S'il n’est pas interdit d’avoir une relation thérapeutique avec un membre de sa famille ou un proche, le Conseil national de l’Ordre des médecins a examiné les aspects déontologiques de la relation de soins entre un médecin et un patient qui est aussi un proche ou un ami.
Il est fréquent que dans la sphère privée, les compétences et les connaissances médicales du médecin soient sollicitées par un membre de la famille ou par une personne avec laquelle il entretient une relation affective ou amicale.
Une telle demande est généralement formulée du fait de la confiance placée dans le médecin mais aussi par commodité. Il arrive aussi que le médecin souhaite lui-même soigner ses enfants ou ses proches.
Si certaines incompatibilités légales existent[1], il n’est pas interdit d’avoir une relation thérapeutique avec un membre de sa famille ou un proche.
Sur le plan déontologique, apporter des soins à un patient avec lequel le médecin entretient par ailleurs une relation affective ou amicale n’est pas toujours opportun et nécessite à tout le moins d’être vigilant quant aux aspects suivants.
La qualité des soins
Le médecin est conscient que la relation personnelle qu’il entretient avec le patient a une influence sur leur comportement respectif dans le cadre de la relation de soins. Par pudeur du fait de leur relation privée, le patient pourrait éluder certains renseignements ou antécédents.
De son côté, du fait d’une gêne ou d’un sentiment d’indélicatesse, le médecin peut être en difficulté de réaliser l’anamnèse et l’examen médical de manière rigoureuse.
L’anamnèse et l’examen médical sont indispensables à des soins de qualité. Si les circonstances de l’espèce ne permettent pas qu’ils soient correctement réalisés, le médecin oriente le patient vers un confrère.
Le médecin est attentif aux émotions étrangères à la relation de soins qui peuvent altérer son jugement clinique.
Il garde son indépendance et n’accède pas à des demandes indues dans le but de ne pas contrarier ou de plaire.
Il veille à la tenue du dossier et aux soins de suivi du patient.
Des soins de qualité requièrent un environnement et un état d’esprit appropriés. Les consultations informelles, au dépourvu et dans des lieux inadaptés, sont à éviter. Le médecin sollicité dans la sphère privée pour donner un avis ou un conseil médical est prudent, nuancé et, s’il y a lieu, encourage le patient à consulter un professionnel dans des conditions qui garantissent la qualité des soins.
L’autonomie du patient
La relation privée qu’un médecin entretient avec un patient ne peut entraver l’expression par celui-ci de son autonomie dans les choix inhérents à sa santé. Le médecin y est particulièrement attentif lorsqu’il s’agit d’un proche, surtout lorsque son âge, sa situation de santé ou sa dépendance économique le place dans une situation de vulnérabilité à son égard.
Il respecte la volonté du patient et évite d’adopter une attitude paternaliste du fait de son affection pour lui. Des considérations non professionnelles propres au médecin ou à l’entourage du patient ne peuvent le guider dans le choix du traitement ou des soins. La relation de soins ne peut conduire à une intrusion non souhaitée par le patient dans sa vie privée et son intimité. S’il constate un manque d’observance du fait d’une confusion des rôles, le médecin oriente le patient vers un confrère.
Solliciter un second avis, préférer un autre traitement, refuser des soins et décider après avoir été pleinement informé est naturel dans le cadre d’une relation de soins mais peut être considéré comme l’expression d’un manque de confiance dans une relation privée. Le médecin veille à lever les ambigüités par une communication claire et professionnelle.
Le médecin ne sous-estime pas la complexité d’apporter des soins à un proche. Confronté à un dilemme éthique, il sollicite l’avis de confrères expérimentés
Confidentialité et conflit d’intérêts
Avant de consulter les données de santé d’un proche ou d’une connaissance qui sollicite un avis ou des soins, le médecin l’informe des données auxquelles il va accéder et s’assure qu’il y consent.
Le respect du secret professionnel et de la vie privée du patient sont essentiels à toute relation de soins. Interrogé par des membres de la famille ou des amis, le médecin agit en concertation avec le patient et respecte sa volonté.
Le médecin est guidé par l’intérêt de son patient. Il ne peut en aucune circonstance utiliser à des fins privées, qu’elles soient ou non personnelles, les éléments dont il a eu connaissance dans le cadre de la relation de soins. Confronté à un conflit d’intérêts, le médecin met un terme à la relation médicale en veillant à la continuité des soins.
Les certificats et autres documents médicaux
Le médecin veille à son indépendance et à ne pas s’exposer à un doute légitime quant à celle-ci.
Les liens de parenté et d’amitié sont de nature à faire douter celui auquel le certificat est opposé de l’objectivité et de l’impartialité de son auteur. Pour cette raison, en particulier lorsqu’un avantage social ou contractuel résulte de la production d’une attestation médicale (salaire garanti, indemnité en exécution d’une assurance, etc.), il ne convient pas de délivrer un tel document à un membre proche de sa famille ou à un ami intime et, a fortiori, à soi-même.
La prescription médicamenteuse
La prescription, tant à soi-même qu’aux proches, de médicaments qui peuvent donner lieu à un abus ou être de nature à perpétuer un abus sont à proscrire. Le médecin encourage les proches ou amis qui sollicitent la prescription de telles substances à consulter leur médecin traitant.
Bien-être du médecin
La séparation entre la vie privée et la vie professionnelle contribue au bien-être du médecin.
Le médecin ne néglige pas la complexité sur le plan émotionnel d’entretenir une relation médicale et familiale ou amicale avec la même personne, qu’il s’agisse de gérer l’insatisfaction quant aux soins, de refuser une prescription ou un certificat, de répondre aux attentes d’une disponibilité constante, d’annoncer une mauvaise nouvelle, de respecter le secret des confidences, etc. Les répercussions sur la qualité de la vie privée et les relations privées ne sont pas à sous-estimer.
En conclusion, s’il appartient au médecin d’arbitrer les valeurs en cause lors de la prise en charge comme patient d’un proche, d’un ami ou de lui-même, il s’abstient en cas de doute sur la possibilité d’exercer son métier dans le respect de la déontologie.
Le médecin a le droit de refuser ses soins, sauf situation urgente. Les difficultés de prise en charge d’un proche sont de justes motifs pour orienter le patient vers un confrère.
Il est prudent d’encourager la personne à laquelle on est lié par une relation privée à faire le choix d’un autre médecin traitant que soi-même.