Le dossier Inami, une saga sans fin (Basil Sellam)

Depuis maintenant près de 25 ans, les soins de santé en Belgique sont au cœur  d’une lutte incessante centrée sur la même question: les quotas Inami. Le  temps passe et malgré des discussions souvent rébarbatives et répétitives, le dossier n’a presque pas avancé aux cours des années au niveau fédéral. Jusqu’à récemment. 

La situation actuelle 

Les besoins en médecins sont en grande partie déterminés de manière obsolète : via l’offre de médecins. Le dernier cadastre des médecins en date est sorti en  2019, reprenant des chiffres datant de 2016, et n’est en effet qu’une  appréciation du nombre brut de médecins répartis sur le territoire classé par  spécialité. Quel est donc le problème d’un tel système ?

En appréciant  uniquement l’offre de médecins par ce procédé, on oublie les 2 points clés  essentiels pour évaluer le besoin réel de la population : le profil de la population  à soigner et l’évolution de la médecine. Nous le savons, notre population vieillit.  Lorsque que l’on vieillit, notre santé se dégrade et nous sommes de plus en plus  à risque de développer des maladies chroniques qui vont nécessiter des visites régulières chez le médecin traitant et chez des spécialistes. Il y a donc de plus en  plus de personnes qui doivent être suivies régulièrement et le besoin en  médecins augmente inexorablement. Par ailleurs, la médecine est en constante  évolution. Les techniques se peaufinent, de nouveaux traitements apparaissent  et avec eux la possibilité de soigner plus de patients, ce qui augmente également  les besoins en soins. Tous les éléments de l’équation de l’estimation des besoins en médecins ne sont pas pris en compte et l’estimation actuelle des quotas est  donc biaisée. Et cela sans compter que la médecine reste une pratique qui  s’exerce en pluridisciplinarité, ce qui fait que si on provoque une pénurie dans  une spécialité cela va irrémédiablement se répercuter sur les autres.  

Sur le plan économique, ce système a également des répercussions négatives.  En effet, lorsque l’offre médicale se raréfie, les patients sont pris en charge de  manière tardives dû aux temps d’attente prolongés. Ce retard de prise en charge  accroît quasi systématiquement les factures et coûts des soins de santé à cause de diagnostic tardif sur des pathologies qui auront continué leur cours et ainsi  nécessiteront plus de soins, plus d’hospitalisations et parfois des arrêts de travail  plus longs. 

D’un point de vue social et économique il ne fait donc aucun doute que ce  système doit changer. 

L’utopie 

Au CIUM, nous avons toujours demandé un changement en profondeur du  système d ’attribution des numéros INAMI au niveau fédéral. Il a toujours semblé  essentiel d’avoir un système d’évaluation efficace de la situation réelle sur le  terrain pour mettre en lumière la pénurie et savoir enfin objectivement ce que  vivent les médecins et les difficultés vécues par la population face au système de  soins de santé. Un système d’évaluation qui prenne en compte le profil socio économique du bassin de soins, l’évolution des techniques thérapeutiques, la  disponibilité des différents spécialistes, la charge de travail des médecins etc…  Cela afin de déterminer des quotas médicaux en adéquation avec le profil de  population à traiter et des capacités de notre système de soin. 

Avec une évaluation fine des besoins médicaux des quotas tenant compte des  besoins réels en médecins pourraient être instaurés afin d’assurer une présence  médicale sur le terrain qui soit conforme aux besoins afin d’assurer une  médecine de qualité avec des effectifs médicaux suffisants pour permettre une  qualité de vie et de travail satisfaisante pour les médecins sans toutefois passer  dans l’excès d’offre qui serait délétère non seulement pour les médecins eux même, mais aussi pour les finances publiques. 

Cette situation quasi idéale d’adéquation de l’offre et la demande est attendue  et recherchée depuis longtemps mais tarde à se mettre en place du fait de tiraillements politiques propres à notre système politique belge si complexe. 

La chute 

Evènement rare, un gouvernement a finalement été formé il y a un peu plus d’un  an. Il a fait office d’espoir pour une avancée positive du dossier INAMI, en faveur  des étudiants en médecine, de la santé de la population et du corps médical.  

La chute fut rude.  

Monsieur Vandenbroucke décida de repartir sur les mêmes bases qu’il y a 20 ans  de cela : le retour en force vers une politique restreignant l’accès à la profession  médicale en opposition complète avec les réalités factuelles du terrain.  

Camouflé dans une loi « fourre-tout », qui se voulait être une loi d’extrême urgence dans le contexte de la pandémie de COVID, un article, le 69, se détache des autres et vient chambouler des dizaines d’années de conflit sur le dossier des  quotas INAMI.  

En effet, alors que le système de sélection relève d’une une compétence  communautaire, il devient possible grâce à ce petit article d’imposer un filtre au  niveau fédéral. Ainsi, des étudiants pourraient donc se voir refuser l’octroi d’un  numéro INAMI après leurs 6 ans d’études et ne pourrait donc pas pratiquer la  médecine thérapeutique.  

Outre l’aberration évidente de cette mesure envers les étudiants en médecine  faisant déjà face à une sélection extrêmement ardue, consistant en un examen  d’entrée très sélectif, et font, en outre, face à des études qui ne le sont pas  moins. Cette mesure est également scandaleuse quand on connait l’état actuel  de délabrement des soins de santé qui ont, qui plus est, été mis en lumière par  l’actuelle pandémie de COVID.  

L’ensemble de cette situation parait totalement invraisemblable, puisque aucun  avantage ni social ni économique ne peut être tiré d’une telle mesure. Il parait  évident qu’elle ne peut être mise en place, et encore moins dans le contexte  actuel. Il est nécessaire que les députés votent contre l’adoption de cette loi et  demande l’abrogation de cet article.  

La saga des quotas INAMI est finalement une histoire sans fin pour laquelle  chaque pas en avant semble suivi de 2 pas en arrière et finalement même lorsque  la situation semble grave, pour ne pas dire que nous sommes au bord du gouffre, rien ne nous empêche de faire un grand pas dans le vide.

Lire aussi:

Numéros Inami: les étudiants en médecine pourraient manifester mercredi

Une pétition contre les quotas en médecine

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Derniers commentaires

  • Luc BUYSSE

    07 février 2022

    Cette obsession de limiter les n° d'INAMI contre toute logique est tellement incompréhensible pour nous tous : n'est-elle donc pas tout simplement communautaire ?

  • Gaëtan CLERBAUX

    04 février 2022

    Belle synthèse d’une mesure aberrante. Les conditions de travail des médecins actuellement ne sont déjà pas faciles, nous n’avons pas besoin d’une pénurie grandissante pour aggraver la situation. Pour préserver la qualité des soins des patients actuels et futurs, pour les jeunes étudiants et pour notre qualité de vie de médecin, mobilisons-nous ! Pas juste l’ABSYM mais l’ensemble des syndicats et des fédérations médicales, l’Ordre, les fédérations d’étudiants en médecine et pourquoi pas des associations de patients.

  • Francois Planchon

    04 février 2022

    Excellent résumé... Quelques considérations :
    1) L'Absym , le CIUM et L'ordre des médecins devraient établir eux-même un cadastre réaliste des besoins actuels en médecins, pour servir de base aux négociations... ET communiquer vis à vis du public à propos de ces besoins "de base" qui ne sont pas satisfaits. Cela deviendrait intenable pour le gouvernement de brandir des normes obsolètes !!!!

    2) Quand +/- 1/3 des numéros INAMI distribués chaque année le sont à des médecins venant d'autres pays européens, il est inadmissible de limiter les nos INAMI pour nos étudiants... Ces 3 associations devraient le clamer haut et fort le plus souvent possible !
    Si un "supplément" de +/- 30% de Nos INAMI est possible chaque année, qu'il soit d'abord accordé à nos jeunes motivés pour une carrière médicale, et si il en reste de libre à des médecins étrangers !

    3) Nos universités ne sont pas destinées à combler les carences de l'état français qui ne prévoit pas assez de places dans son enseignement supérieur, a des coûts plus élevés qu'en Belgique et a instauré un parcours de sélection (Parcoursup) trop sévère.
    Nos impôts ne sont pas destinés à palier les carences de la France vis à vis de ses étudiants ! Ces places sont d'abord destinées à nos étudiants, pour correspondre en priorité au 2) ci-dessus ...

    4) si toutes les études établissaient un quota d'étudiants correspondant aux besoins estimés (par qui, comment ?) du marché du travail, il n'y aurait pas assez de places pour tous les étudiants désirant suivre des études supérieurs ou professionnelles ! Cela démontre bien l'absurdité de limiter les étudiants en fonction d'un nombre d'emplois supposés disponibles à la sortie...
    Le pays a intérêt à avoir un maximum de personnes qualifiées, et si ils ne trouvent pas d'emploi en Belgique, ils s'expatrieront... Ceci n'exclu évidemment pas d'encourager les filières vers les métiers en pénurie par divers incitants, et de décourager les filières comportant à la sortie trop de chômeurs !
    Trop simple ??

  • Freddy GORET

    03 février 2022

    Il y a longtemps que ce ministre aurait du passer en justice …

  • Freddy GORET

    03 février 2022

    Cette limitation des numéros INAMI sert uniquement à limiter l accès aux soins dans un but économique : limiter les dépenses .
    Le pouvoir politique n as pas les c…….s d
    avouer à la population que la Belgique n as plus les moyens de payer la sécurité sociale
    L avouer publiquement c est la mort du politicien Alors on réduit les normes de personnel les salaires le financement on supprime des maternités on limite les examens nécessaires à une médecine
    moderne on menace les praticiens de sanctions pour les prescriptions On retourne bientôt à la médecine du moyen âge …

  • Michelle BALFROID

    03 février 2022

    Bravo pour cet article qui décrit parfaitement le problème aigu et scandaleux des Quotas INAMI
    QUAND IL Y AURA DES SUICIDES des Etudiants en médecine , Vandenbroeck et ses confrères devraient être jugés en cours d'Assises !!!