La France enregistre une hausse rapide des passages aux urgences (+ 15% entre 2010 et 2015 dans les seuls hôpitaux publics), particulièrement chez les sujets âgés, et s’en inquiète. Les patients reçoivent-ils vraiment les bons soins dans la bonne structure au bon moment? Selon une récente recherche, la disponibilité et l’accessibilité aux généralistes sont des déterminants majeurs des recours aux urgences non suivis d’admission.
La recherche est signée de l’Irdes, un institut de recherche français en économie de la santé. Il s’est employé à repérer ce qui explique, dans une douzaine de régions du pays, cette prise en charge hospitalière qui aurait pu être assumée en ambulatoire.
L’étude se concentre sur les patients de plus de 65 ans. Sans surprise, leur taux de recours aux urgences (sans hospitalisation subséquente) dépend notablement de la proximité de ces services, et de leur capacité d’accueil. Il est aussi significativement plus faible là où «l’accessibilité aux soins primaires est facilitée». Facilitée comment? Par la disponibilité de professionnels de santé extra muros (MG mais aussi infirmiers, kinés, pharmaciens, voire spécialistes qu’on peut ranger dans le ‘premier recours’: ophtalmos, gynécos…). Mais aussi par l’existence d’une permanence de soins (comprenez: une garde de médecine générale qui, en France, s’appuie sur des MG volontaires dont le nombre décroît ces dernières années: 63% en 2014 contre 73% en 2012). Et enfin, par le fait que des généralistes se déplacent à domicile.
La conclusion qu’en tire l’Irdes est que, si on optimalise le maillage territorial en services ambulatoires, il y aura une réelle marge de manœuvre pour diminuer la pression sur les urgences. Il ne faut pas se concentrer sur les seuls déserts médicaux, principalement ruraux, signalent les auteurs, mais aussi investir dans des quartiers péri-urbains qui malgré une offre de spécialistes relativement élevée restent faiblement dotés en MG. Ils font aussi remarquer que, chez les plus de 75 ans, généralement à mobilité réduite, le déplacement des MG à leur chevet «est plus bénéfique, cette pratique contribuant à la continuité des soins et à la prévention des effets indésirables des problèmes de santé chroniques».
On connaît évidemment cette problématique de ce côté-ci de la frontière, ainsi que le refrain du désengorgement des urgences. La médecine générale belge a dû et doit encore répéter dans les hautes sphères que les PMG n’ont pas été créés, à l’origine, pour réduire le trafic aux urgences, mais pour soulager les conditions d’exercice des MG de garde. Et que ces derniers ne comptent pas se soustraire, en nuit noire, à la prise en charge non planifiée d’une série de patients vulnérables, dont les aînés en MRS (lire à ce propos l’article sur les protocoles de tri wallons, Medi-Sphere n° 577, 21/12/17).
Une concurrence entretenue
Qu’est-ce qui, en France, freine une meilleure synergie entre la permanence libérale et les urgences de l’hôpital? L’Irdes évoque «le système de financement actuel, associant une rémunération forfaitaire des services d’urgence proportionnelle au nombre de visites et de paiements à l’acte des soins». Pour eux, ce financement encourage plus les urgences à l’activité qu’à la coopération avec les acteurs des soins ambulatoires. Apparemment, les cliniques privées ne s’y trompent pas. Si elles respectent les normes d’ouverture d’urgences, revues en 2009, elles peuvent se doter d’un tel service. Et d’après l’Irdes, le nombre de cliniques privées à posséder un service d’urgences «a augmenté d’environ 40% entre 2002 et 2015, tandis que le nombre de visites aux urgences dans ces établissements a doublé».