Face à l’omniprésence des écrans dans la vie des enfants, de multiples études ont prouvé les effets néfastes de leur usage abusif ou trop précoce. Quels sont les signes cliniques d’une surexposition? Existe-t-il des recommandations scientifiques claires en ce qui concerne leur mésusage? Et quel pourrait être le rôle du généraliste?
Chez les enfants de moins de 3 ans, les écrans perturbent la construction de la représentation du «soi» et retardent l’acquisition du langage. L’impact néfaste des écrans vient directement du fait qu’ils détournent l’enfant de l’usage de ses 5 sens et l’éloignent d’une conscience de son propre corps, ce qui perturbe son rapport à lui-même et aux autres. Cliniquement, ils peuvent développer des symptômes faisant penser à un trouble du comportement tel que de l’agressivité, de l’agitation, de l’impatience, un regard fuyant, des troubles du sommeil ou un retard de langage. La campagne préventive yapaka: «Grandir avec les écrans: la règle 3-6-9-12» donne des repères qui peuvent aider parents et professionnels à adapter la consommation des écrans à l’âge de l’enfant.
En voici un résumé:
• pas d’écran avant 3 ans: l’enfant a besoin de construire ses repères spatio-temporels en interagissant avec l’environnement et ceci en développant ses sens à travers des histoires qu’on lui raconte et des livres qu’il feuillette;
• pas de console de jeu avant 6 ans: évitez télévision et ordinateur dans la chambre, fixez des horaires clairs pour le temps d’écrans;
• pas d’internet seul avant 9 ans;
• pas de réseau social avant 12 ans;
• après 12 ans, évitez une connexion illimitée nocturne depuis sa chambre, discutez des dangers et refusez d’être son ami sur Facebook.
La prévention, le repérage et la prise en charge de l’usage abusif des écrans et de ses conséquences chez l’enfant relèvent pourtant du champ d’intervention de toutes les disciplines de soins. L’anamnèse reste l’outil de prédilection du soignant. Quelques questions peuvent être posées aux parents tout en veillant à ne pas les culpabiliser: «Laissez-vous la télévision allumée? Laissez-vous votre téléphone dans les mains de votre enfant? Est-ce un combat pour le lui reprendre? Pendant les repas, autorisez-vous les écrans? Connaissez-vous les effets des écrans sur les enfants? Voulez-vous entendre mon avis de soignant?» L’objectif se rapprocherait du concept «d’intervention brève», bien connu en addictologie dont le but sera de dépister, de déculpabiliser et d’informer les parents qu’un enfant ne s’arrête pas tout seul de regarder un écran. Idéalement, un item «écran» devrait être créé dans le dossier médical informatisé. En cas de trouble du comportement, proposer une exclusion de tout type d’écran pendant 1 mois avant une consultation de suivi pourrait être une première proposition de prise en charge. Un accompagnement par un pédopsychiatre ou un psychologue est également à envisager dans certaines situations.