Résumé du dernier épisode médiatique. Les projets pilotes attendaient, à la rentrée, leurs 208.000 € de forfait, pour passer à la vitesse supérieure dans les actions ou en amorcer d’autres. La cellule inter-administrative qui chapeaute le « Plan soins intégrés en faveur des malades chroniques » avait rétorqué à Medi-Sphère qu’il était temps que ces expérimentations, qui n’avaient pas cartonné en matière d’inclusion de patients, atteignent leur vitesse de croisière. Réponse qui n’était pas passée inaperçue chez les intéressés. Jean Macq tenait à mettre son grain de sel dans le débat.
Actif à l’IRSS, l’Institut de recherche santé et société de l’UCLouvain, le Pr Macq fait partie de l’équipe scientifique d’évaluation des projets pilotes, dont le mandat s’achèvera en juin 2020. L’équipe s’emploie à identifier les bonnes pratiques quant à la gouvernance de ces nouveaux réseaux et leur capacité à rapprocher des intervenants qui, sans quoi, exerceraient chacun dans leur coin. « Les projets peuvent-ils renforcer le ‘travailler ensemble’, au profit des patients chroniques ou à risque de le devenir? Par exemple créer des synergies MG-hôpitaux, intensifier la concertation MG-pharmaciens, pousser à la collaboration kinés et coaches encadrant les activités physiques adaptées ?, etc. » C’est toutefois en son nom propre que Jean Macq s’exprime ici.
Il ne faut pas, prévient-il, entrer dans le jeu des émotions inhérentes à ce type de réforme, ni vouloir conclure trop hâtivement. « Il existe un consensus international voulant que, pour discerner des changements imputables à une intégration accrue des soins, on se place sur des perspectives de 10 ans - même dans des pays avec une meilleure structuration de départ que la Belgique et son paysage des soins hyper-fragmenté. Il faudra des années pour pouvoir mesurer les effets des projets pilotes belges sur la santé de la population et sur les dépenses de l’assurance maladie. Bien plus qu’une législature… » (*)
Les projets pilotes, assure-t-il, abattent tous du bon boulot, mettent en œuvre des modes de collaboration nouveaux, en résonnance avec leur réalité locale (ruralité, précarité, densité de l’offre (para)médicale…). Certains grandissent certes sur un terreau d’emblée plus favorable aux interactions entre métiers et lignes. Mais tous ont besoin de temps pour concevoir le design de leurs actions, les concrétiser puis les déployer à plus large échelle.
« Il faut dédramatiser la situation. C’est une réforme tellement ambitieuse qu’il est logique que des craintes voire des frustrations émergent. Il est normal qu’il y ait eu un investissement de base des autorités - et les 11 millions, ce n’est pas encore si colossal… - et que les choses prennent du temps, aussi au niveau de l’inclusion. On peut constater, déjà, que les projets ont conçu des actions innovantes. L’ambition du Plan est formidable. Il ne faut pas laisser les tensions ponctuelles occulter la grande vision initiale de départ. »
(*) parmi les exemples étrangers probants, le Pr Macq cite celui de la Catalogne, Gesundes Kinzigtal en Allemagne, et les ACOs (Accountable Care Organizations) américaines dont certaines sont de gros succès dans des contextes très différents
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