Nous le savions évidemment déjà depuis un moment: si nous n’y prenons garde, la technologie s’insinuera bientôt dans les moindres recoins de notre vie privée. Dans une carte blanche particulièrement divertissante publiée dans le quotidien flamand De Standaard, le spécialiste en philosophie et éthique médicale Ignaas Devisch a tenté d’imaginer ce que cela pourrait signifier pour ceux qui nous gouvernent…
Le point de départ de l’article est le récent malaise d’Hilary Clinton, qui a inspiré au philosophe une série de réflexions extrêmement spirituelles. Il conteste ainsi l’étiquette de menteuse que d’aucuns attribuent à la candidate démocrate pour avoir voulu cacher sa pneumonie au public: d’après lui, l’incident démontre au contraire ses piètres capacités de dissimulation… et donc finalement sa fiabilité!
C’est par contre à raison qu’Ignaas Devisch conteste qu’une pneumonie compromettrait les capacités de la candidate démocrate à assurer la présidence des États-Unis. On a d’ailleurs rappelé à plusieurs reprises au cours des derniers jours l’exemple de John F. Kennedy, qui avait non seulement le bras long mais aussi deux jambes inégales qui l’exposaient à de graves problèmes de dos. Il aurait même passé une partie de sa présidence en chaise roulante, fût-ce uniquement à Washington et à l’abri des regards indiscrets.
Kennedy souffrait du reste également de la maladie d’Addison et ne pouvait pas se passer de sa dose quotidienne de gluco/minéralocorticoïdes. Et on veut nous faire accroire qu’une mauvaise toux et une propension à piquer du nez après le déjeuner sont des vices rédhibitoires pour une candidate à la Maison Blanche?
Au-delà de l’incontestable bon sens des propos d’Ignaas Devisch, la grande question est évidemment de savoir comment vont réagir les médias et l’opinion publique. Réclamerons-nous, demain, un rapport détaillé de la santé de nos décideurs (rendu possible par les progrès fulgurants de la technologie)? Le philosophe gantois se prend à dépeindre des politiciens affublés 24h/24 d’une caméra ‘SeeChange’ diffusant en continu tous leurs faits et gestes, leur moindre épisode de reflux acide.
L’idée est empruntée au roman ‘The Circle’ de l’écrivain américain Dave Eggers. D’après lui (même s’il concède qu’une telle évolution n’est sans doute pas encore pour tout de suite), «à partir du moment où un parlementaire accepte de se prêter au jeu, les autres sont automatiquement forcés de suivre, puisque celui qui refuse d’être transparent a forcément quelque chose à cacher».
Il sera certainement très difficile de faire admettre une telle atteinte à la vie privée, si tant est que nous en arrivions là sur notre bon Vieux Continent. Cela dit, en regardant les choses sous un autre angle, on pourrait se demander s’il ne serait pas urgent de mettre un détecteur de mensonges au cou de certains parlementaires…