Psychologiquement, l'obligation vaccinale est préférable au pass vaccinal (experts)

"Sur le principe, l'obligation vaccinale est éthiquement acceptable dans le cadre de la mise en place d'une stratégie (sanitaire) globale, si et seulement si certaines conditions sont rencontrées", ont relevé mercredi Virginie Pirard et Zeger Debyser, co-présidents de la commission restreinte "vaccination" du Comité consultatif de Bioéthique.

La commission santé de la Chambre a procédé à sa troisième journée d'auditions visant à évaluer l'opportunité de passer à la vaccination obligatoire en population générale contre le Covid-19. La journée était principalement consacrée aux aspects éthiques et psychologiques .

Le Comité de bioéthique a dans ce cadre exprimé un avis favorable, mais conditionné. Selon lui, cette obligation doit être assurée par un schéma vaccinal étayé par un consensus scientifique clair, ce qui, à ses yeux, n'est pas le cas pour le moment en raison des incertitudes planant autour de l'évolution de la pandémie.

Il est dès lors nécessaire qu'aucune modification importante de la balance bénéfice-risque n'intervienne entretemps.

Enfin, cette obligation doit être annoncée clairement et de façon transparente. Le Comité de bioéthique estime par ailleurs que le pass sanitaire (Covid Safe Ticket) ne doit pas être pas vu comme une tentative sournoise d'imposer la vaccination et ne soutient dès lors pas un éventuel pass vaccinal.

De son côté, Unia estime que l'obligation vaccinale est uniquement justifiée en cas de vrai "saut qualitatif" dans la lutte contre la pandémie.

"Si elle n'apporte pas l'effet attendu, cela risque d'avoir un impact sociétal extrêmement difficile et créer de la tension dans la société", ont relevé les co-directeurs Patrick Charlier et Els Keytsman. 

Le centre pour l'égalité des chances a plaidé pour une éventuelle "mesure limitée dans le temps". "Et il faut prévoir une réévaluation régulière de leur nécessité et de leur proportionnalité", afin d'éviter l'effet "tâche d'huile" observé avec le CST. Le pass sanitaire, prévu au départ pour les grands événements tels que les festivals et le grand prix de formule 1, a été progressivement élargi à d'autres applications, a rappelé Unia.

Vincent Yzerbyt (UCLouvain), membre du groupe "psychologie et corona", est revenu sur les processus psychologiques amenant un individu à se faire vacciner ou non. Selon ses observations, la perception des risques est déterminante. Il plaide dès lors pour une approche individualisée associée à l'envoi d'un message collectif. "Si le momentum est vraisemblablement passé pour l'obligation vaccinale, l'intérêt du débat actuel est d'anticiper. Quid en cas de variant grave ?", s'est-il demandé. Quoi qu'il en soit, "le pass ou le CST sont plus dommageables pour la cohésion sociale".

Entendue dans l'après-midi, Carla Nagels, sociologue et criminologue à l'ULB est aussi revenue sur les motivations des non-vaccinés. "Et si l'obligation vaccinale aurait le mérite de mettre fin à une distinction, cela ne veut pas dire qu'elle motiverait (les non-vaccinés) à se faire vacciner. Ce n'est pas parce qu'une loi est votée qu'elle est mise en œuvre. Une majorité non-vaccinés ont un rapport distancié voire négatif face aux autorités. Afin d'augmenter la couverture vaccinale, la meilleure stratégie est d'investir dans une médecine de première ligne. C'est évidemment une stratégie à long terme, mais la seule à même d'augmente r le taux de vaccination", a-t-elle conclu.

La vice-présidente de la Ligue des Droits Humains (LDH) Vanessa De Greef a aussi estimé que l'obligation vaccinale n'est pas un problème (juridique) en soi. "Mais il faut un texte législatif", et non un arrêté royal comme c'est le cas pour la polio depuis 1966. Il faut aussi "un objectif légitime et un test de proportionnalité". Sur ce dernier point, la LDH est opposée à d'éventuelles sanctions pénales. Elle se montre plutôt favorable à la mise en place d'un système semblable à celui en vigueur pour la polio, à savoir une obligation de discuter avec un service dédié. "À choisir, on préfère une obligation vaccina le à un pass vaccinal", a-t-elle conclu, s'interrogeant toutefois sur le timing.

Sans se prononcer sur l'opportunité de passer ou non à l'obligation vaccinale, Bernard Dubuisson professeur en droit de la responsabilité et droit des assurances à l'UCLouvain, a appelé à confirmer explicitement dans l'éventuelle loi la compétence du Fonds des Accidents Médicaux pour l'indemnisation des patients victimes d'effets indésirables "suffisamment graves".

Plus catégorique, Rik Torfs, professeur de droit et de droit canonique à la KULeuven, a estimé qu'"à l'heure actuelle, l'obligation est difficilement défendable d'un point de vue juridique." Selon lui, il existe un risque de constituer un "précédent" à de futures larges entorses aux droits fondamentaux.

La commission santé procédera à sa dernière grande journée d'auditions vendredi. Elle entendra ensuite le commissaire corona Pedro Facon avant de passer à la discussion politique proprement dite.

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