L’idée d’une professionnalisation de la garde de médecine générale a maintes fois été évoquée. Le Dr Guy Delrée, président de la FAMGB, se bat depuis un certain temps pour une amélioration du système. Il n’affiche pas un enthousiasme effréné à cette idée. Pour lui, ce n’est pas vraiment la solution. Il est possible d’emprunter d’autres voies.
Je ne suis pas convaincu que la professionnalisation de la garde de médecine générale soit une bonne solution. À mes yeux, c’est plutôt une fausse bonne idée. Ce qu’il faut faire, c’est redonner envie aux médecins généralistes d’assurer des gardes de nuit et de week-end. On doit arrêter de rendre ces prestations si pénibles que les généralistes n’ont plus envie d’y participer. Il m’est moi-même arrivé de m’interroger sur le sens de mon activité dans ce contexte. Et il faut bien reconnaître que ce sens manque souvent. Quel est l’intérêt de répondre la nuit et en urgence à la demande d’un patient qui tousse depuis trois jours et qui veut être reçu aux heures de garde en semaine parce que son médecin traitant ne peut le recevoir que dans deux jours ? Ou de voir quelqu’un venir la nuit pour une broutille pouvant attendre le lendemain ? Quelle est la valeur ajoutée, humainement parlant, de se précipiter pour un enfant qui présente une fièvre modérée, alors que les parents disposent de médicaments de première nécessité pour une première tentative de faire tomber cette fièvre ? De plus, les médicaments modernes permettent de stabiliser, dans une grande majorité des cas, les patients chroniques. Pourquoi alors venir encombrer la garde lorsqu’un incident mineur survient ?
Ce problème du manque de sens, qui démotive une majorité de généralistes, est en grande partie lié à l’absence d’un tri efficace. La gestion des problèmes liés à l’urgence est aujourd’hui largement inspirée par les avis du Conseil fédéral des secours médicaux d’urgence. Mais les généralistes y ont une faible représentation.
Un autre obstacle à l’adhésion des généralistes aux gardes de nuit et de week-end est celui des honoraires. On a trop souvent considéré que les seules difficultés à faire fonctionner correctement un poste de garde de médecine générale venaient des contraintes que cela imposait au prestataire et de la récurrence des gardes. C’est vrai, mais les honoraires tels qu’ils sont actuellement ne sont guère encourageants non plus. S’ils étaient mieux rémunérés, de nombreux médecins, parmi lesquels de jeunes confrères qui entament leur carrière ou des médecins en réorientation, seraient plus attirés. Cela atténuerait ainsi le problème des récurrences. De plus, des honoraires convenables devraient permettre la récupération de la fatigue engendrée par une nuit de garde. Si le manque à gagner d’une récupération souvent nécessaire le lendemain d’une garde était compensé par des honoraires adéquats pour le temps de garde, on verrait sans nul doute les médecins s’y engager plus volontiers.
Bref, on est loin d’avoir fait tout ce qui était possible et nécessaire pour rendre la garde attractive et efficiente. La meilleure preuve en est qu’il existe des endroits où des médecins sont satisfaits de son fonctionnement. Cela ne veut pas dire que je sois opposé à l’existence de médecins « gardistes », mais je considère que la garde fait partie du métier de généraliste. Du moins, c’est ce que je pense. Mais même moi, qui me bats pour l’instauration d’une garde bien organisée et vivable pour le généraliste, je m’interroge parfois à ce propos. Et il m’arrive de me dire que si rien ne change, je pourrais me décourager et abandonner. La question de fond est de redonner au généraliste le goût d’effectuer des gardes.
Derniers commentaires
Sarah Dagrain
23 aout 2024Entièrement d'accord avec vous!
Philippe TASSART
22 aout 2024Il n'y a rien d'amusant à effectuer des gardes dans un poste de garde inconfortable, impersonnel, loin des siens, fatiguant, avec des patients peu motivant qui n'ont jamais entendu parler de vous, indifférence, etc ... je crois que peu de médecin me contrediront sur ce point.
Mais je ne crois pas attirer autant d'approbation si je vous dis que, si nous ne devons pas effectuer de gardes par goût, il le faut au moins par Devoir. Il n'y a que nous, généralistes, qui pouvons remplir ce rôle correctement. Je n'ai pas peur de dire que les gardistes détériorent notre image de marque de généraliste. Ils sont complètement démotivés ou motivés par une seule chose, l'argent qu'ils gagnent à bon compte car, si le cas est un peu tordu, direction urgences, sinon Paracétamol. A ce compte, pourquoi ne pas faire faire nos gardes par des pharmaciens ?
Par contre, j'aime encore bien les gardes de semaine, effectuées à mon domicile, une fois par mois. Les temps ont changé. Avant, pas question de refuser une visite pour un enfant qui chauffait à 37.5 ! Maintenant, nous pouvons sans problème exercer nous même un tri de qualité, c'est accepté, les gens sont déjà rassurés d'avoir une analyse cohérente de la situation faite par un médecin qu'ils connaissent puisque ces gardes de semaine sont encore locales chez nous. Nous pouvons faire venir les patients si c'est nécessaire et dans de très rares cas, nous déplacer et éviter que les patients n'aillent encombrer les urgences.
Ayant dépassé l'âge de 65 ans, j'ai abandonné les gardes de WE au poste de garde. Si nous revenions au modèle d'avant les postes, je pourrais rempiler si nous avons la possibilité de soigner par téléphone et de refuser des visites. La garde redeviendrait, si pas attractive, du moins très convenable. Je ne sais plus qui a dit "La voie du Devoir est toujours la plus difficile". J'ai bien conscience que le Devoir n'est plus très à la mode, même carrément ringard. A mes yeux, il est pourtant une valeur sûre, un mode de fonctionnement, une référence, un pilier.