Si le budget dérape, c’est parce qu’il est irréaliste (Syndicats)

Constat navrant en commission médico-mutualiste cette semaine: le budget 2024 dérape de partout. Sans doute, répondent les médecins, mais il y a un énorme fossé entre la croissance budgétaire et la croissance en besoins de santé de la population. La croissance des besoins a des origines multifactorielles, font-ils remarquer. Mais certains postes pourraient sans doute être réexaminés.

En commission médico-mutualiste, le remboursement de la participation par vidéo du généraliste à la communication oncologique multidisciplinaire (COM) vient d’être acceptée. Concrètement, cela veut dire que dorénavant pour participer à cette COM, lorsqu’elle concerne un de ses patients, le généraliste pourra se brancher online et participer à la discussion. « C’est un progrès qui amènera un gain de temps. Cela montre qu’on avance dans le domaine du digital en médecins » commente le Dr Luc Herry (ABSyM). « Mais c’est en contradiction totale avec la suppression de la téléconsultation que propose le projet de budget 2025 », ajoute-t-il.

Croissance des besoins en santé

L'examen du bilan intermédiaire 2024 confirme un dérapage généralisé. « Cela montre qu'une norme de croissance réaliste n'a pas été adoptée », s'insurge Luc Herry. Il rappelle l'évolution du nombre de consultations et de visites des généralistes depuis 1995. À cette époque, 45 millions de contacts avaient été enregistrés (22 millions de visites et 23 millions de consultations). En 2023, ce chiffre est passé à 56,4 millions de contacts, incluant 7,8 millions de visites, 43 millions de consultations et 5,6 millions de téléconsultations, soit une croissance de 25,4 %.

Cette augmentation des soins est due à divers facteurs : la population belge a crû de 16 %, tandis que la durée de vie a progressé de 5 %, ce qui donne un total d'environ 21 % de croissance. Cependant, le Dr Herry rappelle que d'autres facteurs ont également joué un rôle : la hausse des incapacités de longue durée (de 400 000 cas en 2015 à 555 000 en 2023), l'augmentation des maladies chroniques, des cancers, des traitements bariatriques, des prothèses, ainsi que des cas de sida et d'autres maladies sexuellement transmissibles. Il ne faut pas non plus oublier l'afflux de migrants, souvent porteurs de pathologies lourdes et chroniques.

Par ailleurs, les dépenses de santé mentale explosent, tout comme les technologies coûteuses. Les étudiants en médecine sont de plus en plus formés à l'utilisation de ces technologies onéreuses, au détriment de la clinique traditionnelle. De plus, la numérisation des attestations a fait disparaître environ 5 à 10 % de pertes de documents, entraînant un remboursement des prestations concernées, qui auraient auparavant été perdues dans les méandres de la vie quotidienne des patients.

Un budget inadapté aux besoins

« La croissance réelle des besoins en soins de santé est donc énorme », conclut le Dr Herry. « Si les dépenses de santé débordent, c'est parce qu'on n'a pas pris en compte cette réalité. » De plus, le ticket modérateur, devenu symbolique, ne joue plus son rôle de frein à la consommation. « La vérité, c'est que les généralistes sous-consomment. La norme budgétaire qui leur est fixée est bien en deçà des besoins réels de la population. »

Des ajustements budgétaires à venir

Partageant en grande partie l'analyse de son confrère, le Dr Lawrence Cuvelier reconnaît également que certains chiffres du rapport budgétaire présenté à la Médico-Mut sont préoccupants. Il mentionne notamment le coût des téléconsultations, dont la suppression est envisagée. « Cette proposition n'a l'appui d'aucun syndicat médical », explique-t-il. « Les partenaires cherchent une solution satisfaisante pour tous, à trouver d'ici fin décembre. Plusieurs pistes sont à l'étude. »

Cependant, le Dr Cuvelier, président du GBO, insiste sur la nécessité de préserver une bonne relation thérapeutique entre le généraliste et son patient, relation qui peut être mise à mal par la téléconsultation.

Réévaluer certains postes budgétaires

D'autres postes budgétaires méritent également une attention particulière, notamment ceux liés à certains médicaments. « Certains traitements pour des maladies chroniques sont efficaces, certes, mais très coûteux », note le Dr Cuvelier. « Sont-ils toujours nécessaires dans tous les cas ? » s'interroge-t-il. Bien qu'il ne soit pas spécialiste de ces traitements, plus proches de la médecine spécialisée que de la médecine générale, il estime que la situation mérite une analyse approfondie.

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