Les derniers chiffres disponibles sur la consommation d'antibiotiques en Belgique indiquent où notre pays se situe tant dans l’usage humain que vétérinaire, au moins jusqu'en 2017. Ils servent de base à un nouveau plan d'action pluriannuel, qui sera dévoilé fin novembre. Après tout, le coût annuel de la résistance aux antimicrobiens est estimé à 24 millions d'euros pour notre pays - mais cumulativement, il pourrait s'élever à 787 millions en 2050. Pour l'Europe, nous en sommes maintenant à 1,1 milliard par an.
En ce qui concerne les antibiotiques à usage humain en ambulatoire, la Belgique occupe toujours une 20ème place peu flatteuse dans l'UE-28, selon une enquête réalisée par Esac-Net (Centre européen pour la prévention et le contrôle des maladies). Nous nous classons entre Malte et l'Irlande avec 21,1 DDD pour 1.000 habitants par jour. Le trio de tête se compose de l'Estonie, des Pays-Bas (8,9 DDD) et de la Slovénie. Toujours selon Esac-Net, le nombre de DDD pour 1.000 habitants par jour a diminué sur la décennie écoulée, mais pas aussi rapidement et sensiblement que prévu (cf. graphique 1).
Voyons à présent ce qu’il en est dans la sphère hospitalière. La Belgique s’en tire un peu mieux et se place dans le gros du peloton (9ème sur 23 pays, avec 1,62 DDD). L'aperçu ne couvre ici que l'Espace économique européen, et encore, sans disposer des données de l'Autriche, la République tchèque et l'Islande. Les Pays-Bas tiennent la corde (0,83 DDD). La consommation avait considérablement reculé chez nous en 2007-2008, mais on n’a plus enregistré de bénéfice sensible sur les 10 dernières années.
Du côté des animaux
La médecine vétérinaire fait-elle mieux ? Après tout, le secteur a longtemps été le pire élève de la classe… Apparemment, il a eu un sursaut. Dans le rapport Esvac 2016, par exemple, la Belgique arrive 7ème sur une liste de 30 pays européens. Un graphique évolutif couvrant la période 2007-2017 montre une baisse structurelle (rapport Bel/Vet-SAC 2017) de l'utilisation, exprimée en tonnes de substance active : on descend de plus de 350 à environ 225.
Constat agréable : tous les objectifs sont en vue, voire ont été atteints plus tôt que prévu. C’est ainsi que le Plan Amcra (Anti-microbial Consumption and Resistance in Animals) visait principalement à réduire de 50% l’usage général des antibiotiques d'ici 2020. C'est très serré : en 2018, on relevait une baisse de 35,4%, mais il restait encore 2 ans. Le deuxième objectif, une réduction de 75% de l’emploi d'antibiotiques hyperimportants/critiques d'ici 2020, a été atteint deux ans avant l'échéance : en 2018, il avait déjà diminué de 79,1%. Enfin, les antibiotiques en additifs dans l’alimentation animale ont chuté de façon spectaculaire. L'objectif des - 50% a été atteint en 2017 déjà et, l’an passé, on est descendu jusqu’à - 69,80%.
Mortalité annuelle en Europe : 100 avions de taille moyenne
Il y a donc encore du chemin à parcourir en médecine humaine, semble-t-il. Avec à l'esprit la philosophie transsectorielle " OneWorld-OneHealth " (1), un groupe de travail composé de l’Inami, de Sciensano/SPF Santé publique et de l'AFMPS phosphore sur une stratégie qui se base en partie sur ce qui a été obtenu en médecine vétérinaire. On peut s’attendre prochainement à des objectifs clairs et à un plan d'action pour une utilisation raisonnée, avec des propositions émanant de tous les protagonistes. Jusqu'à présent, c'était loin d'être le cas.
Les propositions devraient être publiées fin novembre. Ce n’est pas trop tôt quand on songe qu'en Belgique, environ 530 décès chaque année sont dus à la résistance aux antibiotiques.
A l’échelle planétaire, ce sont annuellement + /- 700.000 personnes qui décèdent d'infections causées par des germes résistants. Faute d'action, on estime que ces derniers tueront 10 millions de personnes par an d'ici 2050 - plus que le cancer ! (O'Neill, 2014). Enfin, au niveau de l’Europe, 33.000 décès annuels sont imputables au même phénomène. Cela équivaut au total des passagers de plus de 100 avions de taille moyenne ! (OCDE, 2019)
(1) l’approche “OneHealth” garantit que les secteurs de la santé humaine, animale et environnementale travaillent ensemble pour contrôler la résistance aux antimicrobiens
(2) Remerciements à Martine Delanoy (Sciensano).