La Journée nationale de la femme, ce 11 novembre, est l’occasion de faire le point sur la place de la femme chez les médecins et dans les soins de santé. Réflexions de Karolien Haese, avocate , co-fondatrice de BHCT et du Dr Caroline Depuydt, psychiatre et membre de l'ABSyM.
Récemment, Statbel a examiné la situation des 416.038 prestataires de soins de santé actifs et domiciliés en Belgique début 2020. Une analyse a également été effectuée plus spécifiquement sur les 3 professions de soins de santé dans lesquelles travaillent la majorité des personnes, à savoir les médecins, les infirmiers et les aides-soignants. En 2020, il dénombrait 47.808 médecins actifs (23.115 femmes et 24.693 hommes), 152.067 infirmiers et 109.534 aides-soignants qui résidaient en Belgique et qui étaient actifs et en droit de prester sur le territoire belge.
Ce rapport montre que la majorité (78,6%) des personnes travaillant en tant que personnel des soins de santé sont des femmes. Cependant, parmi les médecins, on retrouve 51,65% d’hommes alors que chez les infirmiers et les aides-soignants, il y a respectivement 14,60% et 9,18% de prestataires masculins.
Les derniers chiffres de l'Inami montraient qu'en 2021 sur 37.782 médecins répertoriés comme actifs 46,66% étaient des femmes. On peut observer que depuis 5 ans ce pourcentage augmente sensiblement chaque année.
Source Inami
La liberté de choix de la femme
Pour Karolien Haese, avocate et co-fondatrice de BHCT, il est essentiel que les femmes dans les soins de santé puissent retrouver leur liberté de choix. « Dans les hôpitaux, les professions de santé sont largement féminisées mais l’inégalité se creuse dans les postes de responsabilité. On peut pousser à la parité, mais il y a avant tout un choix de la femme qui n’est pas dicté que par des considérations de salaires. Il faudrait garantir à la femme des conditions équivalentes à travail équivalent. A partir de là, elle doit pouvoir retrouver sa liberté de choix et avoir les mêmes chances qu’un homme. »
En outre, la femme est beaucoup moins à la recherche du titre (cheffe, grand patron, administrateur, directeur général...) que l’homme. « On ne le dit pas assez. Les femmes cherchent avant tout à s’épanouir dans le métier. Les femmes sont prêtes à devenir directrices d’hôpital. Si elles sont bien payées et avec des horaires flexibles, ce seront les meilleures directrices d’hôpitaux....et elles seront mêmes prêtes à laisser le poste de président et de fonction de représentation à un homme. »
Le corporatisme masculin bloque aussi certaines évolutions. « Si la loi n’était pas là pour imposer un minimum de quota, il y aurait encore moins de femmes. »
Les femmes attendent aussi des réunions plus efficientes. « Il faut oser poser la question de l’efficacité de certaines réunions au bout de la nuit dans des conseils d’administration, dans les organisations des soins de santé ou les syndicats médicaux. Les femmes ont l’habitude d’organiser en même temps le travail, le ménage, les enfants.... »
Plus de flexibilité
Le Dr Caroline Depuydt psychiatre, cheffe de service à l’hôpital d’accueil spécialisé Fond’Roy (absl Epsylon) qui est médecin depuis 20 ans a choisi une spécialité où il y a des hommes « et beaucoup de femmes parce que c’est d’abord une spécialisation très humaine, de contact et qui permet de choisir un peu son mode de vie. »
Elle permet de choisir son volume de travail et de s'investir en hôpital ou en institution ou en extrahospitalier. « Cela laisse une grande liberté et un aménagement du temps. C'est pratique pour les femmes puisque malgré tout, même si les choses évoluent, elles continuent à gérer les enfants et de l’organisation de la vie à domicile. Les femmes réclament cette flexibilité qui amène des pratiques de groupes qui permettent les temps partiels et le partage des gardes. D'ailleurs, de plus en plus d’hommes réclament aussi cette flexibilité. »
Les femmes par contre restent peu présentes dans les organes de décision ou dans les conseils médicaux. "Il y a eu une évolution en 20 ans mais des efforts doivent encore être faits. La discrimination positive et les quotas ont permis de faire avancer le débat. On peut les critiquer mais cela force un peu le mouvement pour que ce mouvement devienne de plus en plus naturel. Les femmes peuvent apporter quelque chose au management. Toutefois actuellement l’organisation des soins reste encore très masculine avec beaucoup de réunions le soir et beaucoup de ”présentéisme” qui sont peu compatibles avec une vie de familles et et d’épouse. »
Au niveau des syndicats médicaux, par exemple, il faut revoir le mode de fonctionnement avec des réunions qui sont souvent le soir. « La vie syndicale est une vie en plus de sa vie professionnelle et de famille et de couple. Il faut faire des choix. Moi, par exemple, je ne vais plus à des réunions syndicales que sur la santé mentale. Les syndicats ne sont pas opposés à l’arrivée de plus de femmes, mais l’organisation des réunions et du travail le soir n’est pas encore adaptée à l’arrivée de celles-ci. Le modèle syndical doit se réinventer mais aucune instance n’aide à cela avec la croissance des réunions de travail. »
Pour le Dr Caroline Depuydt, les femmes dans les soins de santé ont encore besoin « des femmes inspirantes qui puissent accéder à ces postes et les incarner...pour montrer que c'est possible de le faire en ayant une vie de famille et une vie privée épanouissante (un être humain qui veut s'épanouir, avoir des loisirs....). »
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