Près de 700 consœurs et confrères ont répondu à notre sondage express lancé sur nos sites la semaine dernière «Faut-il rendre obligatoire la vaccination chez les soignants?» Que ce soit à l’hôpital, dans les maisons de repos ou en première ligne, près de 80% des médecins, spécialistes et généralistes, francophones et flamands, ont répondu unanimement «oui».
Récemment, le Pr Michel Moutschen, le chef du service d’infectiologie du CHU de Liège, a pris une position forte en faveur de la vaccination contre le Covid dans un article publié sur les site du Spécialiste et de Medi-Sphere: «Je pense qu’on ne peut obliger personne à se faire vacciner, mais on peut obliger les personnes qui sont en contact avec les malades à se faire vacciner. Cela ne me paraît pas problématique d’un point de vue éthique. (…) C’est un devoir. Si des membres du personnel soignant ne souhaitent pas se faire vacciner, ils doivent envisager une réorientation de leur activité professionnelle. Ceci est vrai tant pour les infirmières que pour les médecins».
Un plébiscite
Dans le cadre de cette problématique, nous avons procédé à un sondage express à propos de cette question qui est au cœur de l’actualité dans les hôpitaux, les maisons de repos et la première ligne. Les résultats permettent de dégager une tendance forte même s’il ne s’agit toutefois pas d’une enquête scientifique (voir infographies ci-dessous).
On ne constate pas de différence significative entre les médecins du nord et du sud du pays: de manière générale, à toutes les questions, néerlandophones et francophones se montrent majoritairement favorables à la vaccination obligatoire des soignants et des médecins.
Quand c’est non
Chez les 20% de médecins qui ont répondu non à la question de l’obligation vaccinale chez les soignants et les médecins dans les hôpitaux, ce sont surtout des francophones (57%) et des hommes (50%). Les femmes étaient 31% à dire non. Tous sexes et régions confondus, les médecins qui ont répondu non à l’obligation vaccinale se retrouvent en majorité être des personnes âgées entre 46 et 65 ans compris (51%). Une exception quand même chez les francophones où c’est dans la tranche d’âge des 36 à 45 ans qu’on retrouve 41% d’opposition à l’obligation.
Du côté de l’obligation vaccinale en première ligne, ce sont plutôt les MG flamands qui y sont opposés (24%) contre 18% chez les MG francophones.
A noter que parmi les partisans du «non» à l’obligation, on retrouve 58% de médecins qui ne sont pas totalement vaccinés mais aussi 42% qui le sont!
87% des médecins disent avoir déjà été totalement vaccinés. 87% des généralistes francophones l’affirment aussi.
Réactions
Pour le nouveau président de la SSMG, le Dr Quentin Mary, les résultats sont inévitablement impactés par cette période si particulière: «Il y a certainement une partie de répondants (des médecins) qui ont été touchés dans leur chair par l’épidémie (patients, proches…)». Il insiste sur le rôle pédagogique des médecins: «En maison de repos, j’ai souvent pris le temps de bien parler avec des infirmiers et du personnel soignant. Pour les hésitants-vaccinaux, j’ai eu plusieurs fois l’occasion de les faire changer d’avis. Avant de rendre le vaccin obligatoire, il faut donc améliorer la pédagogie. Enfin, je rappelle que rendre la vaccination obligatoire est plus un problème politique que scientifique».
Au niveau des maisons de repos, le Dr Jean-François Moreau, président de l’Association francophone des médecins coordinateurs et conseillers en maisons de repos et de soins (MRS), n’est pas étonné par les résultats du sondage: «Les médecins qui ont vu des patients Covid ne peuvent qu’être favorables à la vaccination. Ceux qui l’ont eu, comme moi, ne peuvent aussi qu’y être favorables. La vaccination devrait donc être obligatoire comme pour l’hépatite B. Ceux qui ne veulent pas être vaccinés peuvent changer de métier. C’est une décision politique».
Pas surpris par les résultats du sondage, Paul de Munck, président du GBO, insiste aussi sur le rôle central du médecin: «Il a un rôle d’exemple évidemment. Lorsqu’il est vacciné, il peut persuader plus facilement le patient et d’autres acteurs de soins de se faire vacciner».
Les résultats n’étonnent pas non plus le Dr Philippe Devos, le président de l’ABSyM: «Je ne comprends pas les motivations des membres du personnel soignant qui ne sont pas encore vaccinés. Il est indispensable que les médecins se vaccinent. Ces résultats montrent l’importance de la vaccination. Aux médecins qui auraient encore un doute, je rappelle que le médecin doit toujours diminuer le risque pour son patient».
Face à la plus faible vaccination chez certains membres du personnel soignant comme les infirmiers, Arnaud Bruyneel, vice-président du SIZ Nursing (association francophone des infirmiers de soins intensifs) trouve cela irresponsable que des infirmiers ne soient pas vaccinés. «Il est important qu’ils pensent à protéger les patients et eux-mêmes.»
Au niveau de l’Ordre des Médecins, le vice-président, le Dr Philippe Boxho, «insiste pour que les médecins se fassent vacciner et respectent les données scientifiques lorsqu’ils donnent un avis». Il ajoute que les médecins qui formulent des contre-vérités sur les vaccins peuvent être poursuivis: «Il y a déjà eu trois condamnations au nord du pays avec plusieurs mois de suspension de l’art de guérir».
De son côté, le Comité consultatif de bioéthique est «favorable à l’ouverture du débat sur l’obligation de vacciner les soignants». Mais aucun projet de loi ne lui a encore été soumis!
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