Johan Sterkendries, ex-président de la SMWE (le cercle de Waremme), doute de la pertinence de la garde MG en nuit noire. Il n’en a jamais été un fervent partisan. Mais des chiffres tout frais bétonnent son scepticisme: les sollicitations de la garde locale, sur septembre et octobre, les week-ends après 23h. Il faut agir, dit-il, surtout que se dessinent de futurs méga-secteurs.
Depuis le 1er septembre, les PMG enregistrent leur activité des week-ends et jours fériés. Cet encodage, dont les autorités sont supposées s’inspirer pour façonner la politique du non-programmable et revoir le système des honoraires de disponibilité, s’arrêtera fin novembre. Aux 2/3 de l’exercice, Johan Sterkendries, coordinateur de la garde à Waremme, dévoile les tendances très claires qui émergent du PMG local.
Elles sont à contextualiser, au vu des particularités de celui-ci: il ne tourne que sur rendez-vous, avec le filtre du «tri Salomon» liégeois la nuit, et est également ouvert la semaine de 20 à 22h. Après quoi les patients déplaçables sont invités à se tourner vers les urgences, tandis qu’un MG volant s’occupe des non-déplaçables.
Un basculement assumé vers les hôpitaux, donc, dont les 41.000 habitants desservis se sont sans doute imprégnés au fil des ans, tandis que la météo exceptionnelle de cet automne contribuait aussi au calme observé. Il n’empêche. La SMWE dénombre en septembre, pour la plage 19-23h, 3 avis médicaux (par téléphone), 28 consultations, 10 visites à domicile, 4 renvois vers les urgences et 0 renvoi vers un autre prestataire (de type dentiste ou ophtalmo…). En octobre, le bilan est de 4 avis, 32 C, 10 VàD, 6 renvois à l’hôpital et 1 renvoi «autre». Même en gommant la différence de durée, la fréquentation marque le pas en soirée par rapport à la plage 8-19 h (171 consultations + 27 visites sur septembre, et 156 + 36 sur octobre).
En pleine nuit, l’infléchissement est frappant (en gardant en tête que le PMG ferme à 22h et que c’est un MG volant qui prend le relais). On recense sur les week-ends de septembre 2 avis, 7 visites, 1 renvoi à l’hôpital. Et sur octobre 3 visites, ce qui équivaut, rapporté à l’ensemble des contacts live ou téléphoniques enregistrés, à du 1,1%.
Black mondays
«La garde est une obligation politico-déontologique. Maggie De Block veut qu’elle s’applique désormais sur des secteurs de 300.000 habitants», commente le Dr Sterkendries. Certes, ses statistiques indiquent zéro surchauffe nocturne. Par contre, si le scénario de méga-secteurs se concrétise, «le MG mobile ne va pas arrêter de filer d’un coin à l’autre. Il ne dormira pas. Beaucoup parlent d’une récupération le lendemain, à réclamer. Mais dans un contexte de pénurie, qui va, le lundi matin, prendre en charge les patients du confrère qui récupère? En ce moment, chez nous, on vit 1 installation et 3 retraites. Le patient qui n’aura pas dérangé la garde en se disant: ‘ça peut attendre, j’irai lundi matin chez mon médecin’ va trouver porte close si c’est celui-ci qui récupère. Il se tournera vers les MG alentours et s’entendre répondre qu’ils n’ont plus de place ce jour-là… d’autant que l’Ordre vient d’accepter qu’on refuse de nouveaux patients.»
D’après Johan Sterkendries, il y a deux solutions. «Soit on supprime la garde MG de nuit noire, qui ne sert finalement pas à grand-chose, et c’est le SMUR qui prend tout. Avec éventuellement une petite formation, il n’y a pas de raison qu’un urgentiste ne puisse pas gérer comme nous les soins palliatifs, les interventions en MRS, les décès… Soit on transforme radicalement le système: on confie la nuit à des gardistes, des MG volontaires pour cette mission, payés spécifiquement. Si on n’agit pas, on va dans le mur. Les certificats vont pleuvoir. Si on nous impose de couvrir en nuit profonde des zones de 300.000 habitants, je suis d’avis de dispenser les MG de plus de 50 ans. Passé un certain âge, on met plus de temps à se remettre d’une nuit blanche. Or, pour notre patientèle, le lendemain, on doit être en possession de tous nos moyens.»
Derniers commentaires
Thierry MARCHAL
13 novembre 2018Cher confrère,
je souscris entièrement à votre conclusion et prône comme vous, depuis des années, la suppression de la garde de MG en nuit noire (et appel SMUR y compris palliatifs et homes).
Il est loin le temps où l'on sauvait des vies la nuit, seul, sans téléphone et sans smur.
Cet épuisement de nos forces pour rien aujourd'hui est contre-productif.
Dr Thierry Marchal
Baudour
Eric SCHLEICH
13 novembre 2018tout à fait d'accord, agé de 60 ans, je viens d'être de garde cette nuit et appel à 04H pour constater un décès, je me suis trainé toute la journée pour voir mes patients,.cela fait des mois que je n'avais plus été appelé en nuit 'noire' pour une visite