucoup plus fréquentes dans leurs cabinets.
Un vrai soutien pour les patients diabétiques ou en surpoids
C’est dans des domaines comme la prise en charge du diabète ou de l’obésité que les besoins sont les plus criants : « Énormément de médecins ne sont pas familiarisés avec le démarrage d'insuline pour un patient. Il serait intéressant qu’ils soient accompagnés : glycémie, injections, diététique... Un véritable travail multidisciplinaire de première ligne. Nous serions intéressés de généraliser des structures d'appui qui aideraient la première ligne et à qui on pourrait confier notre patient qui est en trajet de démarrage de diabète. Ce serait un vrai service qui concerne beaucoup de patients. La même réflexion pourrait voir le jour pour la dermatologie. Il faut aussi qu'il y ait un meilleur adressage de patient possible entre un généraliste et un dermatologue. »
Imposer enfin un échelonnement ?
Pour le Dr Delrée, la réflexion sur les soins de première ligne ne peut faire l’économie d’une meilleure organisation des recours aux spécialistes. « Est-ce qu'à un moment donné, l'échelonnement ne s'impose pas dans certaines circonstances de spécialisation ? Il faudrait quand même au moins imposer aux dermatologues ou à certaines professions spécialistes d'être disponibles dans un délai raisonnable pour les généralistes. Certains hôpitaux le font mais seulement quand ils sont dans une zone avec une forte concurrence... »
La première ligne, en première ligne justement, appelle à être écoutée et outillée, pas seulement intégrée après coup dans des projets pensés ailleurs.