Le développement de l'e-santé amène à considérer le bénéfice de l'intégration des actes de télémédecine, dont la téléconsultation, dans le système belge des soins de santé. Cela suscite des questions portant notamment sur la qualité des soins, le bien-être des patients, les critères technologiques et fonctionnels, le cadre juridique, la rémunération des prestataires, le remboursement des soins et les règles de bonne conduite(1).
L'Ordre des médecins est régulièrement interrogé concernant les recommandations déontologiques qui doivent guider la téléconsultation.
La téléconsultation médicale est communément définie comme la consultation réalisée de manière simultanée, au moyen de technologies de l'information et de la communication (T.I.C.), entre un patient et un médecin qui sont à des endroits différents. Elle fait partie de la télémédecine qui intègre diverses pratiques en cours de développement dont la télésurveillance, la téléassistance, la téléexpertise et le télémonitoring(2).
Le présent avis porte sur la téléconsultation en vue de poser un diagnostic et de proposer un traitement.
1. La téléconsultation est une forme d'exercice de la médecine. Elle est de ce fait soumise aux règles éthiques, légales et déontologiques propres à l'exercice de l'art médical.
Le recours à la consultation médicale à distance est légitime à condition d'être motivé par l'amélioration du bien-être et de la prise en charge du patient. Son organisation dans un contexte défini doit être précédée d'une analyse des risques et des bénéfices pour les patients.
2. La téléconsultation ne peut résulter d'une démarche commerciale davantage axée sur le profit que sur la qualité des soins, l'intérêt du patient et la santé publique(3). Le confort du patient et son bien-être auquel peut contribuer le recours à la télémédecine s'apprécient au regard du bénéfice pour sa santé, et non sur la base de critères de nature purement consumériste.
3. La technologie ne peut faire oublier les valeurs humanistes de la profession médicale. La relation de soin est par essence une relation interpersonnelle fondée sur le respect de la dignité et de l'autonomie du patient. Le secret médical, la protection de la vie privée et les droits du patient, dont le libre choix du médecin et le consentement à la téléconsultation, doivent être garantis.
4. La pratique de la téléconsultation doit reposer sur un raisonnement médical adapté à la consultation à distance et fondé sur des protocoles validés scientifiquement.
Dans ses avis antérieurs(4), le Conseil national a insisté sur la nécessité d'un contact physique avec le patient pour établir un diagnostic. Poser un diagnostic est l'aboutissement d'une démarche hypothético-déductive(5-6). Le médecin cherche l'explication de la plainte du patient en recueillant des symptômes lors de l'anamnèse et des signes cliniques lors de l'examen physique. L'hypothèse de diagnostic du médecin pourra être confirmée par des examens complémentaires. Ce mode de raisonnement doit être privilégié, en particulier en cas de situation médicale complexe.
Il est néanmoins des situations où la plainte permet d'emblée d'évoquer un diagnostic de probabilité (« spot diagnosis/raisonnement expert ») et de proposer une solution thérapeutique. Ces démarches rapides sont adaptées en présence d'un tableau clinique paradigmatique d'une pathologie fréquente. Cette approche comporte toutefois des risques.
La médecine de catastrophe et la médecine d'urgence, où la rapidité de la démarche s'impose, ont conduit à développer un autre mode de raisonnement : le médecin apprend à reconnaître d'emblée les signes de gravité (« red flags », « signes d'alerte »(7)). Le médecin normalement prudent et diligent ne peut méconnaître ces signes de gravité(8). Ce type de raisonnement médical est appliqué dans le « triage », notamment des appels téléphoniques urgents.
La téléconsultation doit reposer sur un raisonnement médical adapté à la consultation à distance et validé scientifiquement, auquel le professionnel doit avoir été formé, pour prévenir les risques inhérents à ce type de pratique.
Le médecin doit également être correctement préparé à la gestion de la téléconsultation(9).
5. Les T.I.C. utilisées et le support logistique doivent être appropriés à la finalité poursuivie, aux spécificités du contexte et aux utilisateurs (pathologie, image, appareils de mesure connectés, présence d'un professionnel de la santé auprès du patient, etc.).
Les aptitudes du médecin et du patient à utiliser l'outil technologique et les aptitudes du patient sur le plan de la communication (audition, maîtrise de la langue, compréhension du vocabulaire médical et anatomique, auto-examen physique, stress, etc.) sont à prendre en considération.
L'efficience et la pertinence de l'outil requièrent une concertation préalable entre les concepteurs et les utilisateurs. Une évaluation régulière est indispensable.
Le médecin garde son indépendance professionnelle. Il renonce à une téléconsultation s'il la juge inopportune, quelle qu'en soit la raison. Il a conscience des limites de ce type d'acte et maîtrise les signes qui justifient le renvoi immédiat du patient vers une consultation en présence d'un médecin.
6. Le médecin vérifie que l'usage qu'il fait de la téléconsultation dans le cadre de sa pratique est couvert par son assurance en responsabilité professionnelle.
Le médecin utilise un matériel adapté, qui offre des garanties de qualité et de sécurité sur les plans technique et fonctionnel. L'utilisation d'applications mobiles dotées du marquage CE et d'une police de confidentialité qui garantit le respect du Règlement général sur la protection des données (RGPD) est fortement recommandé.
Des normes obligatoires de qualité, de sécurité et de fiabilité associées à des marquages, des certifications et des labellisations sont indispensables. L'information des professionnels de la santé par les autorités publiques quant aux marquages et labels de référence doit être optimalisée.
7. Le potentiel de la télémédecine offre de nombreuses perspectives positives en tant qu'outil complémentaire dans le cadre d'un parcours de soins pour en améliorer la qualité.
8. La consultation en présence du médecin et du patient demeure la meilleure pratique.
Une consultation à distance, si elle apparaît facile d'utilisation, n'a pas la précision d'une consultation en présence du patient et du médecin et n'offre dès lors pas la même sécurité sur le plan du diagnostic et de la prescription médicamenteuse.
La téléconsultation doit être justifiée par une situation particulière qui entraîne dans le chef du patient un avantage à substituer la téléconsultation à la consultation en face à face.
L'accès à un médecin étant généralement aisé en Belgique, les situations où la téléconsultation médicale est justifiée par une difficulté d'accès aux soins sont limitées.
Il convient de s'enquérir de la motivation du patient à recourir à la téléconsultation, afin de s'assurer que la téléconsultation est effectivement une réponse adéquate à ses attentes. Le médecin a le devoir d'informer le patient des limites de la télémédecine.
Du point de vue de la qualité et de la sécurité des soins, la téléconsultation qui a pour objet de poser un diagnostic, un pronostic et de proposer une thérapeutique nécessite que le médecin a) connaisse le patient, b) ait accès aux informations médicales le concernant (dossier médical) et c) soit en mesure d'assurer la continuité des soins.
Il faut évidemment que la prise en charge de la pathologie soit compatible avec une téléconsultation (maladie chronique, etc.).
En conclusion, le Conseil national n'a pas d'objection à l'intégration de la téléconsultation dans le système des soins de santé moyennant un cadre scientifique et juridique et des protocoles validés, qui tiennent compte des aspects précités.
Derniers commentaires
Jean-Luc GALLEZ
15 octobre 2019Excellente nouvelle !