"Je pensais que nous avions dépassé l’époque du médecin omniscient qui agit seul et détient la vérité absolue dans son village…" C'est à la suite d'une carte blanche de l'ABSyM publiée dans Le Soir le 19 novembre 2024, relayée par un article dans Le Specialiste et Medi-Sphere, que Karlien Hollanders, ancienne pharmacienne et aujourd'hui « patiente experte », partage sa réaction.
"Lire qu'il existe encore une telle méfiance entre les prestataires de soins me fait mal," commence Karlien Hollanders. "Il est vrai que chaque professionnel doit connaître les limites de son expertise, mais ce qui manque, c'est une véritable collaboration entre eux, ainsi qu'une ouverture mutuelle pour que 1 + 1 fasse 2."
Elle regrette que certains se sentent immédiatement attaqués et pensent que le jugement des médecins est systématiquement contesté ou invalidé par d'autres prestataires. "Il ne s'agit pas de contrôle ou de contradiction, mais bien de compréhension, de renforcement et de coopération. Pour parvenir à une telle collaboration, il faut connaître les forces de chacun et oser dialoguer. Des articles comme celui-ci ne sont absolument pas constructifs et ne servent pas les intérêts des patients."
Partage des données
"Il ne revient pas au médecin de décider si mon pharmacien (ou un autre prestataire de soins) peut savoir, par exemple, quel diagnostic m’a été posé. À l’inverse, il serait utile que d'autres prestataires, comme un médecin urgentiste, puissent consulter à tout moment les médicaments que j’ai récemment retirés en pharmacie, en l’absence d’un schéma médicamenteux. En tant que patiente, je veux pouvoir décider moi-même de partager ou non ces données avec les prestataires concernés."
Karlien Hollanders insiste sur l'importance de la communication et de la coopération entre professionnels de santé. "Je ne veux pas qu'ils défendent chacun leur propre silo ou territoire."
Elle poursuit : "Personnellement, j'apprécie que les professionnels avec qui j'entretiens une relation de confiance collaborent autour de ma santé. Trop souvent, j'ai constaté que l’un n’était pas au courant des conclusions ou des décisions prises par un autre membre de mon 'équipe de soins'. Cela m'oblige, en tant que patiente, à essayer de comprendre, de retenir et de transmettre correctement toutes ces informations au prochain prestataire. Cela entraîne des erreurs dans les prises de médicaments, des examens en double, des diagnostics erronés, des informations contradictoires…"
Cependant, elle insiste sur la nécessité de respecter la volonté des patients. "Ceux qui préfèrent que leurs informations ne soient pas partagées doivent pouvoir en décider ainsi."
La santé résumée dans le SumEHR
"Théoriquement, selon l'article 9/1 de la nouvelle loi sur les droits des patients, j'ai le droit, en tant que patiente, de demander des notes et des rapports médicaux électroniques à chacun de mes prestataires. Mais ce que je préférerais, c'est que les informations les plus essentielles soient automatiquement partagées avec les prestataires auxquels j'accorde mon consentement."
Karlien Hollanders distingue ici les données fondamentales des "notes personnelles" des soignants, comme des hypothèses ou des observations, qu'ils peuvent garder pour eux. "Mais les informations essentielles pour garantir des soins corrects doivent pouvoir être partagées."
Elle évoque le SumEHR (résumé de santé), souvent présenté comme une solution existante. "Beaucoup de personnes, comme moi, n’ont pas de SumEHR. De plus, pour ceux qui en ont un, ces résumés ne sont souvent pas à jour, car seuls les médecins peuvent les créer ou les modifier. Or, ils ne sont ni obligés de le faire ni contrôlés sur leur mise à jour. Résultat : très peu de citoyens disposent d'un SumEHR complet et exact."
Elle note également que les patients ne peuvent ni modifier leur SumEHR ni y ajouter des notes. "Même si davantage de prestataires y avaient accès, cela ne résoudrait probablement pas le problème d’une réelle intégration des soins."
Pour elle, le concept de SumEHR est prometteur, à condition qu'il soit obligatoire pour tout le monde et tenu à jour, de manière (semi-)automatique, par le médecin généraliste, d'autres soignants et le patient lui-même.
Ce qu'il faut pour réussir
En conclusion, Karlien Hollanders résume ainsi sa vision : "Tout ne doit pas être partagé avec tous mes prestataires, mais ils doivent pouvoir accéder rapidement aux informations nécessaires pour m'offrir les soins les plus appropriés."
Pour y parvenir, trois éléments clés sont nécessaires :
- Un cadre infrastructurel et des règles techniques, soutenus par une législation rendant le partage de certaines données obligatoire.
- Une évolution des mentalités parmi les prestataires de soins et leurs organisations professionnelles, visant une collaboration réelle au-delà des frontières disciplinaires.
- Des citoyens/patients affirmant leurs droits, tant en matière de choix des soins que de partage des données.
> Lire la carte blanche du Soir
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