Yves Coppieters, nouveau ministre de la Santé, place la pénurie de généralistes et l'organisation des gardes au cœur de ses priorités. Dans une interview exclusive avec Medi-Sphère, il s'engage à trouver des solutions concrètes pour améliorer leurs conditions de travail tout en renforçant la coopération avec les autres acteurs du secteur.
Deux mois de travail. Depuis que Les Engagés ont dévoilé leur casting ministériel pour la Wallonie et la Fédération Wallonie-Bruxelles, le Pr Yves Coppieters est devenu le nouveau ministre de la Santé, de l'Environnement, de l'Action sociale, de l'Économie sociale, du Handicap, de la Lutte contre la pauvreté, de l'Égalité des chances, du Droit des femmes et des Familles. « Les enjeux sont énormes pour la santé et l’environnement, en tenant compte de la transversalité avec les différents niveaux de pouvoir. »
Yves Coppieters, mis sous les feux des projecteurs en 2020 pendant la pandémie de Covid-19, a également été médecin et professeur à l'École de santé publique de l'ULB. Il va devoir travailler avec un budget limité. « Le conclave budgétaire aura lieu fin septembre. Nous savons que nous devrons tous réaliser des efforts, mais j’ai des garanties au niveau du secteur de la santé. Un doublement des budgets de la prévention est prévu au niveau de la Région. Nous allons également disposer de plus de moyens pour l’aide aux personnes en situation de handicap. Tout cela fera évidemment l’objet de négociations entre les partenaires. Enfin, j’aurai aussi un peu plus d’initiative à travers Wallonie Santé pour initier une série de développements industriels et sociaux dans les domaines de la santé, de la cybersécurité et du numérique. La volonté est également de soutenir des projets innovants. »
Malgré tout, vous allez devoir faire des économies ?
En effet, ce sera la ligne de conduite transversale de ce gouvernement en Région wallonne et en Fédération Wallonie-Bruxelles. Tous les ministres devront réaliser des économies. Nous voulons rationaliser le fonctionnement des administrations. Nous souhaitons leur demander un effort budgétaire en fonction des normes de croissance attendues pour ces institutions. Nous voulons également rationaliser les coûts de fonctionnement excessifs… mais on ne m’a pas fixé un objectif de -10 % de mon enveloppe globale. Ce n’est pas ainsi que nous réfléchissons. La simplification administrative sera un axe important : chaque institution devra proposer des exemples concrets.
Avez-vous déjà identifié des pistes ?
Pendant la Covid, certaines mesures ont été mises en place et peuvent aujourd’hui être supprimées ou revues. Dans la Déclaration de politique régionale wallonne, il y a une volonté d’évaluer la gouvernance de l'Aviq. L’institution nous soumettra également des propositions concrètes pour la simplification administrative. Par ailleurs, certains programmes pourront être revus. Par exemple, suite à la crise du Covid-19, le département des maladies infectieuses a vu ses effectifs augmenter considérablement. Ils sont passés de quelques personnes à plus de 30. Actuellement, avec la professionnalisation de l'Aviq, l’amélioration de la coordination avec les autres niveaux de pouvoir et l’informatisation, le nombre de personnes peut être ajusté.
Que peuvent attendre de vous les généralistes ?
Ma priorité est de réfléchir à la pénurie de généralistes et de trouver des solutions. Cela passe par la gestion des quotas Inami au niveau fédéral. Nous devons également agir rapidement et résoudre la problématique des gardes.
En quoi pouvez-vous vraiment agir, concrètement ?
Je viens de rencontrer Frank Vandenbroucke. Je veux comprendre ce que le niveau fédéral va nous proposer suite aux remarques émises par les médecins wallons concernant le 1733. J’attends également des propositions concernant la valorisation financière des opérateurs du 1733 et un meilleur dispatching. De mon côté, je souhaite consulter sur ce dossier et discuter avec le GBO, l’Absym et d’autres acteurs de terrain pour répondre au mieux aux réalités territoriales. Je veux une réforme efficace et utile pour les médecins. J’attire aussi l’attention sur le fait qu’un système ne peut pas nécessairement fonctionner de la même manière en province du Luxembourg que dans une grande ville.
Avez-vous déjà fixé un autre rendez-vous avec le ministre Vandenbroucke ?
Je le revois dans les prochains jours pour discuter spécifiquement de la garde. C’est un dossier essentiel pour la qualité du travail des généralistes et leur bien-être dans leur quotidien.
Avez-vous une solution pour les stages des assistants en médecine générale ?
Ce n’est pas directement de ma compétence, mais nous devons stimuler tous les acteurs pour qu’il y ait plus de stages dans les zones en pénurie. Là, la solution doit venir du Fédéral et de l’Enseignement supérieur... mais nous devons travailler ensemble.
Et la question des sous-quotas ?
Il faut une réflexion avec l’administration de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Je veux également avancer sur la rapidité des agréments. Nous avons eu une discussion cette semaine avec l’administration. Cela passe en priorité par une modernisation du système. Si toutes les démarches prennent beaucoup de temps actuellement, il faut reconnaître qu’en partie, c’est à cause du sous-effectif au niveau de l’administration pour gérer les dossiers. Ces dossiers sont encore traités en version papier. Par ailleurs, il y a un problème avec les demandeurs. Par exemple, un médecin a introduit ses six années de stage, mais avec de nombreuses erreurs dans les documents. Tout a dû être vérifié, ce qui prend évidemment du temps pour compléter les dossiers. Il est crucial que les médecins soumettent aussi des dossiers de qualité. En parallèle, nous travaillerons à la modernisation de l’informatique.
Quel sera le rôle des pharmaciens dans votre réflexion ?
Il faut valoriser l’activité des pharmaciens en convainquant les généralistes de l’importance de travailler ensemble. Les généralistes ont souvent l’impression qu’on leur retire des « actes simples » qui sont rémunérés. Par exemple, la vaccination réalisée par les pharmaciens est perçue comme une tentative de leur retirer la prévention, domaine dans lequel ils jouent un rôle clé. Globalement, personne ne doit être perdant, et il faut améliorer l’accessibilité de la population à la prévention. J’entends ce que mes collègues généralistes me disent, même si je ne suis pas toujours convaincu d’un point de vue de santé publique. Certains transferts d’actes peuvent poser problème. Cependant, je ne veux pas que la question soit uniquement financière.
Quel avenir pour Proxisanté ?
Tout est à faire. Mis à part le décret – qui est passé et que nous allons ajuster pour qu’il soit plus facilement applicable – nous devons sortir d’une vision trop théorique. Je vais relancer la concertation avec les initiateurs du projet. Il est également crucial que le projet soit pérenne financièrement, car pour l’instant, nous n’avons aucune vision financière. Nous en avons besoin aussi pour le futur Plan de santé mentale. Proxisanté est central pour la bonne mise en œuvre des autres politiques de santé au niveau wallon. Il joue également un rôle dans les trajets de santé. Enfin, le généraliste sera au cœur de tout ce processus.