Silence des autorités devant les pistes d’amélioration du Plan e-santé suggérées par la SSMG. Plateforme de concertation dite permanente entre producteurs de softs et médecins qui, en fait, se réunit toutes les lunes. Obligation d’e-prescription reportée sine die alors que son annonce répétée a provoqué parmi les MG des départs anticipés à la retraite. Vincent Parmentier, vice-président de la SSMG, n’est pas tendre avec la tournure récente des événements.
Il y a peu, à l’issue d’une analyse de ce qui coince dans l’actuel modèle belge d’e-santé, la SSMG - et plus précisément sa cellule e-santé - avait suggéré des orientations nouvelles à adopter (au niveau de l’organisation, de l’architecture, des technologies et des standards du système) pour en assurer la réussite. «En mars, nous avons écrit aux différents ministres de tutelle, dont Maggie De Block, et à de hauts fonctionnaires de la Santé, pour signaler ces pistes. Nous n’avons pas reçu la moindre réponse, la moindre réaction. Mi-mai, nous avons renvoyé un courrier aux intéressés, en intégrant le Premier ministre, pour exprimer combien ce silence radio total nous décevait», relate le Dr Vincent Parmentier.
Le vice-président ne cache pas non plus son désappointement à propos de la «plateforme permanente de concertation» entre, notamment, les producteurs de logiciels médicaux et leurs usagers(*). Pour rappel, via son initiative e-Crash, la SSMG avait compilé des témoignages de MG sur les dysfonctionnements des DMI et des applications d’e-santé. Ses conclusions, présentées en médico-mut fin 2017, avaient contribué à ce qu’on inscrive dans l’accord en gestation à l’époque 10 points d’action pour remédier aux problèmes qui grippent le déploiement de l’e-santé. Points d’action parmi lesquels figurait l’intensification de la concertation.
«La plateforme s’est bien créée. Elle a tenu une première réunion en avril», admet le Dr Parmentier. «Rien de très concret n’en a surgi. Le prochain rendez-vous n’est fixé qu’en septembre, alors qu’elle était supposée, notamment, s’assurer du développement de choses fort attendues comme des helpdesks efficaces.» Evidemment, à ce rythme-là, on est en droit de se demander si elle viendra à bout de ses missions théoriques. «A moins qu’on ait voulu encommissionner le problème…»
Pas correct
Le récent report de l’obligation d’e-prescription lui reste également en travers de la gorge. «Le système, manifestement, n’est pas prêt. Cela n’a pas empêché les autorités de faire des effets d’annonce, de marteler que ça allait devenir obligatoire. Puis, trois petits jours avant l’échéance, on prévient que c’est reporté! Qu’est-ce que cela démontre, sinon leur incapacité à gérer un modèle d’e-santé disparate qui est hors de leur contrôle?» Ou, s’il ne s’agit pas d’incapacité, si c’est délibérément que l’on a entretenu chez les médecins l’idée de cette obligation imminente, «ce n’est pas correct comme méthode. Car cela a joué, assurément, dans l’esprit des MG, notamment plus âgés. Cela a poussé certains vers une retraite anticipée.» Avec à la clef une regrettable diminution des forces vives, dans un contexte qu’on sait pourtant (à tendance) pénurique…
Un baromètre
Les délires de l’e-santé: demande Bf paracetamol adressée en électronique à la mutuelle qui l’accepte. Super. Sauf qu‘ aujourd’hui (2 mois après!!!) le médecin conseil m’écrit que pour l’accepter je dois lui renvoyer le formulaire papier, en annexe, signé.
— Dr Thomas Orban (@OrbanDoc) 24 mai 2018
Ce n'est pas de la e-santé, c'est de la bureaucratie et des règlementations inadaptées aux nouveaux outils.
— Nathalie Schirvel (@NatSchirvel) 24 mai 2018
Doit-on s’attendre à un e-Crash bis, comme annoncé un moment par la SSMG? Le projet n’est pas abandonné, explique notre interlocuteur, mais s’est trouvé suspendu par le fait que l’accord prévoit aussi, outre la plateforme (cf. supra), d’organiser «le monitoring de la performance et de la continuité du système d’e-santé». En théorie donc, la veille continue des problèmes résolus et émergents qu’ambitionnait de faire e-Crash bis devrait être assumée par les autorités. «De notre côté, e-Crash pourrait alors plutôt revêtir la forme d’un coup de sonde annuel, devenir une sorte de baromètre.»
(*) l’article 4.2.1. de l’accord 2018-19 parle texto de la «création d'une plateforme permanente de concertation entre les dispensateurs de soins, les mutualités, les représentants des fournisseurs de progiciels et les services publics concernés».
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