Les indicateurs de déviation manifeste des bonnes pratiques médicales relatifs à la prescription d’antibiotiques du feedback individuel présentent un biais de sélection. (1) Pourquoi le CNPQ n’a-t-il pas choisi la définition du « patient attribué » utilisée dans le feedback de prescription d’antibiotiques des dentistes pour l’année 2019 ? (3)
La cohorte étudiée est définie comme étant « le nombre de patients avec une prescription d’une spécialité pharmaceutique remboursée » (2). Ce choix exclut d'office un très grand nombre de patients auxquels aucun antibiotique n’a été prescrit. En effet, de nombreux patients ne souffrent d’aucune affection chronique. Ils ne prennent donc aucun médicament remboursé. Ce n’est qu'en présence d’un problème de santé aigu qu’ils consultent leur médecin. Si celui-ci respecte les recommandations de bonne pratique, il ne prescrit que rarement des antibiotiques en présence d’une infection bénigne. Il se limite aux traitements symptomatiques. Ceux-ci n'étant pas remboursés, ce médecin voit son profil de prescription d’antibiotiques artificiellement augmenté. L’indicateur 1 du feedback est faussé.
En présence d’une suspicion d'infection grave le médecin préfère souvent prescrire d’emblée de l’acide clavulanique. Le médecin qui ne prescrit des antibiotiques qu’en présence d’une infection grave voit son pourcentage de prescription d’acide clavulanique erronément augmenté. A l’inverse, le médecin qui prescrit souvent de l'amoxicilline aux patients atteints d’une infection bénigne et réserve l’acide clavulanique aux infections graves voit son profil faussement diminuer. Les indicateurs 2 et 3 du feedback sont eux aussi faussés.
Pourquoi le CNPQ n’a-t-il pas choisi la définition du « patient attribué » utilisée dans le feedback de prescription d’antibiotiques des dentistes pour l’année 2019 (3)? Un « patient attribué » y est défini comme « un patient auquel vous avez attesté au moins une prestation au cours de l’année 2019 » Pour le feedback des médecins, le CNPQ explique que « l’approche choisie permet de traiter l’ensemble des médecins généralistes de manière uniforme, là où l’approche via une patientèle attribuée sur base des consultations et visites portées en compte aboutirait à un traitement différencié des médecins généralistes travaillant en maison médicale. ». (4)
L’objectif de ce feedback est de diminuer la prescription injustifiée d’antibiotiques et en particulier d’antibiotiques de seconde ligne. En matière de santé publique, la comparaison entre les médecins honorés à l’acte et ceux rémunérés au forfait est-elle plus importante qu'un biais de sélection dans l’étude qui en fausse les résultats ?
Lire aussi: Une amende pour les généralistes qui prescrivent trop d'antibiotiques ?
Derniers commentaires
Philippe VAN VLAENDEREN
14 juillet 2024Cher Confrère, ce que vous écrivez là est évident! Manifestement les services de l'Inami ne sont pas très fort en interprétation des statistiques. Mais ils ne sont pas très fort non plus pour réaliser leurs statistiques. Pour preuve, je cite mon cas. Je suis pensionné depuis plus de 5 ans, mais soigne encore quelques uns de mes proches. Parmi eux aucun enfant de 14 ans ou moins. Or je reçois dans le premier tableau, effectivement aucun cas de prescription d'antibiotique pour des enfants en 2019, 2020, 2022 et 2023, mais 100% de prescription pour antibiotique chez des enfants en 2021!!! Absurde, risible, car je le répète, je n'ai réalisé aucune prescription pour enfants durant ces 5 dernières années. J'ai relevé une autre faute aussi absurde dans les relevés pour les plus de 15 ans. Bref, ce que vous développez et ce que je peux témoigner, démontre que ce feedbackj n' aucune valeur.
Bon courage et bien confraternellement.
Dr. Philippe Van Vlaenderen.
Jean-Claude HARIGA
12 juillet 2024Je ne prescris quasi jamais d’amixyclav.Par contre les patients sortant des urgences et des hôpitaux en reçoivent plus souvent….et on trouve que j’en prescris trop!! De plus le retentissement médiatique avec l’annonce que ces vilains médecins devraient rembourser leur attitude irresponsable n’est pas sans impact sur la population.
Igne PARMENTIER
12 juillet 2024Très bonne analyse !
Cette approche de la prescription d'antibiotique est complètement farfelue !
En discutant avec des confrères , on réalise que même des médecins qui ne prescrivent quasi pas d'antibiotique se trouvent dans le rouge .En fait , il s'agit juste d'effrayer les médecins et de leur dire : " Attention, nous vous surveillons et nous allons sévir" Cela me rappelle une certaine époque où un budget "amendes médecins" avait été prévu ,sous forme de rentrée , dans le bilan .