De nombreux patients traités pour un cancer en Belgique et dans d'autres pays européens ont déboursé au cours des années passées des dizaines de milliers d'euros pour un traitement par immunothérapie de la société privée Immucura. Une enquête de plusieurs mois menée par le quotidien économique flamand De Tijd, la chaine de télévision allemande ZDF, les journaux autrichien Der Standard et espagnol El País soulève toutefois des questions sur ces traitements populaires.
Un patient peut payer jusqu'à 40.000 euros pour un traitement de la société basée à Marbella en Espagne, rapporte mardi De Tijd. Immucura a été fondée i l y a environ 10 ans par l'Allemand Johannes Ernst Schumacher, qui n'est ni médecin ni pharmacien.
Il a mis sur pied un business européen avec sa société, qui emploie 36 personnes, grâce à son propre personnel en Espagne, à des consultations en ligne, à des médecins et à des cliniques partenaires dans les pays européens, ainsi qu'à des infirmières itinérantes qui se rendent au domicile des patients.
Cependant peu de détails filtrent sur la thérapie vendue par Immucura, qui n'est pas reconnue. Elle consiste à prélever du sang des patients, pour en isoler les cellules dendritiques (globules blancs) qui sont ensuite manipulées et réadministrées sous forme de vaccin. Celui-ci est censé inciter le système immunitaire à éliminer lui-même les cellules cancéreuses.
La société ne publie pas non plus d'articles dans des revues spécialisées. Enfin, le nom du laboratoire qui fabrique ses vaccins est aussi tenu secret, même pour le personnel d'Immucura, ressort-il de l'enquête journalistique.
"Pratiques trompeuses en matière de traitement du cancer", dénonce mardi dans un communiqué de presse le Fonds Anticancer qui a participé à l'enquête. L'association est quotidiennement contactée par des patients qui lui posent des questions sur "des thérapies pseudo-scientifiques qui non seulement n'ont généralement pas fait leurs preuves, mais qui peuvent aussi se révéler dangereuses" et Immucura ne fait pas exception, poursuit-elle
"Ce que ces entreprises partagent, c'est l'opacité. Toutes essaient de tirer profiter du battage médiatique en matière de soins contre le cancer. Ils sont très accessibles, offrent des services de type bien-être et consacrent beaucoup de temps au dialogue. Bien sûr, c'est attrayant", souligne le docteur Gabry Kuijten du Fonds Anticancer dans le communiqué.
Le Fonds Anticancer appelle à rester critique sur les sources de leurs informations médicales et, en cas de doute, à contacter le médecin traitant. Le fonds lui-même propose le service d'information gratuit "My Cancer Navigator" pour les patients atteints de cancer et leurs proches.
Un constat et des préoccupations partagés également par la Fondation contre le Cancer qui s'interroge sur la nécessité de recourir à des thérapies uniquement disponibles en ligne et pour lesquelles il n'existe pas de publications scientifiques partagées. En outre, ces thérapies sont développées par une société située en Irlande et n'offrent aucune garantie de prise en charge si les choses se compliquent alors que la Belgique dispose de soins oncologiques de qualité accessibles et d'équipes de recherche très performantes, souligne la Fondation d'utilité publique dans une réaction envoyée à l'Agence Belga.
De plus, ces propositions de traitement sont onéreuses et non remboursées par le système de santé belge contrairement à celles qui ont démontré leur efficacité, poursuit l'organisation.
"La Fondation contre le Cancer ne peut soutenir des thérapies telles que celles-là, dont l'efficacité n'est pas démontrée par des essais cliniques menés rigoureusement avec des résultats publiés et donc accessibles aux professionnels de la santé. Ce dont il s'agit ici s'apparente à une tromperie avec un objectif mercantile", conclut-elle.