Automédication « accompagnée » : une résolution en chantier consoliderait le rôle du pharmacien

Trois députés PS - Laurence Zanchetta, Hervé Rigot et Patrick Prévot - ont soumis à l'hémicycle une proposition de résolution sur l'automédication « accompagnée ». Ils soulignent que l’usage de médicaments et d'autres produits de santé non soumis à prescription et sans les conseils d'un généraliste ou d'un spécialiste est devenue monnaie courante. D’après eux, cette évolution nécessite un encadrement bien pensé. Ils prônent de consolider le rôle du pharmacien dans la bonne gestion de l’automédication.

Les auteurs de la proposition , qui se réfèrent à une enquête Solidaris, rappellent que l’automédication inappropriée conduit chaque année des dizaines de milliers de personnes à l'hôpital, avec des répercussions sur leur santé bien sûr, mais aussi leurs finances et celles de la collectivité. Cette pratique induit aussi des retards de diagnostic et de traitement adapté, d’où complications, d’où surcoût évitable, et intérêt d’une forme de guidance des consommateurs par des professionnels.

Les pharmaciens les mieux placés

Les trois élus désignent les pharmaciens comme partenaires proches et réguliers des patients. Ils leur semblent être les professionnels de santé les mieux placés et les mieux formés pour accompagner l'automédication. Y compris envoyer le patient vers un médecin quand cela semble le plus souhaitable. Ils ajoutent qu’ils ont accès au dossier pharmaceutique partagé (DPP) du patient et peuvent également s'assurer que celui-ci ne fait pas de "pharma-shopping". Evoquant l'exemple de la France, où un pharmacien peut fournir davantage de conseils sur l’usage des médicaments à base de paracétamol ainsi que sur certains AINS, ils aspirent à ce que les produits OTC ne soient plus présentés en accès libre dans les rayons des pharmacies.

Cette consolidation du rôle du pharmacien leur paraît d’autant plus nécessaire que le web regorge d’infos et de pharmacies en ligne, et que les pharmacies « grandes surfaces » ont tendance à traiter les médicaments et/ou produits de santé comme des marchandises ordinaires - voire à tromper le public avec des publicités donnant l'impression que prendre ces produits, c’est inoffensif.

Améliorer la littératie en santé

La résolution proposée demande au gouvernement fédéral de fournir à tous, patients comme prestataires, l'accès à des informations objectives, correctes, complètes et transparentes afin de garantir le bon usage des médicaments - y compris ceux en vente libre. Les auteurs songent à des campagnes d'information de la population, e.a. sur le rôle important des pharmaciens.

Autre demande : que l'on veille à ce que certaines tendances internationales de libéralisation de la distribution des médicaments ne portent pas atteinte à leur distribution exclusive en Belgique par des professionnels de santé, et ce en maintenant la distribution de médicaments - avec ou sans ordonnance - dans le circuit des pharmacies de détail.

Dans le même temps, la distribution en ligne de médicaments doit être réglementée :

- en exigeant que le patient ait un entretien avec le pharmacien avant que sa commande ne soit approuvée ;

- en réduisant la taille des conditionnements qui peuvent être achetés sur le web

- en durcissant les règles sur la publicité de certains médicaments avec effets secondaires potentiels importants, comme certains analgésiques ou pommades antibiotiques.

A leurs yeux, les médicaments devraient être sortis du champ d’application de la directive européenne sur le service numérique, la Digital Services Act, ce qui signifierait que la réglementation du pays de destination continuerait à s'appliquer à cette vente en ligne.

Schéma de médication

La résolution appelle aussi à la mise en œuvre du schéma de médication partagé des médicaments par le biais du projet inamien Vidis, qui permettra d’éviter polymédication et surconsommation, e.a. lorsque le patient consulte simultanément plusieurs médecins et « s'automédicamente » en même temps. Elle demande que les prestataires soient clairement informés de l'existence et de l'utilité de cet outil digital partagé.

Le trio de députés estime que plusieurs mesures doivent être prises par les autorités, en concertation avec les représentants des pharmaciens, pour garantir la qualité des soins pharmaceutiques de base. L’une d’entre elles est de promouvoir l'ancrage local de ces soins, favorisant un véritable échange avec le patient et le prescripteur. Une autre, d’améliorer la qualité des services pharmaceutiques en mettant en place des processus de qualité. Mais aussi, de veiller à ce que la taille des conditionnements OTC corresponde à des durées de traitement raisonnables.

Enfin, selon eux, il est important de s’assurer que les médicaments prescrits et non prescrits soient bien enregistrés dans le DPP du patient, pour améliorer la qualité des soins et prévenir la surconsommation. Et comme tout le monde n’est pas au courant de ce qu’est le DPP, une étape préalable sera de sensibiliser les pharmaciens à la nécessité d'informer à ce sujet, de même qu’à propos du schéma thérapeutique partagé (Vidis). Cette information devra inclure des explications claires sur le consentement éclairé au partage électronique de données de santé (nécessaire pour le DPP) et ses implications.

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