«Le cœur du soin battra mieux quand la tête arrêtera de suivre le métronome» (Dr Gueben Robin)

Cette lettre était destinée à deux grands syndicats de médecins et à l'Inami-Riziv. Initialement prévue en aparté, j'ai finalement décidé de rendre ce message public. Après l'échec de l'illogisme et de la stigmatisation permanente des soignants indépendants par le PS, le PTB et Ecolo, je constate que je ne suis plus la voix dissidente face à leur conception oisive, opaque et quasi-corrompue du système de santé belge.

Au lendemain de la victoire des partis MR et Les Engagés, je réalise que, comme beaucoup d'autres, je rêve de liberté, d'épanouissement et d'équilibre. Depuis 14 ans, on m'a répété que la médecine à l'acte déconventionnée de l'État, conservatrice (faux, responsable), sans cœur (faux, scientifique) et vénale (faux, réfléchie) est la cause de nos souffrances ; que la médecine au forfait ou conventionnée, progressiste (faux, de la décroissance), empathique (faux, sympathique) et gratuite (faux, assistée) sera notre salut. En vérité, c'est le soin clinique à 100 % qui sauvera la médecine générale. Une première ligne solide, basée sur l'action clinique, renforcera tout : les urgences hospitalières, la seconde ligne spécialisée en privé et à l'hôpital, ainsi que la santé publique.

Ma relation avec mes syndicats est une tragédie en deux actes, mais elle se termine bien. Il y a deux ans, j'étais un rebelle face à la Troïka INAMI-Mutuelles-Syndicats, dénonçant le copinage de cette union triple des hauts fonctionnaires ou « fonctionnarisés » et l'esclavagisme des soignants du travail réel, ceux qui soignent les malades. L'année dernière, le New Deal, béni par tous, est arrivé, et avec lui, ma solitude face aux fausses croyances d'un groupe d'aveugles. Le ministre venait d'exposer sa dernière invention pour aspirer la médecine générale à l'acte vers le forfait, et tous applaudissaient.

Il y a deux ans, j'ai envoyé un courrier au syndicat Absym. Un de leurs adhérents diffamait honteusement les professionnels du soin : jeunes donc incompétents , bonsvivants donc inefficaces, raisonnables donc méchants. Un autre adhérent entretenait (et le fait toujours, même à la veille du scrutin du 9 juin 2024) des liaisons dangereuses avec des politiciens et des mutuelles. Quel médecin sensé continuerait à se syndiquer et donc à s'associer à des gens qui prônent la vision industrielle et laxiste dans le fonctionnement de la médecine générale, et le dogme de ses structures d’amis placés pour occuper les postes ? Non, baisser la qualité pour augmenter la quantité n’est pas la solution. Non, garder la même équipe de perdants ne donnera pas d’autres résultats gagnants.

"Un syndicat qui ne nous défend pas ne mérite pas notre soutien"

Et il y a un an, après m’être syndiqué à l’autre syndicat, le GBO, et avoir payé ma cotisation pour pouvoir voter pour eux, j’ai prévenu : si un syndicat ne nous défend pas, ne nous écoute pas et se plaint sans rien obtenir, je m’en détournerai comme la plupart de la profession s’en détourne à la vue des chiffres. Je lis les articles et les commentaires des membres du GBO sur les DMG à promouvoir, le New Deal à encourager et, in fine, un National Health System avec un État social rouge-caviar à la tête et les mains des indépendants à l’ouvrage.

"Non, je ne paierai pas ma cotisation, désyndiquez-moi."

Les excuses de l'« avis personnel » ne valent plus, car non seulement les opinions sont toujours les mêmes, mais surtout, dans une association, aucun homme n’est une île à lui tout seul ! Oui, j’ai bien reçu mes rappels de cotisation, oui, j’ai bien reçu les invitations à présenter mes idées. Alors je réponds : « Mais où étiez-vous ces deux dernières années à me regarder raconter sans cesse ce que je dis à chaque événement ? » Non, je ne paierai pas ma cotisation, désyndiquez-moi, je n’en ai cure ! Quant à l’invitation, je viendrai si, et seulement si, mes confrères et consœurs à l’acte sont entendus, eux aussi. Mais je pense que jamais nous ne servirons de faire-valoir pour un syndicat de la médecine forfait, fonctionnarisée ou de la soumission. Votre naïveté vous fait presque paraître coupables. Nous préférerons rester soignants avec des syndicats vidés de leur substance, entraînant ainsi la mort de la concertation. Ou alors créerons-nous peut-être un nouveau syndicat qui représentera enfin tous les soignants dans le pur sens du terme, sans velléités de pouvoir ni lutte intestine stérile intersyndicale.

"Le libéralisme social du centre : une voie d’espoir."

Le troisième acte de cette pièce tragi-comique est un coup de théâtre qui commence aujourd’hui et qui se résume en un mot : l’espoir. Le libéralisme social du centre, c’est quoi finalement ? En 1830, nos ancêtres médecins nous auraient dit que c’est la liberté de la profession de gagner leur vie dignement et de faire ce pour quoi ils ont été formés : guérir et soigner. Et pour l’État, c’est une figure abstraite qui représente la « Res Publica », la Chose Publique, qui prend l’argent de l’impôt comme un muscle prend le sang, puis paie, construit, rénove, investit et fait avancer la société dans la bonne direction du juste milieu qui est d’or. Et le cœur du Soin battra mieux pour l’effort qui s’annonce quand la tête arrêtera de lui demander de suivre le métronome.

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Derniers commentaires

  • Hervé Godiscal

    14 juin 2024

    nous avons nous médecins prêté serment pour une mission : servir en prenant soin.
    Le reste est foutaise et balivernes.
    Les politiciens de tout poil allez vous faire voire ailleurs !

  • Charlotte D'HUART

    12 juin 2024

    Merci pour votre voix

  • Chloé Meylemans

    11 juin 2024

    Merci pour cet article

  • Iwan WILLEM

    11 juin 2024

    Votre lucidité est impressionnante, mais je crains que le "troupeau bêlant" de nos confrères n'aie pas le courage d'analyser votre réaction et décider de vous suivre
    Dr Iwan WILLEM (Verviers)

  • Jean-Claude HARIGA

    11 juin 2024

    Je suis heureux de constater qu'un jeune médecin prenne le temps d'étudier les situations, de les analyser et de tirer des conclusions qui restent celles qui ont motivé notre engagement il y a déjà plus de vingt ans avec nos amies et amis wallons Claude Dawance, Inge Parmentier, Martine Massaut, David Simon ,Christian Waxweiller, Paul Vollemaere , Paul De Munck et nos amis flamands Rufy Baeke, Anne Leunens, Karen Louage, ,Paul Gobert,Peter De Bruyne, Herman Moerman et Michel De Munck...et j'en oublie ...à travers un site de courrier "Action Santé". en dehors des syndicats (bien que certains en soient membres) et puis lors d'une tentative écrasée par le cabinet de la Santé pour établir un syndicat de m"decins vivant de l'acte intellectuel . Nous avons lancé les grandes manifestaions du début des années 200 à Bruxelles rassemblant tous les acteurs de la santé en Belgique et certains d'entre nous avaient déjà participé au mouvement de grève de l'hiver 79-80. Notre mouvement a été au départ essentiellement porté par des médecins généralistes mais de nombreux spécialistes nous ont rejoint , particulièrement ceux ne disposant pas d'actes techniques. Il y a eu une émulation extraordinaire et des amitiés dépassant nos frontières linguistiques, David Simon inventa l'Acte Médical Intellectuel. Il y eut des améliorations mais depuis Leburton nous savons qu'une partie de la société politique voudrait voir les médecins devenir des employés salariés et la puissance d'inertie et de nuisance des ennemis de la médecine libre reste agressive...Ce qui me désole est que les jeunes médecins que je trouve sympathiques et intelligents semblent comme hypnotisés et sans réactions devant les manœuvres de moins en moins discrètes visant à faire de la médecine une triste administration gérant la santé selon les ukases totalitaires. Y a- t-il d'autres Robin Gueuben? S'il vous plaît dites moi oui !

  • Agostino SFERRAZZA

    10 juin 2024

    et oui !

  • Marie-Louise ALLEN

    10 juin 2024

    BRAVO

  • Bernard Dalez

    10 juin 2024

    Bien Parlé !

  • Thierry Marchal

    10 juin 2024

    Cher jeune confrère,
    Ta rhétorique est à la hauteur de ta dialectique et tant de vérités dans une aussi jeune tête impressionnent.
    Le bémol c'est qu'à côté du syndicalisme fédérateur il n'y a que de l'individualisme égoïste qui ne fera pas avancer la profession. Courage pour votre avenir, moi je commence à fatiguer ;-)
    Dr Thierry Marchal, Baudour