La saison des fronts communs bat son plein. Elle suit l’adoption du budget santé corseté de Maggie De Block. C’est au tour de ténors des soins infirmiers à domicile, tant flamands que francophones, de s’époumoner contre l’âpreté des économies qui les frappent. Et ce, alors que les discours politiques prônent le maintien à domicile ou l’hospitalisation raccourcie. Ils s’estiment non soutenus dans la poursuite de leurs projets, tels que la collaboration intégrée pour les soins aux malades chroniques.
Les deux gros acteurs des réseaux mutualistes francophones, la FASD (Fédération aide & soins à domicile) et la FCSD (Fédération des centrales de services à domicile), chevillés à des organisations flamandes analogues telles que la Vlaamse Federatie voor Diensten voor Thuisverpleging, le Kartel E-Vita ou encore le Kartel voor zelfstandige thuisverpleegkundigen, prédisent la météo: hiver rigoureux en vue pour les citoyens ayant besoin de soins. Alors qu’il est déjà «historiquement question d’un sous-financement structurel» du secteur, comment les infirmiers à domicile peuvent-ils faire face à la demande croissante de soins, en en maintenant qualité et sécurité «si le budget ne suit pas»? Et de citer la «norme de croissance promise non respectée», les économies de 8,9 millions «demandées par la non-indexation des honoraires», en plus des 10,4 millions supplémentaires de «mesures à prendre au niveau de la nomenclature»…
Loyauté mal récompensée
Le front commun énumère les efforts consentis ces quatre dernières années, «loyalement», et ce, «sans aucune forme de compensation», mais au contraire, avec un «durcissement des conditions d’octroi des forfaits de soins» et une «charge administrative toujours plus pesante»: tenue consciencieuse du dossier infirmier, utilisation imposée de MyCareNet, mise en œuvre de mesures en matière de transparence des soins prodigués via transmission d’un justificatif… Sans compter la lecture prochainement obligatoire de l’e-ID du patient à chaque visite.
Les infirmiers à domicile s’interrogent: n’étaient-ils pas en droit d’espérer en retour de nouveaux moyens? D’autant que l’on porte – ou dit porter – une attention croissante «aux soins de première ligne, permettant aux patients de rester chez eux le plus longtemps possible ou d’y retourner le plus rapidement possible en cas d’hospitalisation ou de rééducation». Les MG ne les contrediront pas sur ce point, étant également supposés rentrer dans une dynamique de projets pilotes associant l’hospitalier et l’ambulatoire – dont l’hospitalisation à domicile est l’une des incarnations possibles – et par ailleurs s’intégrer dans la gestion multidisciplinaire des soins chroniques.
Mais force est de constater, dixit le front commun infirmier, que les nouveaux moyens n’ont pas suivi: «l’établissement du budget des dépenses Inami 2016 n’offre pas la possibilité de poursuivre ces changements positifs». Ne se sentant «pas soutenu», il gratte à la porte de la ministre de tutelle: il aimerait se mettre autour de la table avec Maggie De Block pour «plaider pour l’obtention d’un budget supplémentaire en vue de mettre sur pied de nouvelles collaborations» ou «d’améliorer les soins à domicile».
Le secteur ne semble pas hermétique à l’idée de balayer par la même occasion devant sa porte, puisqu’il parle également de «prendre des mesures visant à constater et à aborder plus efficacement les abus». Mais il appelle toutefois la ministre et ses collaborateurs «à repenser et réviser intégralement le financement afin qu’aucun patient, prestataire de soins ou infirmier à domicile ne se retrouve à l’avenir sur le carreau».