Faut-il rémunérer la téléexpertise?

Plusieurs services du CHU Brugmann et du CHU Saint-Pierre utilisent depuis quelques mois une solution de téléexpertise développée par Omnidoc. Objectif: permettre aux professionnels de santé de demander et recevoir rapidement un avis médical de façon sécurisée et tracée. En France, les médecins peuvent depuis 2019 facturer des honoraires pour la téléexpertise. Une piste à suivre en Belgique?

Outre-Quiévrain, 80.000 professionnels de la santé et 77 hôpitaux (dont 17 CHU) ont recours au service de téléexpertise de la société Omnidoc. Près d’un million de téléexpertises sont réalisées chaque année via ce module. «Par exemple, un médecin généraliste va solliciter l’avis d’un dermatologue sur une lésion cutanée suspecte pour savoir s’il faut s’inquiéter et, si nécessaire, accélérer la prise en charge. La pratique de la téléexpertise existe depuis longtemps en France, mais elle se développe ces dernières années en raison de la pénurie médicale et de l’augmentation des délais d’attente pour obtenir un rendez-vous», explique Baptiste Truchot, co-fondateur et CEO d’Omnidoc.

«La téléexpertise permet de prioriser les patients et d’aider les médecins traitants à gérer plus de cas en premier recours. Nous créons un pont entre la médecine générale et la médecine spécialisée. Certains médecins échangent via le téléphone, le fax, le courriel, le SMS, mais ces canaux posent problème par rapport à la sécurité, la confidentialité et l’efficacité. Souvent, le contact n’est pas tracé. Il n’y a donc pas de traces des questions et des réponses dans le dossier.» Baptiste Truchot souligne qu’en France certains services médicaux dédient un ETP pour répondre aux questions des médecins du territoire qu’ils couvrent.

Protection des données
Les données échangées via Omnidoc sont enregistrées sur des serveurs qui respectent des normes HDS, supérieures à la norme Iso 27001. Elles sont chiffrées. «Seul le requérant et l’équipe requise peuvent avoir accès aux informations. Ces derniers doivent s’identifier à la plateforme. Il y a une traçabilité des actes. Un compte-rendu de chaque échange est envoyé dans les dossiers des patients», précise le jeune CEO.

Valorisation du temps médical
Pour Baptiste Truchot, il est important de valoriser le temps médical qu’un médecin prend pour répondre à un confrère. «En France, depuis 2019, la nomenclature comprend 2 actes pour la téléexpertise. Celui qui demande l’avis reçoit 10 euros et celui qui le donne reçoit 20 euros. L’acte ne coûte rien au patient. L’assurance-maladie paie directement les médecins afin d’encourager la téléexpertise et d’encadrer cette pratique.»  Ces tarifs sont identiques pour les médecins conventionnés (secteur 1) et non-conventionnés (secteur 2).

Au départ, Omnidoc a développé sa collaboration avec les hôpitaux publics parce qu’ils étaient davantage confrontés à la problématique des délais d’attente que les cliniques privées. «L’hôpital public utilise Omnidoc pour que les services d’opthalmo, de dermato, de cardiologie… puissent répondre via une solution centralisée aux médecins du territoire. Aujourd’hui, 80.000 médecins utilisent notre système. 60% des hôpitaux publics ont déployé la solution dans au moins un de leurs services. Le déploiement se fait de façon progressive dans les hôpitaux. Les cliniques privées suivent le mouvement. Les institutions de soins ont besoin d’améliorer le lien avec les médecins généralistes et éviter que les patients se rendent aux urgences pour pouvoir consulter un spécialiste parce qu’il n’obtient pas un rendez-vous rapidement.»

Omnidoc a également développé un module pour les réunions de concertation pluridisciplinaire (RCP) en oncologie et dans d’autres pathologies chroniques. «Le système permet à différents experts d’étudier ensemble à distance une série de cas. Ils peuvent se partager ensuite de façon sécurisée un compte-rendu de la réunion.» 

Projets-pilotes belges
En Belgique, les services de dermatologie du CHU Brugmann et le CHU Saint-Pierre utilisent déjà Omnidoc en échangeant avec plusieurs centaines de médecins traitants. «Ces deux services proposaient déjà de façon informelle de la téléexpertise. Elle s’est développée durant la crise sanitaire et est devenue très importante après. Plusieurs médecins répondaient aux demandes d’avis des médecins traitants via email», explique Bejamin Truchot.

«Nous développons depuis un an et demi ces projets. Les deux hôpitaux ont demandé aux médecins traitants de ne plus utiliser les courriels pour communiquer avec les spécialistes mais de privilégier notre solution», précise le co-fondateur. «Nous collaborons avec beaucoup d’humilité puisque nous devons nous adapter notre système à des règles de fonctionnement différentes, même si certaines problématiques (pénurie, délai…) sont les mêmes en Belgique qu’en France. Pour l’instant, nous ne commercialisons pas notre produit chez vous. Il est gratuit pour tous les utilisateurs. En France, il est gratuit pour les professionnels de la santé à titre individuel. Nous faisons payer la mise en place de projets collectifs aux hôpitaux.»

En Belgique, il n’y a pas encore de numéro de nomenclature pour la téléexpertise. «Le sujet est en discussion. Certains médecins militent pour obtenir un honoraire pour cet acte. Tant que cette activité reste bénévole, il est difficile de la développer», souligne Bejamin Truchot. « Notre objectif est  de pouvoir tester notre système avec les utilisateurs belges et, s’il y a une introduction de cet acte dans la nomenclature, d’adapter notre solution au système belge en utilisant les réseaux informatiques locaux, en proposant une version en néerlandais… Nous utilisons déjà la base de données Cobrha de la plateforme eHealth pour pouvoir identifier les prestataires de soins.»

Rappelons que le Comité technique médical de l’Inami élabore depuis 2022 un cadre pour la téléexpertise sur base d’un projet, mené en 2021, qui a convaincu les généralistes, les dermatologues et les patients.    

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