Abus sexuels dans l’enfance : comment ouvrir le dialogue avec le patient ? 

Dans la pratique, libérer la parole et briser les tabous restent des tâches très complexes. Le Dr Pol Thomas, généraliste à Bruxelles et spécialiste de cette question, a abordé cette thématique essentielle lors d’un atelier au Congrès de médecine générale à Namur. Il a rappelé que la prévalence des abus sexuels se situe à 12,7 % : « Ce n’est que la partie immergée de l’iceberg. La réalité est plus importante : les abus sexuels sont un phénomène sous-rapporté. »

En consultation, dans son cabinet, le médecin généraliste peut être un intervenant théorique privilégié, surtout avec le secret médical, pour aborder la question et les conséquences des abus sexuels dans l’enfance.

Ces victimes surconsomment les soins de santé : « … qu’il s’agisse d’hospitalisations, de consultations aux urgences, de consultations chez un généraliste ou un spécialiste, y compris en santé mentale. De nombreuses études, y compris celles du Collège américain des gynécologues et des obstétriciens (ACOG), recommandent un dépistage systématique des violences sexuelles auprès des femmes. »

Mieux détecter

Pourtant, les soignants de première ligne et les gynécologues ne dépistent pas les abus sexuels vécus dans l’enfance chez leurs patients adultes. Des chercheurs suédois ont mis en évidence que les soignants n’avaient pas posé la moindre question à la majorité des femmes (entre 76 % et 99 %).

Pour le généraliste, la question est complexe : qui et comment dépister ? Toute en nuance, sa réponse repose sur certains éléments qui se dégagent : « Chez les femmes plus que chez les hommes, les patients souffrant de maladies somatoformes/fonctionnelles (lien très fort entre fibromyalgie et viol, côlon irritable, les MUS...), les consommateurs de substances (notamment les femmes qui fument du cannabis ou boivent de l’alcool pendant la grossesse), les problèmes de la sphère psychologique (burn-out...), les antécédents (by-pass, toute chirurgie gynécologique : la femme a quatre fois plus de chances d’avoir subi des abus sexuels dans l’enfance...). Beaucoup de chercheurs conseillent de dépister les plaintes gynécologiques avant, pendant et après la grossesse, car la grossesse est un facteur de risque, tout comme le diabète gestationnel. Je rappelle que le suicide est la première cause de décès maternel. »

Cette réalité posée, reste la question la plus complexe : comment ouvrir le dialogue ? Le praticien donne des pistes aux généralistes à travers dix règles de base : « Demander la permission, expliquer brièvement notre démarche, rappeler le secret médical, permettre au patient de ne pas répondre (ne pas insister et accepter le mensonge), ne pas juger les auteurs. Notre attitude et nos réactions sont importantes (empathie, humanité), rappeler au patient qu’il n’est pas seul, rester prudent mais pas silencieux (conscient que cela reste un sujet tabou), utiliser des mots qui atténuent, comme attouchements, et ne pas vouloir tout résoudre. »

Le Dr Thomas attire l’attention des médecins sur leur propre regard face à ce phénomène : « Quand un patient vient au cabinet et qu’il pleure, est-ce que vous vous dites : Le problème est dans ses yeux ? Évidemment non. Quand un patient vient et qu’il dit qu’il a mal partout... il ne faut pas l’envoyer nécessairement chez un rhumatologue. Cela vaut la peine de se poser la question. »

Mais est-ce le rôle du généraliste ? « Oui, évidemment ! »

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