Offre et besoins de MG à Bruxelles: une étude de trois ans expliquée par les chercheurs

Deux chercheurs de l’Observatoire bruxellois de la Santé et du Social (Vivalis) viennent de terminer une étude sur l’accessibilité aux soins en Région de Bruxelles-Capitale. Cet outil indispensable à une planification pertinente a demandé trois années de mise au point. On est très loin du calcul un peu simpliste qui consiste à diviser le nombre d’habitants par le nombre de médecins. Explications des chercheurs.

« Au cours de la législature précédente », disent d’emblée Sarah Missinne et Jonathan Unger, « le monde politique nous avait demandé d'actualiser une étude détaillée sur l'offre en médecine générale et les besoins en soins de première ligne de la population bruxelloise ». Tous deux sont chercheurs au sein de l’Observatoire bruxellois de la Santé. La première est sociologue de formation, le second est géographe, ce qui fait de leur duo une équipe particulièrement compétente pour aborder une telle problématique.

Il leur a fallu pas moins de trois ans : préparation, échanges préliminaires avec les cercles médicaux, enquête proprement dite (online), relance avec l’aide des cercles, contacts avec l’administration, recueil des données, « nettoyage » pour recouper et compléter les informations, mise en forme des résultats… 

Une méthodologie inspirée du modèle français

L’étude qu’ils ont menée est de la fine dentelle. Par rapport aux données de 2018, les deux chercheurs ont amené au moins deux améliorations importantes : une méthodologie rigoureuse et surtout très approfondie, inspirée de ce qui se fait en France pour le suivi de ce que nos voisins appellent l’APL (Accessibilité Potentielle Localisée), ainsi que la prise en compte de la charge réelle de travail déclarée par les médecins généralistes. Tout cela sans compter la richesse des informations recueillies : âge du médecin, langue des populations, précarité des personnes… « Nous avons aussi pris comme repère de normalité le nombre moyen de consultations annuelles réalisées par un citoyen bruxellois selon l’Agence Intermutualités (AIM) : 3,9. C’est un chiffre théorique », reconnaît Sarah Missinne, « mais il nous fallait un point de repère, même si dans la réalité de terrain, il peut y avoir d’importantes variations du nombre de contacts en fonction du profil social-santé des personnes ». Et Jonathan Unger ajoute qu’il a été tenu compte pour chaque profil de population des besoins qui lui sont spécifiques.

Une patientèle élargie au-delà des habitants officiels

« Il faut aussi savoir », expliquent les deux chercheurs, « que le médecin bruxellois doit faire face aux demandes de personnes qui ne sont pas des résidents officiels de la Région mais qui y vivent : il y a les sans-papiers, les étudiants koteurs, les internationaux de passage. Mais les médecins accueillent aussi dans leurs cabinets des habitants du reste de la Belgique (principalement des deux Brabant)… Nous avons pu calculer que la part d’activité consacrée à ces patients non bruxellois représente 18 % de l’activité totale du généraliste à Bruxelles. Le généraliste en Région bruxelloise n’est donc pas disponible à 100 % pour les habitants permanents officiels. »

Une activité morcelée et administrative

Dans leur évaluation, les deux chercheurs ont également tenu compte du fait que le médecin n'est pas disponible à temps plein pour les contacts "classiques" (consultations et visites à domicile), car certains médecins ont des activités non classiques telles que prestations pour l’ONE ou les constats divers. Il y a aussi les tâches administratives, qui représentent 20 à 30 % du temps d’activité. Les stagiaires, eux, ont été considérés sur le même pied que les médecins installés car ils ont une activité réelle à côté de leur maître de stage et, s’ils ne restent qu’un temps, ils sont remplacés.

Des limites méthodologiques assumées

Des limites à l’étude ? « Oui, il y en a », avouent Sarah Missinne et Jonathan Unger. « C’est inévitable et inhérent à toute étude scientifique. Par exemple, le nombre annuel de contacts pris comme référence (3,9/an/pers.) est relativement théorique. Il correspond à la consommation actuelle mais cela peut changer ou ne pas correspondre à ce qui serait réellement nécessaire, par exemple si les Bruxellois reportent des soins. Autre contrainte imposée à l’étude : le choix d’un périmètre de 600 mètres, qui correspond à une vision normative de la ville, celle d'une ville où les services de base (dont la médecine générale) sont accessibles à 10 minutes à pied pour tout un chacun. Mais il fallait préciser une méthodologie et c’est ce que nous avons fait, en tenant compte de la réalité. »

Vers un accès élargi aux données ?

Quelle suite peut-on envisager pour cette étude ? « Nous aimerions pouvoir avoir accès à plus de données administratives… Ce serait utile d’avoir une idée plus précise, médecin par médecin, sur le nombre de contacts/patients qu’il a. Cela nous permettrait de nous rapprocher plus encore de la réalité telle qu’elle est dans le temps et dans l’espace, en pouvant faire l'impasse sur la réalisation de grandes enquêtes auprès des professionnels, comme nous avons fait cette fois-ci. Mais cela pose des problèmes de protection des données et nous avons demandé avis auprès de la commission compétente. Nous verrons ce que l’avenir nous permettra de faire », concluent nos deux chercheurs.

> Consulter l'intégralité de l'étude ou la synthèse

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