Pourquoi plus de médecins ne suffiront pas à réduire les délais d’attente

Malgré un nombre de médecins supérieur à la moyenne européenne, la Belgique est confrontée à des délais d’attente croissants, comme l’ont récemment souligné plusieurs médias. Pour le généraliste et professeur émérite Patrik Vankrunkelsven, le problème ne se résoudra pas par la seule augmentation du nombre de praticiens. Le système de santé belge, trop tributaire d’incitants économiques, entretient selon lui la surconsommation, l’inefficacité et l’allongement des files d’attente.

« Ajoutez un sixième orthopédiste dans un hôpital qui en compte déjà cinq, et il ne faudra pas un an pour que les délais redeviennent aussi longs », écrit-il dans une carte blanche publiée par le quotidien flamand De Morgen.

La surconsommation, avance-t-il, se dissimule souvent derrière une logique de prévention, fondée sur l’idée que le dépistage précoce sauve des vies. En pratique, elle engendre des consultations superflues. Il évoque ainsi le cas de patients suivis chaque année sans plainte particulière : ceux souffrant d’arthrose du genou, les hommes atteints d’une hypertrophie bénigne de la prostate ou encore les patients stables soumis à des examens cardiaques annuels, pourtant non recommandés. « Tant que nous maintiendrons le business model actuel, le renfort de médecins ne fera que prolonger les dysfonctionnements », juge-t-il.

Ce modèle, selon lui, satisfait un certain confort organisationnel. Des agendas remplis d’examens routiniers offrent aux médecins un sentiment de contrôle et de continuité, mais ne profitent guère à la santé publique. Ils prolongent artificiellement les délais d’attente et freinent l’accès rapide aux soins pour les patients urgents, notamment chez les généralistes.

Une première ligne figée

L’analyse de Patrik Vankrunkelsven s’étend aussi à la médecine de première ligne. Là où les généralistes accueillaient autrefois sans rendez-vous, ils imposent désormais des plages horaires rigides. Cette logique pousse les patients à se tourner vers les urgences ou les spécialistes pour des affections aiguës. « Les médecins généralistes s’installent dans le confort de consultations planifiées, laissant glisser la médecine d’urgence vers le second niveau de soins. La première ligne peut pourtant aussi contribuer à désengorger les listes d’attente. »

Il plaide pour davantage de flexibilité et de coopération, en intégrant mieux notamment les infirmiers dans la chaîne des soins.

Pour le professeur émérite, seule une remise en question structurelle du modèle économique actuel permettra de faire reculer durablement les listes d’attente. Les consultations de suivi trop fréquentes et peu justifiées doivent être réduites. Une telle réforme suppose un regard critique de la part des généralistes comme des spécialistes sur leur propre pratique, et un système où l’offre de soins repose sur les besoins médicaux réels, et non sur des logiques financières.

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