La numérisation des soins de santé et inclusion : le grand écart ?

La fracture numérique s’insinue dans les soins de santé. Les technologies de traitement de l’information peuvent donner au médecin de remarquables outils qui renforcent sa performance technique. Mais elles peuvent aussi laisser pour compte les usagers qui n’ont pas une littératie numérique suffisante, quelle qu’en soit la raison.

Les technologies de traitement de l’information sont en quelque sorte une arme à double tranchant. C’est vrai non seulement dans la vie courante mais encore dans les soins de santé. Tel était le message de Vincent Collin, directeur du CRETH (Centre de ressources et d'Evaluation des technologies pour les Personnes Handicapées). Cet organisme est chargé de conseiller les personnes handicapées dans leur adaptation aux nouvelles technologies, que ce soit à domicile, à l’école ou sur le lieu de travail. Son directeur s’exprimait dans une conférence qu’il donnait au Salon Soins & Santé, qui vient de se tenir à Namur.

En matière de soins de santé, les technologies de traitement de l’information peuvent avoir des côtés positifs et des côtés négatifs. Côté positif, dit Vincent Collin, « on peut voir les technologies comme faisant partie inhérente de l’acte médical. La robotique chirurgicale aide le chirurgien à conduire son intervention. L’imagerie médicale est assistée par de puissants outils de traitement de l’image, qui permettent de tirer un maximum d’informations à partir des données acquises. ». Même sur le plan administratif, des logiciels sont sensés soulager d’une partie des tâches les médecins, qui sont largement surchargés de travail.

D’autres applications encore sont destinées à aider le corps médical à communiquer avec le patient.  C’est là que l’on peut trouver le meilleur et le pire. L’interface de certains logiciels est difficilement abordables pour l’usager-patient moins bien initié, créant ce que Vincent Collin a appelé « le grand écart » entre ceux qui se montrent capables de les utiliser et ceux qui n’y voient que du feu. « Et ce n’est pas réductible à une question de génération » insiste l’expert. « Même parmi les étudiants universitaires, certains usagers ne parviennent pas à se servir de certaines plateformes. Prenons l’exemple de la prise de rendez-vous. Les plateformes proposées correspondent aux besoins des médecins. Elles leur évitent entre autres choses d’interrompre une consultation pour prendre un appel. Mais elles supposent que l’usager est intellectuellement capable de les utiliser. Ce n’est pas toujours le cas, loin de là, a fortiori si la personne souffre d’un handicap.

Fort de ce constat, Vincent Collin formules de recommandations aux concepteurs. Ces recommandations pourraient aussi servir de critères pour le médecin qui souhaite opter pour l’une ou l’autre formule. Ainsi, il faut veiller à une bonne lisibilité. Vérifier l’identité d’un usager avec un test CAPTCHA revient à interdire l’accès à une personne mal voyante. Il est conseillé de prendre en compte l’intégralité des situations : si une information enregistrée à l’accueil n’est pas ipso facto communiquée au soignant (surdité du patient par exemple), des difficultés peuvent surgir au moment des soins. Les mises à jour, ne doivent pas (trop) modifier la position des boutons de commande sur l’écran, sous peine de perturber et décourager les usagers. Il est souhaitable de faire tester les logiciels par des usagers. « Les associations de patients sont très disponibles pour cela » dit Vincent Collin. Et de plaider en faveur de procédures inclusives, c’est-à-dire très accessibles. Les personnes qui avaient le moins de littératie numérique se sont trouvées les plus isolées pendant le confinement passé. Enfin – cela concerne directement le médecin – il est indispensable de laisser aux patients un « plan B », comme la possibilité d’un appel téléphonique.

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Derniers commentaires

  • Charles KARIGER

    15 février 2023

    Pas de snobphone (récent !) avec abonnement « illimité », incapables de jongler avec ce joujou, qu’ils se contentent d’aspirine. Pareil pour les déplacements. Dans la ville « apaisée » (quel mot !) à « mobilité douce », malheur à tous ceux qui ne font pas partie du groupe des bons marcheurs vigoureux & cyclistes aguerris (et bien équipés). Les autres, le vieux, les mal voyants, les pauvres, aucune place!
    Comme les gosses largués de l'enseignement par "ZOOM®" parce qu'il n'y qu'un appareil pour toute la famille.
    C'est vraiment chouette, la "société inclusive"...