"À aucun moment, je vous le dis les yeux dans les yeux, je n'ai reçu d'information de menace imminente pour la santé", a affirmé la ministre wallonne de l'Environnement, Céline Tellier (Ecolo), alors qu'elle s'expliquait sur la pollution aux PFAS, mardi matin, en commission du parlement régional. "Si j'avais été avertie d'un risque pour la santé des personnes, j'aurais exigé des mesures alternatives."
Face aux députés qui l'ont assaillie de questions, la ministre est longuement revenue sur les actions entreprises par le gouvernement et surtout sur la chronologie des événements, depuis les premières alertes de l'armée américaine en 2017 - "qui uti lisait sur sa base de Chièvres des mousses contenant des PFAS pour lutter contre les incendies et dégivrer les avions" - jusqu'aux révélations des derniers jours à la suite de l'émission 'Investigation' de la RTBF.
Durant sa défense, elle a notamment pointé le mail accompagné d'un tableau Excel reçu le 10 janvier 2022 par l'un de ses collaborateurs. "Ce message brut traité par mon conseiller ne contenait aucun message d'alerte particulier; juste une transmission d'informations. Il n'est pas remonté au sein de mon cabinet. Aucun courrier d'alerte n'a été adressé, ni par l'administration, ni par la Société wallonne des eaux (SWDE). Et le commissaire du gouvernement à la SWDE n'a pas non plus été informé. Il ne le sera qu'en mai 2023, quand les valeurs reviendront sous les normes", a-t-elle assuré.
La ministre a ensuite justifié la fin du détachement du conseiller concerné. "Ce n'est pas pour chercher un coupable", a-t-elle dit. "Ma vision est de respecter la légalité mais aussi d'aller plus loin en matière de vigilance. Mon conseiller n'a pas été alerté, ni par l'administration, ni par la SWDE, d'un risque d'une menace imminente pour la santé. Mais lorsqu'on travaille dans un cabinet ministériel, on doit aller plus loin que cette approche légaliste; on doit être doté d'une vigilance politique. J'ai considéré ne plus avoir suffisamment confiance dans ses capacités de vigilance politique et j'ai décidé de mettre fin à son détachement", a précisé Céline Tellier.
Dans la tourmente depuis plusieurs jours, cette dernière a catégoriquement exclu de démissionner. "Je ne suis pas attachée au pouvoir, je ne l'ai jamais été et je ne le serai jamais. Mais je me suis engagée pour changer les choses en profondeur. Je respecterai cet engagement jusqu'au dernier jour, jusqu'à la dernière heure, jusqu'à la dernière minute de cette législature. Le travail n'est pas terminé. Vous pouvez compter sur ma détermination pour aller jusqu'au bout", a-t-elle déclaré, visiblement émue.
Pour Céline Tellier, c'est avant tout au secteur chimique "à se réinventer afin de passer d'une chimie d'après-guerre à une chimie verte". "C'est une lutte de David contre Goliath face à une industrie chimique qui met en circulation sur notre territoire quelque 5.000 composants potentiellement dangereux. La médiatisation de cette affaire doit servir de tremplin pour une stratégie globale de lutte contre les PFAS, ces substances vicieuses qui sont partout. C'est l'arbre qui doit montrer la forêt", a-t-elle poursuivi.
"J'ai passé la moitié de ma vie à lutter contre la pollution et j'ai toujours soutenu le principe de précaution. Si la Wallonie a eu une approche trop légaliste, elle devra évoluer vers une plus grande réactivité et vers plus de transparence; elle devra passer d'une approche légaliste à une approche préventive qui met le principe de précaution au cœur des instances publiques", a ajouté la ministre, en annonçant entre autres la mise en place de seuils de vigilance pour l'eau potable, soit 30 ng/L pour les 20 PFAS de la liste européenne et 4 ng pour les 4 PFAS les plus inquiétants.
Mais c'est surtout en amont qu'il faut intervenir, selon elle. "Sans caricature, il faut que l'industrie ne se sente plus libre de lancer ce qu'elle souhaite sur le marché en utilisant des molécules miraculeuses mais qui présentent des risques. Il faut que cesse l'impunité. Il faut une approche globale de ces substances chimiques", a-t-elle plaidé.
"J'espère que vous serez à mes côtés pour faire bouger les lignes du côté de ceux qui refusent de réguler davantage, d'interdire les PFAS et les autres substances néfastes. De mon côté, je refuse que les citoyens aient le moindre doute quand il s'agit de boire de l'eau ou de cuisiner les légumes de leur jardin", a conclu Céline Tellier, avant d'affronter les répliques des parlementaires.