Les couleuvres que le GBO veut faire avaler aux MG ( Dr David Simon )

 

Dans une lettre ouverte envoyée à Medi-Sphere, le Dr David Simon, Médecin de Famille à Colfontaine et administrateur à l'ABSyM, répond au Dr Anne Gillet (GBO) et à sa Tribune sur la multidisciplinarité. "Confronter nos points de vue n’est en rien clivant mais au contraire très constructif car il permet aux MG de terrain de pouvoir situer le GBO et l’ABSyM vis à vis de sujets stratégiques pour les prochains mois. "

Il est faux d’affirmer qu’en 1997 l’ABSyM s’est opposée à la mise en place du DMG.  Ce qu’elle a refusé c’est que le DMG devienne une inscription avec interdiction pour le patient de consulter un autre médecin. Tu dois probablement te souvenir que pendant les discussions avec le Ministre Colla, ce dernier n’avait mis que 12,5 millions d’euros sur la table.  Le GBO exigeait que tous les patients aient droit à un DMG. Un bref calcul inspira l’ABSyM de repousser cette proposition car ceci aurait porté l’honoraire du DMG à 1,25 euro.  Nous aurions été indexés depuis sur base de cet honoraire microscopique.  L’ABSyM a alors proposé de limiter le remboursement aux patients de plus de 65 ans afin de porter l’honoraire du DMG à 12,5 euros. Il a été ensuite étendu à tous les patients.  Sans l’ABSyM, nous serions honorés aujourd’hui 3 euros par DMG … 

Quand tu dis que « le GBO promeut la place centrale du MG dans la première ligne », je ne doute pas que tu en sois convaincue mais Paul De Munck ne me semble pas partager ton approche. Ce dernier ne cesse de répéter que la plate-forme de première ligne (PPLW) qu’il préside, devrait acquérir un pouvoir de décision plus important qu’un simple lieu de dialogue auquel elle était initialement destinée. 

Non à un pouvoir de décision pour la PPLW

Si, selon les statuts de la PPLW, les quatre organisations de généralistes francophones (ABSyM, GBO, FAGW et SSMG) disposent de 4 voix, chaque autre profession de soins de santé en reçoit 4 aussi (pharmaciens, dentistes, infirmiers, kinésithérapeutes, psychologues, diététiciens, sages femmes, logopèdes, ergothérapeutes et podologues) soient 40 voix. Enfin chaque structure multi-disciplinaire (RML, SISD, ACCOORD et Fédération des Maisons médicales ) en reçoit deux, soit 8 voix 

Au total, à la PPLW, les MG ont donc 4 voix sur 48.  Les organisations représentatives des médecins généralistes disposent donc d’un douzième du pouvoir de décision. SI le GBO considère que ceci est le reflet de « la place centrale du MG », je confirme au contraire que confier un quelconque pouvoir de décision à la PPLW constituerait une « marginalisation du MG dans une nébuleuse multidisciplinaire ».  Je ne peux m’empêcher de souligner que les MG exerçant en maison médicale qui représentent moins de cinq pour cent de la profession leurs membres représentent le tiers des organisations représentatives des MG à la PPLW. 

Les compétences de la PPLW doivent donc demeurer strictement limitées à un lieu de discussion entre professionnels et ne jamais devenir un lieu de décision. En particulier en ce qui concerne celles qui ont trait à l’accès aux données médicales au partage des compétences du médecin avec d'autres professions des soins de santé et les financements transversaux qui ne relèvent que des syndicats de médecins dans le cadre exclusif de la commission nationale médico-mutualiste. 

Non à la subsidiarité

Tu écris que « le modèle défendu par le GBO c’est le médecin qui garde la main sur les soins » .  Or le GBO n’a de cesse de promouvoir la « subsidiarité ».  La subsidiarité n’est autre que le transfert de compétences du médecin vers un non médecin. Elle offre le droit à ce dernier de l’exercer de façon autonome sans prescription d’un médecin. La subsidiarité remplace ou s’ajoute à la délégation de compétences. La délégation de compétences impose au contraire que celles-ci soient prescrites par un médecin. 

La Loi coordonnée relative à l'exercice des professions des soins de santé, en abrégé LEPSS, interdit la subsidiarité qu’elle qualifie d’exercice illégal de la médecine (art. 3 § 1er).  Elle impose que, si les compétences du généraliste sont exercées par un autre professionnel, elles  soient déléguées par un médecin sous son contrôle (art 23 § 1er).  

Paul De Munck répète à qui veut l’entendre qu’il faut modifier cette loi.  L’ABSyM s’y oppose catégoriquement. Nous préconisons au contraire que cette loi ne soit pas modifiée et que le médecin garde légalement la main sur les compétences du médecin définies dans cette loi. Nous préférons que le médecin puisse continuer à déléguer aux autres professionnels des soins de santé certains actes qui ne doivent être ni autorisés ni remboursés sans qu’il ne les leur prescrive.  

C’est à nos yeux au médecin de juger si ceci est approprié. En effet ces transferts de compétences nécessitent des financements transversaux.  Ceux-ci consistent à puiser dans l’enveloppe des honoraires des MG le budget qui permettrait de financer ceux d’autres professionnels de soins de santé.  Les médecins généralistes financeraient donc sur leurs propres honoraires le droit à d’autres professions d'exercer leurs compétences. 

Non à la vaccination par les pharmaciens

Le premier exemple de subsidiarité est la vaccination par les pharmaciens. Le GBO a signé le 9 décembre un communiqué commun avec AADM  qui réclame une modification de la loi sur l'exercice des professionnels des soins de santé pour permettre aux pharmaciens de vacciner contre la Covid. Une enquête de l'ABSyM ayant révélé que 80% des médecins étaient opposés à cette folie l'a amené à mettre - un peu - d'eau dans son vin. Le GBO prétend menacer le ministre d'une "déclaration de guerre" contre la vaccination par les pharmaciens.  Mais ll se limite en réalité à demander que celle-ci soit limitée dans le temps et qu'elle ne soit initiée que si les centres de vaccination sont débordés. Le GBO continue donc à soutenir la vaccination par le pharmacien mais dans une langue de bois dont il a une longue expertise. 

Le GBO abuse de la confiance des médecins généralistes en masquant dans la complication de son discours les couleuvres qu’il veut leur faire avaler.  

Le GBO qualifie l’ABSyM de syndicat « corporatiste ». En effet, conformément à la définition du corporatisme dans le dictionnaire, l’ABSyM défend les intérêts d’une seule profession, les médecins.  L’ABSyM défend aussi les intérêts du patient et il n’est pas rare qu’il soit amené à s’opposer au GBO pour le faire. 

Enfin tu promets aux MG de terrain « un monde plus juste et plus généreux » qui repose sur la revendication historique du GBO : l’échelonnement.  Ce concept est totalement éculé car je serais curieux de connaître la réponse des MG dont la première revendication est de diminuer les contraintes administratives à la question : « Souhaitez-vous que les patients soient obligés d’obtenir une prescription de leur médecin généraliste pour pouvoir être remboursés d’une consultation chez un médecin spécialiste ? ».  

Je laisse aux médecins généralistes le soin d’y répondre. 

Lire aussi: Ouvrir la réforme des soins de première ligne au débat public (Dr David Simon)

Vous souhaitez commenter cet article ?

L'accès à la totalité des fonctionnalités est réservé aux professionnels de la santé.

Si vous êtes un professionnel de la santé vous devez vous connecter ou vous inscrire gratuitement sur notre site pour accéder à la totalité de notre contenu.
Si vous êtes journaliste ou si vous souhaitez nous informer écrivez-nous à redaction@rmnet.be.