Les syndicats de médecins réagissent aux résultats de notre enquête sur la téléconsultation. Tandis que le GBO plaide pour une revalorisation de la phono-consultation et un élargissement des avis téléphoniques, l’ABSyM reste prudent et souligne la nécessité d’un financement pérenne.
Nous avons demandé aux syndicats de médecins comment ils interprétaient les résultats de notre enquête. Le GBO plaide pour une revalorisation de la phono-consultation et un élargissement de l'avis. Par la voix de sa vice-présidente, le Dr Anne Gillet, il se dit conforté par les résultats de cette enquête dans sa ligne de défense des phono-consultations. Il plaide : « Bien sûr, » nous dit-elle, « elles ne doivent pas être considérées comme des consultations remplaçant des contacts en présentiel. Leur financement honore enfin tout ce travail que les médecins ont, pendant de trop longues années, accepté de faire gratuitement. »
Pour Anne Gillet, cette enquête révèle que le champ des contacts téléphoniques s'est élargi : gestion d'un problème à évaluer rapidement ou suite à une incapacité de se déplacer, réduction des déplacements inutiles tant au niveau du stress occasionné que de l'écologie, certains suivis chroniques, gestion des flux en garde, renouvellement de prescriptions, etc.
Distinction entre avis téléphonique et phono-consultation
« Mais il faut distinguer deux principes, » ajoute-t-elle. « L'avis téléphonique actuellement en vigueur pour la rédaction de documents ou de prescriptions doit être maintenu et élargi aux conseils courts, à la communication des résultats bénins ou normaux, et revalorisé. La phono-consultation doit être équivalente à une consultation vidéo ou à une consultation physique, à condition que certains critères soient remplis (par exemple, les critères SOAP - SOAP, S=subjectif, O=objectif, A=appréciation, P=planning), même si elle ne permet pas d’examen physique. Nous estimons que ces vraies consultations doivent être honorées à hauteur du travail effectué. Les 10 euros d'avant le 15 février ne sont pas un tarif suffisant. Un honoraire correct pour un généraliste doit se situer vers 100 €/heure. »
Une cohérence avec le parcours de soins du patient
Pour le GBO, une phono-consultation doit s’inscrire dans une cohérence de parcours de soin du patient, avec une certaine alternance avec les consultations en présentiel. Le patient doit donc être connu par le médecin, sauf en garde bien entendu. Une relation thérapeutique préalable doit être obligatoire. Il n'est pas strictement nécessaire de devoir gérer le DMG du patient. Certains médecins exercent des spécialités internes à la médecine générale sans gérer le DMG du patient (planning familial, prise en charge de la toxicomanie ou du Covid long...) et doivent pouvoir répondre par téléphone à ces patients concernant ces sujets et être honorés pour cela.
Des précautions à prendre dans l'utilisation des phono-consultations
Il faut encoder les éléments du contact. Il faut aussi veiller à la sécurité des patients : s'il peut être logique de transmettre des résultats simples à distance, il peut être délicat, si ce n’est traumatisant pour le patient, d'annoncer un résultat difficile par téléphone (biopsie pathologique, test HIV positif...). Une limitation du nombre de phono-consultations par médecin est acceptable, mais pas par patient. Certains patients ont recours à la phono-consultation, d'autres pas. La consommation des uns compense celle des autres.
Lors de la réunion au cabinet de ce 4/03/25, le ministre a montré la volonté de rétablir la phono-consultation pour le 1/05/25, avec une source de financement supplémentaire, ce que nous apprécions.
L'ABSyM préfère attendre pour juger les effets de la suppression
Le Dr Luc Herry (ABSyM), farouche défenseur de la phono-consultation pour les généralistes, reste prudent face aux résultats de l’enquête. « Voici à peine deux semaines qu’on a suspendu le remboursement des phono-consultations. Les confrères n’ont sans doute pas encore eu le temps de prendre la pleine mesure de la situation. Les résultats de l’enquête représentent donc probablement une sorte de réaction à froid. »
Pour lui, la nécessité des téléconsultations et de leur remboursement est une évidence absolue. Il exprime sa certitude de voir le remboursement rétabli « d’une manière ou d’une autre ». La question est de trouver l’argent pour le faire. « On pourrait augmenter le ticket modérateur pour les assurés ordinaires, comme nous le demandons depuis pas mal de temps. Cela n’a pas été fait depuis 20 ans. Il devrait être aujourd’hui à 6 €. Cela fait 15 ans que le KCE l’a proposé lui aussi, » explique-t-il. « Même si on ne le portait qu’à 5 €, on retrouverait 30 millions d’euros chez les généralistes et autant chez les spécialistes. » L’enquête suggère en tout cas que les seconds pratiquent autant la phono-consultation que les premiers. « Mais quand le ministre objecte que ce n’est pas si simple, il reconnaît implicitement que ce n’est pas populaire. »
Les limites de la téléconsultation
En lisant les réponses libres des confrères concernant les raisons de pratiquer ou de rétablir la consultation, Luc Herry s’étonne. « Par exemple, communiquer des résultats par téléphone, est-ce réellement mener une téléconsultation ? Et commenter ces résultats ? Il vaudrait mieux discuter avec le patient lors d’une vraie consultation, pour pouvoir y mettre toutes les nuances et connaître la perception du patient. On a l’impression qu’il y a des mésusages et cela verse de l’eau au moulin des mutuelles qui veulent supprimer le remboursement. »
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