Face à la pénurie de généralistes en milieu rural, l’Université de Namur met l'accent sur l'importance stratégique des maîtres de stage ruraux. Entre aides financières significatives et initiatives de formation, découvrez les efforts déployés pour attirer et former les futurs médecins dans les régions les moins desservies.
La semaine passée, une partie de l’équipe de l’Université de Namur de médecine générale s'est déplacée à Habay pour une formation de maître de stage. « Plus de 40 confrères étaient présents et enthousiastes afin de partager leur expérience en termes de supervision et d’accompagnement. C’était la seconde fois que nous réalisions cette expérience », explique le Dr Dominique Henrion, médecin généraliste, enseignant et coordinateur master de spécialisation en médecine générale à l'UNamur et chercheur sur la pénurie de généralistes en ruralité.
La thématique d'ouverture s'intitulait "La fin du narcissisme urbain : maîtres de stage ruraux, et si on parlait de nous ?" À cela s’est ajouté deux exposés de jeunes confrères : Simon Guisset, « sur l'accompagnement des patients palliatifs par le binôme Maître de stage-assistant ! » et Simon Absil sur les « supervisions cliniques et pédagogiques ».
Les défis sur le terrain
Ce type de rencontre est essentiel pour mieux prendre en compte les spécificités rurales : « Aujourd’hui, le savoir en médecine est enseigné dans des universités qui se trouvent en ville. À l’Université de Namur, nous accordons une grande importance au savoir applicable en milieu rural. Quand on y soigne, on acquiert des compétences distinctes comme un recours moins important à la seconde ligne de soins ou aux examens paracliniques et parfois des recours à l’échographie ou la dermatoscopie. Le médecin doit aussi prodiguer des soins à une population qui varie très fortement avec les zones touristiques, les agriculteurs et leurs accidents de travail spécifiques. L’intensité de la relation médecin-patient est aussi plus forte. »
Le Dr Dominique Henrion martèle un message important : « Ces maîtres de stage ruraux ne doivent pas avoir peur de dire qu’ils sont bons et attractifs. Nous devons déconstruire certaines idées des étudiants : on ne travaille pas jour et nuit, ils ne vont pas devoir travailler dans des zones où il y a de la neige 6 mois par an, la garde est mieux organisée qu’auparavant... »
L’importance des maîtres de stage
Pour améliorer la répartition des assistants, il faut des maîtres de stage dans les milieux ruraux. « Réaliser des stages en milieu rural est intéressant pour les futurs généralistes et cela permet d’augmenter les chances de futures installations. La réponse à la pénurie de généralistes en milieu rural doit être multifactorielle et concertée. » À titre d’exemple, dans une étude de 2018, 80 % des médecins exerçant en milieu rural n’avaient jamais reçu de formation en milieu rural. Pourtant, les stages en zone rurale permettent d’augmenter les installations dans ces zones : « À ce niveau, les chiffres sont intéressants : 48 % qui ont passé la moitié de leur stage en milieu rural étaient toujours installés 6 à 10 ans plus tard en milieu rural. 20 % des généralistes qui ont bénéficié de stages (entre 0 et 50 % de leurs stages) en milieu rural sont installés en zone rurale. 12 % des généralistes sans aucune exposition s’installent en zones rurales. »
L’Université de Namur travaille à différents niveaux : Certificat Inter-Universitaire d’enseignement et de pédagogie par la simulation en santé, projet de certificats de planning familial, Observatoire Universitaire en médecine rurale, enseignement du master de spécialisation : « La première année, une cohorte de 27 étudiants a été répartie sur tout le territoire. Sans oublier les formations de maîtres de stage : des formations initiales sont données pour Maître de stage-généraliste en collaboration avec le CCFFMG (en distanciel) et également dans nos locaux. Nous essayons également d’intégrer le stage de BAC3 dans cette dynamique et cela répond à une demande : l’année dernière, à la question : 'Êtes-vous favorables à un stage en zone rurale ?', 90 % des étudiants de BAC3 y étaient favorables. »
À ce stade, une première estimation du nombre d’assistants est en cours : « Nous devions avoir 30 assistants en médecine générale en plus sur le territoire francophone. »
Une aide financière
Enfin, il est important de noter qu’un effort supplémentaire de l’INAMI et du CCFFMG a été réalisé pour les frais de déplacement pour l’année académique 2025-2026 : Les assistants qui prestent en zone de ruralité reçoivent 100 € supplémentaires par mois de frais de déplacement, soit 303 € au lieu de 203 €. Les zones de pénurie sont déterminées par la localisation de la pratique du Maître de stage.
À cela s’ajoute des primes exceptionnelles (2025-2026) : les assistants qui prestent en zone ou quartier en pénurie reçoivent 1000 € supplémentaires en novembre 2025 et 1000 € supplémentaires en mai 2026; les assistants qui prestent en zone ou quartier en pénurie sévère reçoivent 2000 € supplémentaires en novembre 2025 et 2000 € supplémentaires en mai 2026.
Pour la Wallonie, les zones en pénurie (sévère) sont déterminées à partir des données de l’AVIQ. Pour Bruxelles, les quartiers en pénurie (sévère) sont déterminés à partir des données de l’Observatoire bruxellois de la santé.